Ma vie… Maguette Diagne, ex-agent de sécurité de UNHCR : «J’ai été licencié abusivement, ma femme m’a quitté, mes enfants chassés de l’école»
L’OBS – Sa vie a basculé quand son licenciement lui a été notifié. Maguette Diagne galère et broie du noir. Et pour cause. Licencié, sa femme l’a quitté, ses enfants renvoyés de l’école et sa famille expulsée, pour loyer impayé. Il doit à son logeur plus de deux millions de loyer.
«Je m’appelle Maguette Diagne et j’ai été agent de sécurité aux Nations-unies, pendant 21 ans. Nous étions trois dans cette organisation : Assane Diagne décédé, Ismaila Diémé et moi. Nous avons été abusivement licenciés en 2005, par l’ancien Représentant régional du Haut commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (Unhcr) du bureau régional de Dakar. Il nous avait signifié la fin de notre contrat pourtant à durée indéterminée, à compter du 31 décembre 2005 et avait prévu de nous payer nos indemnités. Jusqu’à ce jour, nous n’avons reçu aucune indemnité, en compensation de notre licenciement, après 20 ans de service à Unhcr. Pourtant, l’indemnité de licenciement est bien prévue dans les textes qui régissent le Haut commissariat. Toutes les procédures, ainsi que les multiples actions que nous avons initiées, sur le plan national comme international, sont restées sans suite, malgré le procès qu’on a gagné contre le Hcr, devant le tribunal du contentieux administratif des Nations-Unies. Depuis notre licenciement intervenu en 2005, nous vivons dans la misère. Nos enfants ne vont plus à l’école, car un an après, en 2006 précisément, ils ont tous été renvoyés. Nous sommes expulsés de nos foyers, n’ayant plus les moyens d’assurer le loyer. Actuellement, je dois plus de deux millions de francs Cfa à mon locataire. Pis, un de nos collègues, en l’occurrence Assane Diagne, est décédé des suites d’une longue maladie aggravée par notre situation. Les années passent, ma vie devient de plus en plus difficile. En 2007, mon épouse a décidé de me quitter, je ne pouvais plus assurer la dépense quotidienne.
Et jusqu’à présent, nous ignorons les raisons de notre licenciement. Les dispositions qu’ils évoquent n’existent nulle part. Depuis 11 ans maintenant, j’ai remué terre et ciel, j’ai utilisé toutes les voies possibles pour recouvrer mes indemnités. Après avoir tout fait, j’ai pris l’initiative de venir vers la presse, demander aide aux bonnes volontés des Nations-Unies qui connaissent le droit. Ce sont les maux que nous vivons depuis notre licenciement abusif intervenu il y a 11 ans, décidé par le Représentant régional du Haut commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés. Nous avons dépensé plus d’un million de francs Cfa depuis le début de la procédure jusqu’à maintenant. Et des multiples lettres ont été envoyées au Secrétaire général des Nations-Unies dans le but de rentrer dans nos droits. J’ai même écrit une lettre au Conseil de sécurité, seulement, on m’a fait savoir qu’ils n’étaient pas au courant d’une telle affaire. C’est l’agent judiciaire de l’Etat qui détient le dossier et depuis longtemps nous ne pouvons pas déclencher une procédure de recouvrement de nos fonds, parce que tout simplement nous sommes pauvres et désemparés. Depuis 11 ans, nous courons derrière nos indemnités. Nous sommes fatigués. Il faut qu’ils se penchent sur notre cas. Nous sommes allés voir Amnesty international, ses responsables nous ont dit n’avoir pas de solutions, de même que la Raddho. Depuis quatre ans, nos dossiers sont entre leurs mains. Si je n’ai pas sollicité l’aide des autorités étatiques sénégalaises, c’est parce qu’en leur écrivant, je sais qu’elles ne me répondront pas. Je n’ai même pas essayé, les lettres n’arriveront pas à destination. J’appelle toute bonne volonté. J’ai même soumis le dossier à Me El Hadji Diouf, mais il n’a pas de solutions. J’ai vraiment besoin d’aide et j’espère que les gens m’entendront. Beaucoup de ceux qui ont vu mon dossier, ont estimé que ce n’est pas normal. Je viens pour porter l’attention des gens la situation inhumaine que je vis depuis 2005. Et ces quelques personnes licenciées abusivement qui se battent pour le droit afin de ne pas tomber dans les abysses de la pauvreté, afin de vivre dignement comme le stipule l’Article premier de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. »
JULES SOULEYMANE NDIAYE
Les raisons de son licenciement
Dans une correspondance adressée à Maguette Diagne, datant du 23 septembre 2005, le Représentant régional du Haut commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés, bureau régional de Dakar, Djela Doumay, évoque les raisons de l’arrêt des contrats de Maguette et compagnie. «En raison du nouveau dispositif de sécurité pour le Sénégal mis au point par le département de la sécurité du Secrétariat général des Nations-Unies à New York et suite aux recommandations publiées à l’issue de la dernière réunion de l’Orb qui s’est tenue à Genève au mois de juin 2005, j’ai le regret de vous informer que le Hcr se trouve malheureusement dans l’impossibilité de maintenir votre présence à sa délégation régionale à Dakar au delà du 31 décembre 2005. Par conséquent, votre nomination de durée indéterminée prendra fin le 31 décembre 2005, conformément à la disposition 109.3a du règlement du personnel. Vous recevrez également votre indemnité de licenciement, en vertu de l’article de l’article 9.3a du statut du personnel et de son annexe III», a-t-il informé.
J. S. NDIAYE
IGFM