A Ouagadougou, «on ramasse les vivants, les morts sont laissés sur place»

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Du bar le Cappuccino à l’hôtel Splendid, l’attentat des jihadistes d’Aqmi a fait 29 victimes de 18 nationalités différentes dans la capitale burkinabé.
Clément n’a pas de larmes, mais il est effondré. Sous un porche, il reçoit des coups de fil et tente de rassurer ses proches d’une voix blanche. Peu avant 20 heures, ce serveur au Cappuccino, un café du centre de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, a soudainement entendu que «ça tirait beaucoup». Il s’est accroupi, réfugié derrière le bar, a gagné les toilettes. Avec lui, une vingtaine de personnes. Ils ont verrouillé la porte et attendu. Les assaillants ont mis le feu au café-restaurant. Et, quand la fumée est devenue trop forte, il a fallu sortir. La voix de Clément s’arrête. «Je ne peux pas vous raconter». Dans un dernier effort, il reprend : «J’ai dû ramper sur des cadavres pour sortir». Il ne peut plus parler.
Toute la nuit, comme Clément, des fantômes sont sortis de la nuit. Visages émaciés, yeux hagards, mains tremblantes, pas erratiques, les rescapés ont été ramenés au monde des vivants dans une petite ruelle cachée de l’hôtel Splendid. Là, secours et militaires ont établi un QG de fortune. «On ramasse les vivants, les morts sont laissés sur place», dit un médecin. Un blessé vient de rendre l’âme. Des soldats soulèvent le corps par les coudes, la tête ballante, les pieds raclant le sol.
L’attaque, revendiquée par Aqmi (Al-Qaeda au Maghreb islamique) a commencé peu avant 20 heures, vendredi. Selon le scénario décrit par une source sécuritaire, plusieurs personnes armées tirent sur les réservoirs de quelques véhicules. Immédiatement après, ils tournent leurs armes vers les terrasses du Taxi Brousse et surtout du Cappuccino. C’est un café prisé des Occidentaux. Comme tous les vendredis soirs, il était plein. Selon le ministre de l’Intérieur, Simon Compaoré, on dénombre 18 nationalités parmi les 23 victimes décomptées. Le ministre refuse d’en dire plus, mais il semble que ce sont les Occidentaux qui étaient particulièrement visés.
«Je croyais qu’on était morts»
Après le café, les tireurs attaquent l’hôtel Splendid, à côté. Sébastien Somda était dans le hall, «en discussion d’affaires», quand les tireurs sont entrés. «Plus de trente personnes se trouvaient alors dans le hall», selon lui. «Des gens ont dit : on attaque le Cappuccino. Il y a eu un mouvement de panique. On a couru, on est entrés dans une salle et on s’est cachés sous un bureau, enroulés comme des vers de terre. Ça rafalait.» Le feu et la fumée envahissent le hall de l’hôtel. Sébastien Somda doit ramper pour s’écarter des fumées toxiques. Il n’en revient pas d’être en vie : «Je suis ému, je suis un revenant, je croyais qu’on était morts. Même quand les forces spéciales nous ont découverts, je pensais que c’était des jihadistes.»
Car entre-temps, soldats, gendarmes et policiers burkinabés se déploient aux abords de l’hôtel. Des forces spéciales françaises (un détachement est basé en banlieue de Ouagadougou) leur prêtent main-forte. Vers 2 heures du matin, l’assaut est lancé. Des tirs d’armes automatiques résonnent dans le noir. Toute la nuit, il faut fouiller minutieusement les chambres de ce vaste hôtel, s’assurer qu’elles ne sont pas piégées.
Au petit matin, le ministre de l’Intérieur annonce que l’assaut sur l’hôtel Splendid est terminé. Quelque 126 otages sont libérés. Trois assaillants ont été tués «un Arabe et deux Africains noirs», mais deux terroristes ont trouvé refuge dans un hôtel voisin, le Yibi et au Taxi Brousse. Les opérations se poursuivent dans la matinée. Aux abords de l’hôtel, le président, Roch Marc Christian Kaboré, accompagné du Premier ministre, Paul Kaba Thiéba, a le visage grave. «Nous devons montrer que le Burkina Faso a une longue histoire. Nous n’avons pas plié l’échine devant quoi que ce soit et ce n’est pas aujourd’hui que cela va commencer. […] Nous appelons le peuple burkinabé à la vigilance et au courage.»
Une heure plus tard, l’assaut s’achève. Au moins trois jihadistes ont été tués. Le commando compterait deux femmes.

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