5 e cas de décès du Coronavirus au Sénégal : La touchante histoire de Malick Ndiaye décédé à 74 ans

 Professeur de Mathématiques à la retraite,  Malick Ndiaye (74 ans) est décédé avant-hier lundi du Coronavirus. Il a été inhumé le même jour au cimetière de Yoff, en l’absence de sa famille mise en quarantaine.

C’est un après-midi de forte émotion où l’Unité 16 des Parcelles Assainies traîne son spleen jusque dans ses ruelles sablonneuses. Dans ce populeux quartier de la banlieue dakaroise, connu pour sa frénésie ambiante, on a comme l’impression que le temps s’est arrêté, que le couvre-feu, de rigueur sur toute l’étendue du territoire, a été avancé de quelques heures. Seules quelques personnes se tiennent en sentinelle du confinement. Au bout d’une ruelle, se dresse, modeste, la demeure des Ndiaye. La bâtisse est ceinturée par des maisons à étage. Vidée de ses occupants pour cause de mise en quarantaine, seul le véhicule du défunt tient compagnie à la morosité des lieux. Recouverte d’une bâche, la voiture semble, tout comme la maison du défunt, avoir été préparée à faire le deuil de leur propriétaire. Pas un occupant à l’intérieur. Tous les membres de la famille ont été placés en quarantaine dans un hôtel de la place, comme l’exige le protocole de prise en charge des personnes contacts avec un malade du Coronavirus.

Voisin de la famille Ndiaye et propriétaire de la maison d’en face, Lamine Cissé n’arrête pas d’égrener son chapelet afin de prier pour le repos de l’âme du Malick Ndiaye, 5e cas de décès du Covid-19 au Sénégal, emporté par le virus de Wuhan, à 74 ans, dans la nuit du lundi à 4H50. Intime du défunt, en dépit de la différence d’âge de 30 ans, Lamine Cissé témoigne, le verbe éploré : «C’est lui qui a demandé la main de chacune de mes 3 épouses, pour vous dire combien nous étions proches et liés. Nous avions le même centre d’intérêt : la religion.»

Admis à l’hôpital il y a 3 semaines, le septuagénaire a été hospitalisé au Centre de traitement du Covid-19 de l’hôpital Fann de Dakar. Et si sa rencontre avec Malick Ndiaye a été un «coup de foudre» entre deux coreligionnaires épris de valeurs islamiques, sa mort est un terrible coup de grâce pour tout le quartier. «Il fait partie de cette catégorie de personnes âgées avec lesquelles l’on aimerait cohabiter du fait de leur sagesse, de leur esprit de dépassement, mais aussi et surtout de leurs aptitudes à susciter le rapprochement et la cohésion entre habitants d’un même quartier. Il était comme une sorte de soupape de sécurité pour les habitants de l’Unité 16», raconte Lamine Cissé, la voix tremblotante. «Il y a trois ans, poursuit Lamine Cissé, Malick a perdu sa première épouse. Une personne à laquelle il était très lié. Et, depuis lors, il était comme saisi par une sorte de désenchantement du monde. Il avait quasiment fait table rase de tout ce qui pourrait constituer une entrave entre lui et les actes qu’il posait pour se rapprocher davantage de Dieu. Il ne s’intéressait pratiquement qu’aux actes de dévotion comme les 5 prières quotidiennes, la lecture du Saint Coran et l’éducation de ses enfants.»

Gagné par l’angoisse d’une vie en l’absence de sa douce moitié, le vieux Malick Ndiaye s’était préparé à la mort. «Il y a quelques mois, il m’a fait part de la tombe qu’il a réservée à côté de celle de son épouse au cas où son heure de la rejoindre aurait sonné. C’est ce qui s’est passé hier lundi 20 avril 2020», ajoute son voisin et ami. La réservation d’une tombe au cimetière où il repose désormais n’est pas le seul acte révélateur de la «dimension ésotérique» du septuagénaire. «Récemment, poursuit Lamine Cissé, il m’avait fait part de son souhait de retaper son véhicule et de le désinfecter. Lorsque je lui ai suggéré de le mettre en rapport avec mon tôlier, il a hésité un instant avant de me dire qu’il préférait confier le travail à un tôlier nouvellement établi dans le coin pour lui permettre de bien démarrer.» Hélas, il ne reprendra jamais le volant de son véhicule remis à l’état et désinfecté dans le souci de se prémunir de la maladie qui l’a emporté.

Papa-poule qui tenait à ses enfants comme à la prunelle de ses yeux, le vieux Malick Ndiaye s’est battu toute sa vie, selon son voisin, pour leur réussite sociale. Ce qui ne surprend guère pour quelqu’un qui est investi de la mission de formater des citoyens, modèles de demain. «Ceux qui ne connaissent pas assez le défunt dans le quartier pourraient être amenés à croire qu’il était un Imam ou un maître coranique du fait notamment de son comportement exemplaire. Il était toujours propre par le cœur que par l’âme, mais également par le respect des gestes barrières. Je puis affirmer que si ce n’était que la propreté qui pourrait vaincre le Coronavirus, Malick n’allait pas mourir de la sorte. Mais que peut-on faire face à la volonté de Dieu», s’interroge Lamine Cissé, les yeux embués de larmes. A l’instar de ceux qui sont décédés du Coronavirus, Malick Ndiaye a été inhumé lundi dans la plus grande discrétion. Sans aucun membre de sa famille ou de ses amis. «Décédé dans des circonstances de crise sanitaire et être enterré à l’insu de sa famille et de ses amis est un fait particulièrement douloureux, surtout pour ses enfants qui auraient bien voulu l’assister, lui témoigner leur reconnaissance par des funérailles dignes de sa vie ô combien productive et utile, si je puis m’exprimer ainsi. Il n’y a que Dieu qui est capable de faire cela. Nous ne cesserons de prier pour que le Tout Puissant agrée ses œuvres et l’accueille au Paradis», témoigne Lamine Cissé une dernière fois, comme un adieu à son ami de 30 ans son aîné.

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