Il incarne le machisme à l’état pur dans la série «Maîtresse d’un homme marié». Un rôle qui lui va comme un gant, mais qui est aux antipodes de sa personnalité. Kader Gadji de son vrai nom, alias Biram, est dans la vie, un homme avec un cœur d’artichaut, qui s’attache facilement, surtout aux femmes. Son seul point commun avec son personnage reste son sens de la répartie. On l’a découvert le temps d’une interview à cœur ouvert…
Qui se cache derrière le personnage de Biram de la série « Maîtresse d’un homme marié » ?
Je me nomme Kader Gadji. Je suis un jeune de 28 ans. Je suis né et j’ai grandi à Dakar, entre Médina et Sacré-Coeur. Ma mère est une métisse marocaine et mon père est Sénégalais. De profession, je suis cuisinier. J’ai fait sept ans de Gastronomie au Maroc et j’ai fini par me retrouver devant la caméra.
Que pouvez-vous nous dire sur votre parcours, scolaire et professionnel ?
Pour dire vrai, je n’étais pas trop doué à l’école. Très tôt, je l’ai compris et je me suis concentré sur ce qui m’attirait le plus : la cuisine. J’ai eu la chance d’avoir comme beau-père un Français qui était chef pâtissier cuisinier à la pâtisserie La Médina. Il m’a donné l’amour d’un père et la passion de la cuisine. Il a épousé ma mère alors que je n’avais que 6 mois. A l’époque, les gens de mon entourage me ressassaient que ma vie était vouée à l’échec car je n’étais pas brillant à l’école. Cela m’a poussé à me surpasser et à prouver à tout le monde que les classes n’étaient pas la seule issue pour devenir quelqu’un. En plus, j’en avais par dessus la tête de devoir rentrer chaque fois avec de mauvaises notes et de décevoir ma mère. Pour la rendre fière de moi, il fallait que je prenne une décision qui allait déterminer la suite de ma vie. Heureusement pour moi, ma mère est très ouverte d’esprit, elle a su me prêter une oreille attentive et m’épauler dans mes choix. L’école m’empêchait d’évoluer et mes professeurs m’ont toujours répété que je ne valais rien. Je n’avais plus envie d’être entouré de personnes qui me tiraient par le bas. Ils n’ont jamais voulu voir au-delà de mes carences et manquaient cruellement de pédagogie.
Qu’entendez-vous par «tirer par la bas» ?
Déjà, j’étais à l’étroit dans la classe et ma place était toujours au fond. Je reconnais quand-même que j’étais assez turbulent et du genre un peu borné. Je leur tenais tête lorsqu’ils essayaient de me fourrer dans le crâne que je n’étais pas intelligent. Du coup, cela m’a valu d’être mis à l’écart et marginalisé. D’ailleurs, ce n’étaient pas que les professeurs. Même dans mon proche entourage, les gens ne cessaient de me comparer aux autres, qui étaient plus brillants que moi à l’école. Mes frères et moi avons été stigmatisés. J’ai appris très tôt que j’étais d’ici et d’ailleurs. On nous indexait comme étant des enfants de «Maures». A plusieurs occasions, j’ai vu des gens dénigrer ma mère, juste pour ça. L’étiquette selon laquelle les Maures étaient sales, nous collait à la peau. C’était très dégradant. J’ai fini par me dire que tous ceux qui nous toisaient en nous regardant de haut, étaient des ignorants. A mon avis, ce n’est pas du racisme, mais de l’ignorance. Aujourd’hui, par la grâce de Dieu, j’estime que ma vie est beaucoup plus stable que les leurs. J’ai compris que ce n’est pas forcément le fait d’avoir des diplômes qui peut déterminer l’avenir.
A quel moment avez-vous compris cela ?
