22 mars 1967, Senghor échappe à une tentative d’assassinat, Abdou Diouf rappelle les faits

L’histoire est trop rocambolesque pour être oubliée. Le Sénégal qui venait d’obtenir son indépendance, il y avait juste 7 ans, risquait de voir son nom inscrit dans le «Livre Guinness» des assassinats de Présidents dans le monde. L’ancien président Léopold Sédar Senghor avait échappé belle, ce 22 mars 1967, à un assassinat. A l’occasion de la date anniversaire, nous vous replongeons dans ces événements historiques encore méconnus par la jeune génération.


Léopold Sédar Senghor, premier Président de la République du Sénégal, a failli être assassiné. Selon les informations rapportées par le journal L’Office en 2011, c’était le 22 mars 1967, jour de Tabaski. La cérémonie officielle se déroulait sur l’esplanade de la Grande mosquée de Dakar. Une tribune était dressée en l’honneur des plus hautes autorités du pays, ainsi que des chefs de mission diplomatiques accrédités au Sénégal. À la fin de la prière, alors que Senghor avait quitté la tribune et s’apprêtait à monter dans sa voiture décapotable. Un homme s’élance vers lui, le pistolet au poing. Il appuie sur la gâchette.

Et, selon les témoignages, comme ceux qui sont rapportés par Abdoul Baïla Wane, ancien directeur-adjoint de cabinet de Senghor, « on entendit par deux fois le déclic, mais le pistolet s’était enrayé. Un cri de frayeur s’éleva de la foule médusée. L’homme fut maîtrisé sur le champ, jeté dans une fourgonnette et conduit au commissariat Central ». Qui était-il ? Il s’agissait de Moustapha Lô, membre d’une grande famille religieuse et cousin de Cheikh Tidiane Sy, chef religieux (NDRL : décédé le 15 mars dernier).

Abdou Diouf relate les faits : «c’est un complot bien préparé… »
Une enquête est alors ouverte pour savoir si ce jeune, aussi « courageux », n’avait pas été payé pour abattre le Président Senghor. La machine judiciaire, mise en marche, avait arrêté plusieurs personnalités soupçonnées à tort ou à raison d’être complices de Moustapha Lô.

L’unique question que se posaient les dignitaires du pouvoir était : « pour le compte de qui travaille-t-il, au point de vouloir assassiner le Président Senghor ? ». Mais, celle qui grattait la cervelle du peuple, de manière générale, était plutôt : « est-ce que Moustapha Lô voulait vraiment tuer Senghor ? ».

Devant la barre, l’accusé avait répondu à la seconde interrogation. Il avait soutenu devant les juges, les dignitaires du pouvoir et le peuple : « non ! ». Et de renchérir : « je n’avais pas l’intention de tirer sur Senghor. Je connais parfaitement le maniement de l’arme. Je voulais lui prouver que malgré ses gorilles, il n’était pas à l’abri de la vindicte populaire ».

Et, selon toujours Abdoul Baïla Wane, « rien dans son comportement, en prison, ne laissait voir en lui quelqu’un qui avait failli à sa mission ». Donnant des détails pour étayer son argumentaire, l’ancien directeur-adjoint de cabinet de Senghor de défendre urbi et orbi : « ni regret, ni déception ».

Mais, pour Senghor, les choses étaient claires, car disait-il, « on ne fait pas de la politique avec un cœur de jeune fille ». Ce qui se justifie par le refus de Senghor, d’accorder la grâce présidentielle à Moustapha Lô, malgré l’intervention musclée des chefs religieux de l’époque. Il fut reconnu coupable de tentative d’assassinat contre le premier Président du Sénégal.

Le 15 juin 1967, devant le peloton d’exécution, le jeune Moustapha Lô, rapporte encore Abdoul Baïla Wane, fit preuve d’une sérénité et d’un courage peu communs. Après avoir prié deux rakkats, il s’était adressé à l’un de ses juges en ces termes : « je ne sais pas ce qui t’attend, mais moi je meurs la conscience tranquille, en martyr ». Après son exécution, les gens disaient : « maan daal lii ! Xalé bou tutti bi ! Nga niko tëy ! Muni këp ; damaci sax për » (quelle affaire ! Un tout jeune ! Tu lui fais pan et il tombe. J’en ai vraiment peur).

Les regrets de Senghor Sur les ondes de Radio France Internationale, le Président Léopold Sédar Senghor avait fait des révélations de taille au lendemain de l’exécution de Moustapha Lô. Le premier Président, de la jeune République indépendante du Sénégal, de laisser parler sa conscience : « pendant trois jours, j’ai eu des cauchemars terribles. Il ne s’agit pas de juger selon le point de vue de Dieu. Dieu seul peut juger dans l’absolu.

Mais, la peine capitale a encore un effet de dissuasion dans la société sénégalaise, malheureusement déculturée par rapport à l’équilibre harmonieux de la société négro-africaine et traditionnelle, et tout aussi malheureusement, acculturée par rapport au déséquilibre de la société euraméricaine. J’insiste sur la déculturation.

En effet, chez les socialistes démocrates d’Afrique noire, voire chez les marxistes-léninistes, qui restent croyants à 90 %, la foi l’emporte sur la pratique, car les ministres des cultes, imams ou prêtres prêchent beaucoup plus le dogme ».

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