Abdourahmane Diouf : un miroir contradictoire

Abdourahmane Diouf
Abdourahmane Diouf

Réagissant à la relance du journaliste sur le fameux “il m’a déçu” d’Idrissa Seck à son sujet
lors de l’entretien spécial avec le groupe de presse E-media, Abdourahmane Diouf trouve que c’est
plutôt Idrissa Seck qui a déçu. Il pousse le bouchon plus loin en parlant de trahison et cela est suffisant
pour renseigner sur sa vraie volonté : faire mal quitte à mélanger délibérément deux choses, deux
concepts distincts pour mieux attaquer. Une astuce de communication qui relève plus de l’artifice que
de la substance. Idy parle de déception, mais lui s’empresse de parler de trahison. Pour le justifier, il
prend les retrouvailles Wade-Idy et Macky-Idy. Son argument principal était qu’à l’issue de la
présidentielle de 2007, les sénégalais avaient clairement dit à Idy qu’après Wade c’était lui en le plaçant
2e
, mais que Idrissa Seck avait vendangé tout cela en retournant chez Wade. Il renchérit en prenant
l’exemple de la présidentielle de 2019 où là aussi, pour lui, en le plaçant 2e derrière Macky Sall, les
sénégalais avaient clairement dit à Idy qu’après Macky c’était lui, mis que Idy a trahi ses électeurs pour
des compromissions. À ce niveau, Abdourahmane Diouf n’est ni juste ni honnête, car pour qu’il puisse
parler de compromission, il faut qu’il ait été présent lorsque les deux hommes s’étaient mis d’accord
pour travailler ensemble pour le Sénégal. Or, n’étant pas dans le secret des dieux, il ne peut donc prouver
ni la trahison ni la compromission.
Certains de nos militants ont rué dans les brancards en le traitant d’ingrat, mais je trouve que
Abdourahmane Diouf n’avait pas tort en soutenant que les sénégalais ont clairement dit à Idy qu’après
Macky ce serait lui. Il a raison dans la mesure où aujourd’hui que Macky s’achemine vers la fin de son
mandat en 2024, le seul candidat qui coche l’essentiel des cases qu’un électeur averti, sérieux et
soucieux de l’avenir du Sénégal sous toutes ses coutures serait tenté de chercher pour la prochaine
présidentielle, c’est sans aucun doute Idrissa Seck. C’est peut-être ce que celui que nomme désormais
« Ass » a bien compris pour subitement multiplier des sorties contre celui qui nous l’a présenté en 2012.
Maintenant si ce n’est pas le sens dans lequel il entend sa déclaration, comme un ami voudrait
bien me le faire croire, c’est-à-dire qu’en fait, Abdourahmane Diouf justifie ladite « déception »
d’Idrissa Seck par le fait qu’il est allé répondre à Macky en novembre 2020 et que c’est donc fini pour
lui, si c’est vraiment cela le fond de sa pensée, il faudra bien qu’il nous dise comment il a fait pour
entrer dans la tête des 7 millions d’électeurs inscrits qui lui ont dit qu’ils ont définitivement tourné la
page Idrissa Seck et qu’en 2024 ils ne le choisiront pas. Si c’est cela le fond de sa pensée, alors
Abdourahmane Diouf est plus que prétentieux.
Mais il n’est pas que prétentieux. Il est aussi contradictoire. Il est prétentieux parce qu’il n’a
aucune mesure sérieuse du rejet d’Idrissa Seck par les sénégalais. Il ne peut pas brandir une étude
sérieuse qui le dit. Par conséquent, il ne fait que supputer et conjecturer. À chaque élection, ce sont ces
mêmes disques rayés qu’on nous sort au sujet de Idy. Il a même lié les résultats obtenus par Idy en 2012
au fait que ce dernier avait antérieurement rejoint Wade, donc compromission détectée par les radars
ultrasophistiqués du bonhomme Diouf. Quel ahurissant culot ! Présenter les choses ainsi, c’est dire tout
sauf ce qui est. Les choses ne s’étaient pas passées ainsi. Cette façon simpliste de les présenter en noir
et blanc traduit une volonté de nuire par ce qui n’est pas. Sinon comment alors soutenir après jusqu’à
porter sa parole celui qui s’est compromis sous Wade ? Voyez-vous l’insupportable contradiction, M.
Diouf ? Vous rendez-vous compte qu’en affirmant, sans étude sérieuse, que les sénégalais ont tourné
le dos à Idrissa Seck vous insultez l’intelligence des gens honnêtes en prétendant lire dans une boule de
cristal pour une matière pour laquelle on n’a pas mobilisé la science ou tout autre moyen crédible, mais
on prend des aises à distribuer des notes déjà mortes dans la bouche de celui qui les débite.
Ce n’est pas cela la politique dont nous rêvons de voir se faire et s’ancrer au Sénégal surtout
venant de ceux qui disent avec beaucoup de véhémence vouloir changer les pratiques. C’est même
gravissime pour un acteur politique, car cela n’est ni plus ni moins du charlatanisme politique or, dans
une communauté humaine, la politique c’est la chose la plus sérieuse au monde. Cette façon de faire de