J’étais en classe de Terminale. Après avoir échoué au baccalauréat, j’ai décidé de jeter l’éponge. J’ai vu mes amis du quartier fêter leur diplôme et j’avais l’impression d’être un peu à la ramasse. Mais je ne regrette rien, car cela a fait de moi la personne que je suis aujourd’hui. Je sais d’où je viens et où je vais. A partir de ce moment, je suis allé au Maroc où j’ai acquis de nouvelles expériences. J’ai travaillé pour assurer ma survie et par la même occasion, j’ai su ce que c’était d’être autonome. En même temps que je bossais dans un centre d’appels, je faisais des études. Et paradoxalement, là où je prenais mes cours, on me disait que j’étais le meilleur. Ils ont réussi à faire éclore mon talent et réveiller le potentiel qui sommeillait en moi. Lorsqu’il y avait des concours avec les autres écoles, j’étais tout le temps celui qui représentait la mienne. Il fallait juste que je sorte de ma zone de confort pour me révéler.
Cela n’a pas dû être facile pour vous de trouver vos marques dans un pays que vous découvriez la première fois, même si vous avez des origines là-bas ?
J’ai toujours eu envie de percer et de voler de mes propres ailes, ne serait-ce que pour pouvoir vivre décemment. Je viens d’une famille assez modeste et j’ai la capacité de m’adapter à toutes les situations. C’est vrai que ce n’était pas facile, même si je parlais arabe couramment. J’arrivais à me fondre dans la masse et me faire passer pour un homme du désert. Par moments, je souffrais de l’absence des miens. Ce qui a été le plus dur, c’est de perdre mon père, d’autant plus que c’était en mon absence. Cela m’a beaucoup fait relativiser et prendre conscience que quoi qu’il arrive, j’étais là pour un but bien déterminé. Il y avait des jours où je n’avais rien à me mettre sous la dent. Je me contentais de boire de l’eau et d’aller au lit. Je me rappelle une Tabaski où ma mère m’a appelé pour me demander si j’avais mangé de la viande de mouton. Je lui ai répondu que j’étais en train d’en griller, alors que ce n’était pas le cas. Quand elle a raccroché, je me suis mis à pleurer, en me disant que si j’étais chez moi, je n’aurais manqué de rien. Il faut aussi dire que j’ai passé de bons moments et j’ai fait de belles rencontres. Il y a deux ans, j’ai senti le besoin de retrouver les miens. J’ai raté beaucoup d’événements dans ma famille. Mon diplôme en poche, je suis revenu au bercail pour monter un service traiteur. Malheureusement, je n’ai pas pu matérialiser mon projet, car j’ai quelque peu flambé mes économies. Je suis resté presque 6 mois à ne rien faire.
De cuisiner à acteur, il y a une nette différence ?
Effectivement, il y a une grande différence. En réalité, puisque j’étais au chômage, ma sœur, Alima alias Marème Dial, m’a proposé de faire du cinéma. J’ai accepté, en commençant par de petites productions comme «Seuy bi 2.0». Très vite, j’ai été tenté par d’autres séries. J’ai fait des films qui seront bientôt diffusés sur Canal. Par la suite, j’ai été choisi pour jouer dans «Maîtresse d’un homme marié». Au début, j’avoue que ce n’était pas facile, mais grâce à ma sœur et à ma volonté, j’y suis parvenu. Je me suis dit que cela pouvait être un tremplin pour moi. D’ailleurs, cela m’a permis de monter, enfin, ma structure, spécialisée dans les mariages, les baptêmes et autres cérémonies. L’acting est aujourd’hui une flèche que j’ai ajoutée à mon arc. Je ne le fais plus pour de l’argent, même si cela a changé ma vie.
Dans la série, vous incarnez le machisme à l’état pur. Etes-vous comme ça dans la vie?
