La politique n’est la chasse gardée de personne. L’engagement citoyen pour les affaires de la cité, non plus, ne doit pas être l’apanage ou la chose exclusive de certains. C’est un droit. Et qui dit droit pense à la liberté de faire ou de ne pas faire. Ainsi, il y a l’idée de choix et de volonté individuelle. Mais peut-être la manière de s’y prendre peut parfois poser problème.
Le cas de Gaston Mbengue, le célèbre promoteur de lutte réputé comme tel, est illustratif à plus d’un titre. Homme d’affaires connu dans son domaine, il n’en est pas moins engagé auprès de l’actuel président. Jusqu’ici rien de grave. Seulement la déclaration du sieur Gaston, ce week-end face à la ville et au monde, est sidérante lors de la signature du contrat du combat Modou Lô/ Balla Gaye 2 qui se tiendra en janvier à quelques semaines de la présidentielle 2019. En effet, Gaston Mbengue qui entend mélanger ses affaires et la politique a laissé entendre que non seulement il fera de son prochain combat une tribune politique, mais surtout une tribune où seuls les médias placés sous la coupe réglée du palais seront admis.
«J’ai organisé ce combat pour participer à la communication du président Macky Sall. Je ne peux pas organiser des meetings. Alors j’ai choisi cet évènement pour prendre au moins 6 mois, afin de battre campagne pour le Président Macky Sall pour sa réélection », a avoué, samedi dernier, le promoteur de lutte lors du face-à-face entre les deux lutteurs rapportés par le journal Source A. M. Mbengue se fait précis. «Je travaille pour le moment avec la TFM. Ce qui est compréhensible. J’ai la même vision politique avec son patron. Les autres chaines de Tv, qui sont contre mon candidat, Macky Sall, sont exclues de la couverture de ce combat». Stupéfiant !
Gaston a le droit certes, de soutenir le président et même de mélanger ses affaires et la politique mais pas de choisir ses médias pour couvrir une activité sociale qui concerne tous les Sénégalais quelles que soient leurs opinions politiques ou autres différences. Il y a là un mélange dangereux des genres qui risque de le desservir lui-même et de desservir le président. Ce qu’il ignore peut-être c’est que les médias et pour être plus précis, la pluralité médiatique, fait partie du dispositif d’une démocratie normale. Mieux encore, il ignore qu’à cause d’une telle position, des sénégalais d’habitude neutres peuvent être amenées, non seulement à boycotter son affiche, mais aussi à se détourner du président lui-même qu’ils pourraient soupçonner d’être derrière. Mauvaise publicité et pari risqué alors !
En sa qualité de promoteur de lutte, donc d’homme d’affaires, il devrait avoir l’idée de poursuivre ses affaires quel que soit le régime en place en toute sérénité. Le régime de Sall n’est pas éternel. Les affaires de Gaston sont appelées à se poursuivre au-delà du régime Sall. Oser dire qu’il va écarter les médias qui ne sont pas dans la ligne de Macky est une erreur. D’ailleurs ces médias qui n’entrent pas dans la ligne de Macky, lui-même en personne n’a aucun intérêt à les détester. Il devrait les considérer comme une chance pour lui de faire mieux. Pourtant, avant lui, un autre promoteur du nom de Serigne Modou Niang surnommé promoteur de l’alternance, ne cachait pas sa proximité et son soutien au président Wade. Mais jamais il n’était allé si loin ; ce qui lui permet bon an mal an de continuer de monter des combats même après le départ des Wade. La tête, ça sert à réfléchir !
Si ces médias catalogués par Gaston Mbengue font le travail de manière professionnelle, cela doit indubitablement aider le président à améliorer sa gouvernance des affaires du pays. Parce qu’il fait des erreurs, et quand ces médias ou d’autres citoyens le critiquent à travers ces supports, ça lui permet de se ressaisir et rectifier le tir. A contrario, les médias gentils que Gaston aime bien, eux n’oseraient pas le critiquer. Même si le prince va dans le mauvais sens, eux applaudiront parce qu’il ne faut pas le fâcher. Est-ce de cela que le pays a besoin ? Gaston, préférez-vous quelqu’un qui peut vous encourager dans vos erreurs ou qui adopte la stratégie des 3 singes chinois à savoir : ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire, quand bien même on entendrait et verrait tout ce qui est mal ? Qu’on laisse quelqu’un se tromper sans oser l’apostropher, cela s’appelle simplement hypocrisie.
L’art de plaire au prince
Malheureusement cette stratégie exclusive, en voulant plaire au prince, va même jusqu’à nuire à la communication du président Sall. Ensuite, ces médias convenants avec lesquels, Gaston dit vouloir travailler, seront plongés dans un certain malaise, un inconfort puisqu’ils sont déjà étiquetés de partisans. La plupart d’entre eux d’ailleurs refuse d’être taxée comme tel et même si cela s’ébruitait dans les salons, ça ne se disait pas souvent au bel honneur du jour comme le fait Gaston. Maintenant que l’homme d’affaires dit à haute et intelligible voix que ces supports roulent pour le palais, j’aimerais bien savoir comment ils vont se sentir.
Il est vrai qu’en direction des échéances de 2019, tous les moyens sont bons. Le président Sall qui s’est illustré de fort belle manière dans le débauchage, même parfois de gens dont on se demande ce qu’ils peuvent lui apporter concrètement en termes de voix.
Donc à moins d’un revirement de situation, pour le grand combat de janvier 2019 qui marque l’inauguration de l’arène nationale nouvellement construite, un grand événement, Gaston a déjà établi sa liste de persona non grata (Opss pardon !) des media non grata.
Par Noël SAMBOU