la politique doit être révolue à jamais sinon les mauvaises parthiques politiques du reste tres tenaces,
résisteront en étant le ver dans le fruit, d’où l’impératif catégorique d’une véritable catharsis pour
l’extirper et cela pourrait être difficile à un certain niveau d’ancrage. Alors, assainissons nos pratiques
politiques sans verser dans des conclusions faciles et hâtives ne reposant sur absolument rien de
consistant, mise à part une ribambelle de sophismes servis à volonté à un public dont on use et abuse
de la naïveté par une langue mielleuse voire chialeuse. Le sophisme quand il devient outrancier
ressemble à un produit bas de gamme. Alors, plutôt Socrate que Protagoras d’Abdère ou Gorgias de
Leontium ! Voilà le généreux conseil !
Le bonhomme est aussi et surtout contradictoire et cette contradiction se trouve dans sa lettre
de démission de Rèew mi, et notamment la partie ultime de cette missive dans laquelle il disait ce qui
suit : Une certitude : ma foi au Sénégal et l’attachement à ma patrie. {….} Vous le savez déjà et je vous
le réitère, à chaque fois qu’il me sera donné l’opportunité d’agir dans un cadre public, je garderai mon
patriotisme chevillé au corps, et je mettrai les intérêts du Sénégal au-dessus de tout.
On s’en souvient bien, l’ambiguïté de cette partie de la lettre de démission quant à la véritable
intention d’Abdourahmane, était telle que le journaliste Adama Gaye avait réagi pour l’inviter à ne pas
rejoindre Macky Sall, puisque ces propos pouvaient le laisser croire, surtout dans le contexte où ils
étaient produits. Il dit mettre les intérêts du Sénégal au-dessus de tout. C’est une excellente chose et
nous applaudissons des deux mains. C’est pourtant cette conviction qu’avait Idy quand il avait choisi
de répondre à l’appel du pays lorsque la pandémie de COVID-19 s’était abattue sur le Sénégal en
charriant partout son lot d’incertitudes. Idy qui a toujours dit que les intérêts du Sénégal étaient audessus des siens (c’est exactement ce qu’Abdourahmane Diouf a martelé dans la fin de son épitre), est
resté fidèle à cette noble doctrine. Il l’a matérialisée en janvier 2007 puis en novembre 2020. En son
temps, nous qui tenions à son élection avions du mal à accepter qu’il sacrifie sa carrière politique, d’où
notre désaccord. Pourtant dans les deux cas, on ne peut pas lui refuser que les actes qu’il a posés, il les
a posés dans l’intérêt supérieur du Sénégal.
Cela a d’ailleurs généré beaucoup d’incompréhensions qui persistent jusqu’à présent. Pourquoi
doit-il être difficile pour Abdourahmane Diouf de comprendre et d’accepter qu’Idrissa Seck mette le
Sénégal au-dessus de sa propre carrière politique sachant que c’est exactement ce que lui-même a
martelé dans sa lettre de démission ? Peut-être qu’il n’y croit pas comme beaucoup d’hommes politiques
savent faire de belles déclarations, mais quand arrive l’heure de l’acte à poser, c’est la pirouette, cousine
germaine de la girouette qu’ils servent et qu’il faut déposer dans une brouette et la jeter à la poubelle
politique.
Abdourahmane Diouf peut critiquer Idrissa Seck, mais la posture qu’il prétend incarner lui
interdit de sortir des débats d’idées, car il est subitement devenu, comme par enchantement, très en
verve quand il s’agit de passer une couche de peinture noire à Idrissa Seck, une verve parfois sans verbe
digne. Le débat d’idées, c’est cela qui nous intéresse. Nous aimerions bien discuter de certaines idées
qu’il a balancées ici et là comme par exemple sa fameuse démocratie de concordance et non de
concurrence qui est une véritable gageure, ou encore son fameux mandat unique de 7 ans, une véritable
grossièreté sans oublier sa prétentieuse loi sur le patriotisme économique qui est un pur leurre sans lueur
et j’en passe. Ces idées trompeuses peuvent facilement être démontées car elles ne sont en réalité pas
de vraies idées mais plutôt de purs sophismes d’où l’emballement de certains compatriotes, mais c’est
cela le propre du sophisme. Il peut proposer de vraies idées s’il pense en avoir et non profiter des micros
pour attaquer Idrissa Seck même si les attaques contre ce dernier ont toujours suscité des vocations
depuis le régime de Wade et ce pour un hypothétique positionnement. C’est peut-être pourquoi
Abdourahmane semble apparaitre dans tous les miroirs, mais ce sont des miroirs contradictoires qu’il
faut ranger dans les tiroirs.
Quand l’éloquence se confond avec la grandiloquence, surtout en politique, il nous faut le plein
d’essence pour revenir à la décence. Les apparences, semble-t-il, sont trompeuses. Alors méfiance !
Yankhoba Seydi, RÈEW MI

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