C’est un rôle très compliqué. Biram est quelqu’un de très versatile. Lorsque Kalista me proposait ce rôle, j’ai eu un peu de mal à l’accepter car je suis un peu féministe sur les bords. Je suis amoureux de ma mère et de mes sœurs. J’ai grandi entre elles et je ne supporte pas qu’on leur fasse du mal. J’ai vu des hommes détruire la vie de femmes. J’essaie au mieux de me détacher de mon personnage car il ne me ressemble nullement. Malheureusement au Sénégal, les gens ont tendance à ne pas faire la part des choses. La seule chose que j’ai en commun avec Biram, c’est que j’ai du répondant. Je ne suis pas marié, je n’ai pas d’enfants. Je ne frappe pas les femmes et je ne suis pas un voleur, encore moins macho.
Vous ne buvez pas non plus ?
Non ! Je ne bois pas… Je me suis amusé comme tout le monde, je suis passé par des travers, mais rien de bien méchant.
Vous donnez pourtant l’air d’être un garnement, jusque dans votre manière de vous exprimer…
Je suis inoffensif. C’est peut-être mon visage, à l’image des Arabes, qui est expressif. Les expressions que j’emploie viennent naturellement. Il y a une réelle alchimie entre nous les acteurs et on se fréquente dans la vie. Du coup, je m’exprime aisément et je dis tout ce qui me passe par la tête. Mes potes du quartier m’inspirent beaucoup aussi.
Aujourd’hui, vous avez beaucoup de succès. Comment le vivez-vous ?
Très sereinement. J’ai surtout pris ma revanche sur ceux qui me prédisaient un échec. Cela prouve qu’il ne faut jamais dire jamais, le Bon Dieu a des plans pour tout le monde.
Kader et les femmes ?
Je suis très proche d’elles. Ce sont mes amies, pour la plupart.
Vous ne les collectionnez pas…?
Non pas du tout ! Je suis très fleur bleue par contre. Quand je suis en couple, j’y vais à fond. Je suis très jaloux et exigeant. De ce fait, je m’investis et j’attends la même chose en retour. Ce qui ne me laisse pas trop le temps de conter fleurette et de collectionner les conquêtes. Maintenant, avec les femmes, j’ai été déçu et j’ai déçu. Actuellement, je n’ai personne dans ma vie, mais si je trouve la personne idéale, je l’épouse sans hésiter. Avec le succès, c’est clair que beaucoup essayent de me courtiser. J’en suis conscient. D’ordinaire, je n’aime pas qu’on me drague, je préfère que ce soit l’inverse.
Quelle est votre type de femme?
J’aime les femmes qui croient en elles, un peu comme Marème Dial. Je ne veux pas d’une femme soumise. Qu’elle soit divorcée, avec 4 ou 5 enfants, cela m’importe peu, mais qu’elle soit indépendante surtout. Je les aime aussi avec de belles formes et de la prestance.
Parlez-nous de votre relation avec Alima…
En dehors du fait qu’elle est ma grande sœur, de même père et même mère, elle est une référence pour moi. Je l’ai vue à maintes reprises s’interdire de baisser les bras. Dieu sait que ça n’a pas été facile pour elle. Je me suis d’ailleurs battu plusieurs fois dans la rue parce qu’on se moquait d’elle à cause de son bégaiement. C’est grâce à elle que j’ai confiance en moi. Je l’ai vue se débarrasser de toutes les étiquettes que la société lui collait et devenir une femme forte.
Que vous inspirent les commentaires autour de la série ?
On ne peut pas plaire à tout le monde. C’est la vie et on s’y attendait en commençant la série. «Maîtresse» dérange juste parce que ce sont des femmes qui s’y expriment à travers leur vécu quotidien. Les vieux qui jettent le discrédit sur nous doivent savoir que leur époque est révolue et laisser les jeunes faire leur chemin. On ne pervertit nullement la société. Je trouve aussi qu’il y a de l’hypocrisie quelque part. Récemment, un sondage qui a été publié montre que les sites les plus visités au Sénégal sont celles pornographiques. Il y a matière à commenter…