(Dossier) Césarienne : La nouvelle passion dangereuse des femmes

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Présentée comme un moyen simple, rapide et sans difficultés pour donner naissance, la césarienne attire de plus en plus les femmes. L’accouchement par voie normale tend à être décliné, surtout par les femmes intellectuelles. Cependant, les risques, sous-estimés ou méconnus de ce type d’opération, peuvent avoir des conséquences sérieuses voire graves, à court et à long terme, aussi bien pour la mère que le bébé. Aujourd’hui, nombreuses sont les questions qui tournent autour de la césarienne. Qu’est-ce que la césarienne? Comment est-elle pratiquée? Est-elle dangereuse ? Quand est-il nécessaire de faire une césarienne? Seneweb est allé à la rencontre de spécialistes pour éclairer la lanterne des Sénégalais.

«La césarienne est une naissance par voie chirurgicale. En d’autres termes, c’est un accouchement hors des voies génitales normales». L’éclairage est du Dr Alfousseyni Gaye, gynécologue en service à l’Hôpital général de Grand Yoff (Hoggy, ex-Cto). Ayant capitalisé une expérience de 23 ans, Dr Gaye explique que la procédure de la césarienne nécessite trois étapes. “La première consiste à préparer la patiente, faire un bilan, faire les aptitudes anesthésiques de façon à voir si ces dernières ne trouvent pas d’inconvénients à l’acte opératoire. Puis, la patiente est préparée et amenée au bloc opératoire pour l’intervention chirurgicale. Ainsi, pour faire une césarienne, le médecin doit effectuer une incision dans l’abdomen, rompre ensuite la poche des eaux et faire sortir le liquide amniotique, avant d’extraire le bébé. Après l’opération, viennent les deux dernières étapes que sont les soins et le suivi post-opératoire à surveiller pour s’assurer que le malade et son bébé ne sont pas en danger.

Une fréquence anormale chez les femmes instruites

Les statistiques montrent que les femmes intellectuelles sont plus nombreuses à vouloir accoucher par césarienne où à subir une césarienne. Avec les longues études, elles font leur première grossesse assez tard. Elles ont ainsi tendance à rencontrer des difficultés. Dans ce cas, si la structure sanitaire n’est pas suffisamment outillée pour contrôler un accouchement normal, les médecins sont obligés de jouer la prudence et de faire recours à la césarienne. La fréquence de la césarienne chez les plus instruites pourrait ainsi être liée à la maternité tardive qui les expose à des complications obstétricales, expliquent plusieurs spécialistes interrogés par Seneweb.

L’agence nationale de la statistique et de la démographie, dans son dernier rapport d’Enquête démographique et de Santé renseignait que «pour 5 % des naissances, on a pratiqué une césarienne. La fréquence de cette intervention est plus fréquente chez les primipares (une femme enceinte pour la première fois). Les césariennes sont exclusivement pratiquées dans les structures de santé, sont plutôt rares chez les femmes du milieu rural, dans les régions les moins urbanisées et chez les femmes non instruites qui résident aussi plus souvent en zone rurale. Ce type d’intervention, qui n’est réalisable que dans les formations sanitaires suffisamment équipées et dotées de personnels qualifiés, n’est pas à la portée des couches les plus défavorisées (1 % contre 9 % dans les classes aisées)».

“Dr je veux une césarienne”

Effet de mode ou peur de subir des douleurs atroces, les femmes s’engagent, de plus en plus, vers la césarienne malgré ses coûts élevés. Et pourtant, ce type d’opération était considéré, autrefois, comme un moyen de sauvetage en cas de situation à risque. Selon le gynécologue Alfousseyni Gaye, les femmes aiment beaucoup la césarienne parce qu’elle est moins douloureuse et plus rapide. «La césarienne se fait en 30 mn ou une heure maximum. Alors que l’accouchement par voie basse peut durer 2, 3 ou voire 4 heures avec les contractions et le travail. Ce qui fait que les femmes préfèrent la césarienne. Elles vous disent carrément : “Dr je veux une césarienne”, explique t-il. Le médecin pense que le droit de la femme doit être pris en compte. «Elle a le droit de choisir et le médecin a également l’obligation de lui expliquer les avantages et inconvénients liés à la césarienne. Quand il n’y a pas de raisons pour une césarienne, le médecin doit refuser parce qu’en cas de pépin sur la table opératoire aussi bien anesthésique que chirurgicale la responsabilité du médecin compte plus que celle de la patiente», estime le Dr Gaye.

