«A la place d’Abdoul Mbaye, j’éprouverais de la honte…»

Pétrolier de formation, ancien chef de département à Pétrosen et Président du Conseil d’administration de la Sar, Aymérou Gningue se prononce sur les révélations de la chaîne britannique Bbc. Le Président du Groupe parlementaire Benno bokk yakaar revient aussi sur la constitution d’une commission d’enquête parlementaire sur cette affaire qui met sens dessus-dessous le pays.  

Président Aymérou, l’actualité qui secoue le pays, ce sont les révélations de la chaîne Britannique Bbc, qui fait état d’un deal de 10 milliards de dollars (5800 milliards FCfa) avec à la manette le frère du Président de la République, Aliou Sall. D’abord en tant que pétrolier, comment analysez-vous ces chiffres ?

Il est évident aux yeux de tous les observateurs objectifs que cette affaire Bbc n’est qu’un prétexte qui donne l’occasion à un groupe d’acteurs politiques connus de tous, de relancer un débat qu’ils ne cessent de ressasser depuis bien longtemps.  Avant la Bbc, on les a toujours entendus brandir un épouvantail pour un présumé scandale sur la gestion des ressources pétrolières du Sénégal dont l’exploitation ne démarrera au plutôt qu’en 2022.

On est habitués aux sommes astronomiques quand on parle de ressources énergétiques, mais dans cette affaire, Bbc a mis à nu un deal de 5800 milliards sur le pétrole sénégalais, c’est quand même beaucoup ?

Cela procède d’une agitation permanente dont le but est manifestement politique, à savoir, jeter le discrédit sur l’Etat du Sénégal. Je trouve fantaisiste cette accusation sur un deal qui aurait fait perdre une dizaine de milliards de dollars à notre pays. Il faut vraiment être ignorant pour donner du crédit à la possibilité économique d’une transaction de cet ordre à cette étape des opérations pétrolières.

Aliou Sall a reconnu avoir perçu un salaire de 25 000 dollars/mois en tant que Président représentant de Petro-Tim Sénégal. Vous êtes un homme du sérail, est-ce qu’un tel salaire est pratiqué dans le milieu ?

Franchement oui. C’est un niveau de rémunération courant dans le secteur pour ces types de prestations.

Vous avez été chef de département à Petrosen et Pca de la Sar. Comment se font les concessions pétrolières ?

Le premier regret que j’ai, c’est que ceux qui en parlent le plus sont ceux qui en connaissent le moins. Ce qu’il faut d’abord savoir, c’est que les 7 majors pétroliers du monde (Shell, Bp, Chevron, Texaco, Total etc.) n’opèrent jamais dans un pays où le potentiel pétrolier n’est pas prouvé. Ce sont les petites compagnies qui vont à l’aventure dans la recherche et l’exploration pour qu’en cas de découverte et dans bien des cas faire des cessions aux majors. Ce n’est qu’en 1997 qu’une campagne sismique en trois dimensions a été pour la première fois réalisée en eau profonde au Sénégal sur plus de 3500 mètres.  Ce qui a conduit au découpage du bloc sédimentaire offshore en eau profonde. C’est cet important travail préliminaire qui a permis à Petrosen d’entreprendre une grande campagne de promotion, rien que pour susciter l’intérêt des petites compagnies pour notre pays. C’est dans ce contexte que des compagnies dont Petro-Tim ont obtenu des contrats de recherche et de partage de productions (Crpp)

L’Etat est accusé par l’opposition et une partie de la société civile, peut-être à raison, d’une gestion non orthodoxe des ressources pétrolières. Qu’en pensez-vous ?

Ils prouvent encore une fois leur ignorance et leur mauvaise foi en se livrant à de telles accusations. Ce qu’il faut savoir à ce sujet, c’est que notre pays a connu trois codes pétroliers majeurs correspondant chacun à un contexte déterminé. Celui de 1986, celui de 1998 et celui récent de 2019. Le code de 1986 a été celui de l’espoir qui a permis à une compagnie irlandaise, Tullow Oil, d’exploiter le gaz et les huiles de Diamniadio et de Kabor. Celui de 1998 a correspondu avec une période plus prometteuse, avec les découvertes de Gadiaga et de Ndoyène dont l’exploitation a permis la production d’électricité sur une puissance de 55 méga Watt et aussi de ravitailler des sociétés minières en gaz (Ics Taiba, Sococim). Enfin, c’est à partir de ce code que les découvertes actuelles ont été faites. C’est à partir de ce moment que notre pays a changé de statut pour entrer dans le club des pays à réserve prouvée. Ce changement de paradigme a donné naissance à ce nouveau code en vigueur, celui de 2019. Je défie quiconque d’administrer la preuve qu’un seul acte ait été pris en dehors de la légalité encadrée par ces différents codes pétroliers.

Des députés envisagent de saisir le bureau de l’Assemblée nationale pour la constitution d’une commission d’enquête parlementaire. Qu’en pensez-vous ?

Si l’Assemblée devait se saisir de toute accusation faite par l’opposition à travers les médias pour constituer des commissions d’enquête parlementaire, on n’aurait plus matière à autre chose.  L’installation d’une commission répond à une série de critères qui en fondent la justification. Au stade où on est, je n’en vois pas le bien fondé. Si comme vous le dites, des députés en font la demande, le bureau de l’Assemblée nationale appréciera en toute souveraineté. En ce qui me concerne, je n’ai aucun problème à ce sujet.

Il y a Abdoul Mbaye qui soutient qu’en tant que Pm, on lui a fait signer un décret sur la base de fausses informations. Comment appréciez-vous ces graves allégations ?

A sa place, j’éprouverais de la honte à faire un tel aveu d’irresponsabilité et d’immaturité. Il prouve encore une fois à travers ces propos qu’il était loin d’être apte à l’exercice des responsabilités qu’il a eu à exercer à ce niveau de l’appareil d’Etat. Je trouve cela simplement triste.

Est-ce que ce débat en cours sur la gestion des ressources pétrolières n’est pas de nature à vicier l’appel au dialogue du chef de l’Etat ?

Il est évident que ceux qui s’agitent autour de ce reportage de la BBC, que je m’abstiens de qualifier, sont manifestement animés par le désir de vicier l’atmosphère politique, avec le sombre espoir de gêner la formidable dynamique de concertation et de dialogue lancée par le Président Macky Sall. C’est une tentative qui sera vaine, car l’élan suscité par le dialogue est nettement au-dessus des manœuvres et intrigues de politiciens en mal de représentativité. Ce qui est important pour le Sénégal et les Sénégalais, c’est la gouvernance de type nouveau impulsée par le Président Macky Sall et fondée sur les principes de transparence, d’inclusion et de dialogue que toute l’Afrique salue, notamment à travers le Parlement Africain où 55 pays sont représentés et où le Sénégal est cité en modèle. Ce qui s’est manifesté à travers le référendum de mars 2016, l’adhésion à l’Itie, la concertation sur les ressources pétrolières et gazières et aujourd’hui, le dialogue national. Dans une approche qui implique toutes les forces vives de la nation. Cette dynamique-là, personne ne peut l’enrayer.

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