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Russie-Etats-Unis, la nouvelle guerre froide?

Les relations entre Washington et Moscou connaissent un sévère coup de froid après la suspension du dialogue sur la Syrie, celle d’un accord sur le désarmement nucléaire, et des soupçons de piratage russe de la campagne électorale américaine. Quels sont les enjeux de cette nouvelle confrontation?

Glaciale rencontre Poutine Obama au sommet du G20 à Hangzhou (Chine) en novembre 2015.

© ReutersSputnik/Kremlin/Alexei Druzhinin Glaciale rencontre Poutine Obama au sommet du G20 à Hangzhou (Chine) en novembre 2015.

Les relations entre Washington et Moscou connaissent un sévère coup de froid après la suspension du dialogue sur la Syrie, celle d’un accord sur le désarmement nucléaire, et des soupçons de piratage russe de la campagne électorale américaine. Quels sont les enjeux de cette nouvelle confrontation?

S’achemine-t-on vers une nouvelle guerre froide? A l’image des années 50, les tensions s’accumulent entre Washington et Moscou. Parmi les derniers épisodes en date: la rutpure du dialogue russo-américain sur la Syrie et les soupçons sur le piratage du parti démocrate et de bases de données électorales américaines.

eLa Russie a par ailleurs suspendu, lundi, un accord paraphé en 2000 par Bill Clinton et … Vladimir Poutine sur le recyclage de plutonium militaire, dans le cadre de la lutte contre la prolifération nucléaire. Le maître du Kremlin justifie cette décision par « l’apparition d’une menace pour la stabilité stratégique en raison des actions inamicales des Etats-Unis à l’égard de la Russie ».

En face, une partie de l’establishment militaire américain s’agite. « La Russie de Vladimir Poutine est à certains égards plus inquiétante que l’Union soviétique d’hier en ce qui concerne l’emploi de l’arme nucléaire, a déclaré la semaine passée le secrétaire à la Défense Ashton Carter. Dans le même temps, le Pentagone annonce la modernisation de ses 400 missiles balistiques nucléaires intercontinentaux, après des années de « sous-investissement dans la dissuasion nucléaire », selon les termes d’Ashton Carter.

Les Etats-Unis vont moderniser 400 missiles balistiques nucléaires intercontinentaux "Minuteman III" (ici, un essai depuis la base de Vandenberg en Californie en février 2016).Reuters/Kyla Gifford/U.S. Air ForceLes Etats-Unis vont moderniser 400 missiles balistiques nucléaires intercontinentaux « Minuteman III » (ici, un essai depuis la base de Vandenberg en Californie en février 2016).Reuters/Kyla Gifford/U.S. Air Force

Paranoïa et démonstration de puissance

« Moscou trouve insupportable que les Etats-Unis ne le reconnaissent plus comme un égal. Or, la force nucléaire stratégique est le seul domaine où la Russie est à égalité avec Washington », analyse François Heisbourg, de l’International Institute for Strategic Studies. C’est pourquoi elle utilise ce levier.

D’autant que « l’effondrement de son ex-empire, l’adhésion de plusieurs de ses anciens satellites à l’Otan et le déploiement de bataillons de l’Alliance à 160 km de Saint-Pétersbourg alimente la paranoïa russe », souligne Yves Boyer, de la Fondation pour la recherche stratégique. « Les sanctions imposées lors de la crise ukrainienne et l’exclusion du G8 ont placé la Russie dans une position revancharde, et contribué à cette politique de démonstration de puissance », ajoute Bertrand Badie, professeur à Sciences-Po.

Pour autant, « la mise en oeuvre du traité sur le plutonium battait déjà de l’aile », relativise Yann Bréault, spécialiste de la Russie à l’Université du Québec. Sa suspension ne porte guère à conséquence. D’autant qu’aux yeux des Etats-Unis la Russie n’est pas l’URSS. « Son PIB est proche de celui de l’Espagne et son budget militaire équivalent à la moitié de celui de la Chine, véritable seconde puissance mondiale », souligne François Heisbourg. Et neuf fois inférieur à celui des Etats-Unis.

Moscou a annoncé mardi le déploiement de systèmes de défense antiaérienne S-300 à Tartous (ici lors d'une parade à Moscou en 2009)Reuters/Alexander NatruskinMoscou a annoncé mardi le déploiement de systèmes de défense antiaérienne S-300 à Tartous (ici lors d’une parade à Moscou en 2009)Reuters/Alexander NatruskinLa cyberguerre est un autre moyen d’exhiber sa capacité de nuisance. « Les Russes font à peine l’effort de nier leur implication dans le piratage de la campagne américaine, observe François Heisbourg, une façon de montrer que là aussi ils sont à parité avec Washington, qu’ils peuvent interférer directement dans la vie politique américaine ».

En Syrie, Poutine « a pris la main »

L’opposition à Washington sur la Syrie est l’un des autres terrains de cette « démonstration de puissance ». La partition russe a été facilitée par le fait que Barack Obama n’a jamais considéré ce conflit comme stratégique et lui a en quelque sorte « laissé la main », à partir de 2013, lorsqu’il a renoncé à réagir au massacre à l’arme chimique de la Ghouta.

« Le Kremlin profite des ‘bonnes cartes’ qu’il a en main: une vraie stratégie, des partenaires solides et déterminés, l’Iran et le Hezbollah libanais ». Il abat ses cartes en Syrie en profitant du faible engagement des occidentaux et de la faiblesse des parrains de la rébellion, occupés, pour l’Arabie saoudite à sa guerre au Yémen, et pour la Turquie à réprimer les Kurdes et quiconque est soupçonné d’avoir trempé dans la tentative de coup d’Etat contre le président Erdogan.

Certains secteurs de la Maison Blanche et du Département d’Etat font grief au président américain. Son attitude conciliante a, selon eux, « encouragé Poutine à essayer de voir jusqu’où il pouvait aller, notamment en période de transition politique aux Etats-Unis », souligne le New York Times.

Plus inquiétant qu’au temps de la guerre froide?

Si l’on ne peut parler de guerre froide -on n’a plus affaire à deux camps, comme dans la seconde moitié du XXème siècle-, la situation actuelle est d’une certaine façon plus inquiétante, estiment plusieurs experts. « Au temps de la guerre froide, les relations entre Russes et Américains étaient parfaitement codées, rappelle Bertrand Badie. Le risque d’une guerre ‘chaude’ faisait qu’on s’arrangeait très vite pour faire baisser les tensions éventuelles. La probabilité d’une guerre entre Russes et Américains ayant disparu, on risque de voir la Russie devenir très agressive sur d’autres théâtres. Elle pourrait rééditer l’affaire de la Crimée, ou raviver la guerre en Ukraine. »

Si la tension s’aggravait plus avant, « ce sont les Européens qui en feraient les frais », avertit Yves Boyer. Mais Vladimir Poutine avance pour l’instant à pas comptés sur le front européen. Son soutien aux séparatistes prorusses en Ukraine et l’annexion de la Crimée ont visé un pays non membre de l’Otan, qui ne constituait pas non plus un intérêt stratégique pour Obama. De quoi rassurer Washington, Paris ou Bruxelles. Pas Alep.

 Sanlimitesn.com avec msn-france

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