Sur la question, Diéliya Niang se veut formelle. Gynécologue dans un cabinet privé, elle précise : «les indications de la césarienne doivent être les mêmes aussi bien dans les structures publiques comme dans le privé. Car on ne peut pas faire une césarienne par commodité. Le médecin ne doit pas se plier aux exigences des patientes. La césarienne doit être faite quand l’indication est bien posée».

La césarienne une mort douce ?

Comme toutes interventions chirurgicales, la césarienne présente de nombreux risques qui ont pour noms hémorragie, anémie élevée, infection maternelle, hystérectomie (ablation chirurgicale de l’utérus). Des risques parfois méconnus ou sous-estimés par bon nombre de femmes. «Dans la majorité des interventions chirurgicales, on est confronté à une hémorragie. C’est la première cause de mortalité dans nos pays. Quelques moments après l’opération, la patiente pourrait être exposée à une infection. Quelques jours après l’opération (3 ou 4 jours), la femme “césarisée” peut être confrontée à des risques “thromboemboliques”, autrement dit une chirurgie pelvienne. Si malheureusement aucune réponse adéquate n’est apportée à temps, la patiente peut en perdre la vie. La césarienne est potentiellement mortelle», prévient le Dr Alfousseyni Gaye, interrogé par Seneweb. Dans le cas où la cause est une “coagulopathie”, c’est-à-dire un problème de coagulation sanguine, le malade peut faire une hypertension sévère qui donne un hématome retro-placentaire (décollement prématuré du placenta avant la naissance du bébé).

Pour son collègue Diéliya Niang, gynécologue en service dans son cabinet médical, «en dehors de toutes complications, la césarienne peut limiter les grossesses ultérieurement. En général, après deux (2) césariennes, tous les autres accouchements ne se feront que par intervention chirurgicale parce que la femme n’aura plus de marge de manœuvre pour suivre le travail d’accouchement. Il y’a aussi d’autres complications comme un placenta qui s’insère anormalement au niveau de la cicatrice».

Autre conséquence négligée est la rupture utérine. Une déchirure ou ouverture de l’utérus au niveau de la cicatrice, due en général à des contractions sur une zone fragilisée, elle reste un des risques les plus sérieux. Ses conséquences peuvent aller jusqu’au décès du bébé et de la maman. C’est une complication rare, mais dramatique. Et ce que les femmes doivent aussi savoir sur la césarienne, c’est qu’il est d’usage de n’en envisager que 3 voire 4 au maximum en raison des risques liés à la cicatrisation, explique la gynécologue.

La césarienne est un échec pour un médecin

Au Sénégal, la césarienne est plus pratiquée dans les cliniques privées. Ce qui pousse certains à dire que c’est pour des raisons pécuniaires. Mais, le Dr Diéliya Niang ne partage pas cette position. «S’il y’a beaucoup plus de césarienne qu’avant, c’est tout simplement parce que la responsabilité du médecin est souvent mise en cause, non pas pour des raisons pécuniaires. L’accouchement est un phénomène naturel et présente moins de complications. En réalité, on aurait souhaité que nos patientes accouchent de façon naturelle parce que la césarienne est presque un échec. Mais, elle est souvent salvatrice. Elle permet de sauver la mère et l’enfant et normalement quand elle bien posée elle peut être beaucoup plus utile que l’accouchement par voie basse», souligne-t-elle. Elle ajoute que la seule différence entre le privé et le public, c’est qu’«en clinique, la responsabilité du médecin est impliquée alors qu’en public, c’est l’hôpital qui est responsable. Les médecins des hôpitaux se sentent moins impliqués quand il y’a des implications».

La blouse blanche explique les cas dans lesquels il devient obligatoire de pratiquer une césarienne : «Il est nécessaire de faire recours à la césarienne dans le cas où la femme présente un défaut au niveau du bassin, c’est-à-dire un bassin généralement rétréci. Parfois, une malformation au niveau du bassin se présente. Dans ce cas, il y’a un vice qui fait que l’enfant ne pourra pas passer à travers la filière et en ce moment l’indication est absolue. Il faut une césarienne. Parfois, il y a une disproportion fœto-pelvienne, c’est-à-dire que l’enfant est trop gros par rapport au bassin de la mère. Cela impose une césarienne. La souffrance fœtale dès le début du travail d’accouchement est aussi une raison impérative pour faire recours à une césarienne pour éviter tous risques de lésions graves au niveau de l’enfant. Et en cas d’hypertension sévère aussi, on peut faire la césarienne pour éviter des complications aussi bien pour la mère que pour l’enfant», explique la gynécologue.

En tout cas, la position de l’organisation mondiale de la santé reste la même. Un peu plus de césarienne pour sauver le maximum de femmes. Mais pas trop de césarienne pour diminuer la morbidité chez les femmes.

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