Des procès de farces à la CPI, quelle honte pour l’Afrique !

L’acquittement puis la détention de l’ancien président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, remet sur la table la lancinante question de la pertinence de la cour pénale internationale (CPI). Réputée comme une institution qui charge seulement les dirigeants africains, la CPI apparaît de plus en plus comme un bide aux yeux de ses détracteurs et à justes raisons.

Pour ne s’être intéressée qu’aux exactions qui se déroulent sur le continent africain, la CPI n’a cessé d’être décriée et ses décisions remises en cause. Les guerres les plus sanglantes et les violations des libertés les plus flagrantes se passent aujourd’hui au Moyen-Orient, or la CPI ne pipe mot. Difficile de compter les nombreuses fois où l’Israël est auteur d’agressions sur le peuple palestinien mais l’institution fait profil bas et se complaît dans sa posture de spectatrice. La seule considération qui ait évolué depuis la création de la cour internationale est effectivement le sort réservé aux mis en causes. Des verdicts des différents dirigeants africains qui étaient face aux juges de la CPI, il ressort que la cour pénale internationale n’est plus un « voyage sans retour ».

La CPI, une institution « politisée » très mal en point

La clameur qui avait suivi le passage de grands dirigeants africains devant les juges de la CPI s’est transformée en réactions hostiles à la cour après les différents verdicts rendus. Les conclusions issues des cas du président Uhuru Kenyatta (Kényan), de Jean-Pierre Bemba (Congo) et de Laurent Gbagbo (Côte d’Ivoire) peuvent donner matière à réflexion sur le sens de la CPI. Voilà une institution dont les procureurs qui se sont succédé donnent l’air d’être de vrais amateurs avec des dossiers à charges assimilables à des coquilles vides. Pourtant au banc des accusés se trouvent des personnes qui, semble-t-il, sont mouillées de manière directe ou indirecte. Alors décréter un acquittement après des années de poursuite et de détention pour certains ne fait que renforcer le sentiment que la CPI est un instrument politico-judiciaire ou un instrument judiciaire politisé.

Le possible acquittement de Gbagbo et la libération de Bemba ne sauraient être une source de satisfaction pour tout le monde. L’ancien président de la Côte d’Ivoire, accusé de crimes de guerre et autres exactions puis déféré à la CPI, séjourne loin de son pays depuis maintenant 8 longues années, en vain ?

Le verdict de la CPI ramène toujours les protagonistes, bourreaux et victimes réunis, à la case-départ : le règne de l’impunité et de l’injustice. Que de temps perdus pour Gbagbo et Jean-Pierre Bemba qui ont subi de vrais « exils forcés » de la part de la CPI qui leur avaient décerné des mandats d’arrêt. Rien de ces conclusions ne saurait inspirer un soulagement parce que l’on est face à des crimes sans auteurs. Les morts sont morts, le constat est fait, la vie reprend. L’effet de dissuasion que devrait insuffler aux dictateurs et autocrates, cette épée de Damoclès que constituait la CPI, aura disparu avec les revers de ses procureurs. L’institution est simplement devenue l’ombre d’elle-même…

Faut-il brûler la Cour pénale internationale ?

Question très légitime : à quoi sert finalement la CPI ? En vérité si la Cour s’est agrippée à ces procès sans avenir, c’était pour se doter d’une image qui puisse inspirer la crainte. Rien que les noms convoqués, acteurs dans des désastres aux conséquences inestimables, feraient réfléchir à deux fois ceux qui s’aventureraient à vouloir instaurer une dictature. Il faut reconnaître tout de même qu’à ses débuts, la CPI était mystifiée et vraiment « respectée ». Mais le chemin qui y mène n’est plus insurmontable, cela s’apparente plus à une promenade de santé qu’à autre chose. En sus du simple fait qu’elle ne s’intéresse qu’aux africains, de la constatation qu’elle est une justice sans vrai verdict, cette institution judicaire internationale devient fragile à cause des voix qui se lèvent de plus en plus contre elle.

Pour s’insurger contre le manque d’orthodoxie dans la marche de la CPI, le président kényan Uhuru Kenyatta avait plaidé en faveur du retrait des pays africains de la CPI lors du sommet de l’UA, le 31 janvier 2016. Convaincue que la cour faisait du tri des dossiers à instruire, la Gambie avait décidé, en octobre 2016, d’emboîter le pas au Burundi et à l’Afrique du Sud afin de se retirer de la cour. L’argument brandi par le ministre de l’information d’alors Sheriff Bojang était clair et précis : « au moins 30 pays occidentaux ont commis des crimes de guerre odieux contre des Etats indépendants et souverains et leurs citoyens depuis la création de la CPI sans qu’aucun criminel de guerre occidental soit poursuivi ». La Gambie dont la procureure Fatou Bensouda est pourtant originaire accusait la CPI de manque d’équité et de courage.

Et comme pour confirmer les soupçons de Yaya Jammeh, en septembre 2018, les Etats-Unis font une sortie extrêmement affligeante contre la cour qui pensait fourrer son nez là où il ne fallait pas, c’est-à-dire les crimes de guerre commis dans le cadre du conflit afghan. Le ton était ferme et sans appel : « nous allons interdire à ses juges et procureurs l’entrée aux Etats-Unis. Nous allons prendre des sanctions contre leurs avoirs dans le système financier américain et nous allons engager des poursuites contre eux dans notre système judiciaire », avait déclaré John Bolton, conseiller à la sécurité nationale américaine. Autant dire que la CPI ne pourra avoir de marges de manœuvres quand les Etats-Unis s’y opposent et la traitent d’ « inefficace, irresponsable et carrément dangereuse ».

C’est une mauvaise publicité et autant dire que la cour file du mauvais coton en se mettant l’administration à dos. En plus de démontrer qu’elle est une justice des vainqueurs (notamment dans le cas de la Côte d’Ivoire où les partisans d’Alassane Ouattara ne sont jamais inquiétés), la CPI confirme qu’elle est une institution aux ordres. Et tant qu’elle ne pourra enquêter sur les guerres en Irak, en Afghanistan ou encore les exactions en Palestine, la CPI ne réussira qu’à prouver qu’elle est un colosse aux pieds d’argile.

Ababacar Gaye

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