« Dire que l’homme est un composé de force et de faiblesse, de lumière et d’aveuglement, de petitesse et de grandeur, ce n’est pas lui faire son procès, c’est le définir » (Denis Diderot).
Dans sa communication écrite en date du 21 février 2019, le président Abdoulaye Wade livre, les raisons qui l’ont conduit à se décider, de ne pas décider de soutenir un candidat en lice, et à s’abstenir d’aller voter le 24 février 2019, aux élections présidentielles. Pourtant, après avoir tenté de faire, une description de la situation politique du Sénégal sous le magistère de Macky Sall, il se positionne ainsi. Avec toute la retenue qui sied en pareille circonstance, mais surtout le respect que nous lui devons, néanmoins, nous regrettons sincèrement qu’il n’a pas tiré de ses constats, les conclusions, ou les conséquences appropriées.
Nous avions toujours soutenu (verbalement ou par écrit) que le président Wade ne ferait rien, très explicitement qui soit de nature à avantager, à favoriser, ou à privilégier Idrissa Seck. Aujourd’hui, sa position, ou plutôt son absence de positionnement nous conforte. Puisqu’il a décidé, de ne pas décider, à savoir de ne pas soutenir un candidat à l’élection présidentielle de 2019, en oubliant, sans doute, que ne pas décider, c’est aussi décider. Et, contrairement, à ce qu’il pense, s’il devait être suivi par les membres de son parti le PDS (Parti démocratique sénégalais), cette situation avantagerait plus le président/candidat sortant (Macky Sall).
Heureusement (diront certains), qu’il n’a pas donné de consigne de vote, aux membres de son parti. Qu’il n’a pas aussi interdit à ses militants, et à ses sympathisants de voter pour l’un des candidats à l’élection présidentielle de 2019. De notre point de vue, sa situation d’équilibriste va atténuer l’ampleur de la défaite, mais ne peut aucunement sauver Macky Sall d’une déroute au premier, ou au deuxième tour des élections présidentielles.
Ainsi, le peuple dans sa maturité politique saura faire valoir son intérêt, et faire porter son choix sur la COALITION IDY2019. Sans minorer, ou mésestimer la valeur, les compétences ou les capacités des autres candidats en lice, pour l’élection présidentielle des mois de février, et mars 2019. Le choix est simple reconduire Macky Sall, ou se retrouver derrière, ou autour du candidat de l’expérience, de la compétence, de la mesure, de l’espoir, de l’espérance, et de l’unité à savoir voter, et faire voter Idrissa Seck.
Selon nous, le président Abdoulaye Wade aurait perdu toute lucidité, celle-ci étant accentuée par une cécité, et une surdité. Non de la vue, ou de l’ouïe, mais plutôt de cœur au sens large (amour, passion, désir…) qui l’empêche de se concentrer, de réfléchir, d’analyser, et de raisonner, pour enfin se positionner avec détachement. Notre affirmation pouvant être résumée par la philosophie d’Ahmadou Kourouma pour qui « il existe deux sortes de cécité sur cette terre : les aveugles de la vue et les aveugles de la vie ».
Lorsque la Nation est en danger les intérêts personnels doivent se dissoudre, ou s’effacer au profit du seul intérêt général. De même, faire valoir toute considération, autre que celle du peuple, dans sa majorité serait inopérante, et inconcevable. Abdoulaye Wade n’est pas sans savoir que le Sénégal traverse une période glauque de son histoire politique, ou simplement de son histoire. D’où ne pas prendre position, équivaut à prendre position, tout comme, ne pas se décider, c’est finalement se décider. C’est dire autrement, dans tous les cas, le président Wade avantage (directement ou indirectement ; sciemment ou inconsciemment ; volontairement ou involontairement) le président/candidat Macky Sall.
Nous sommes en opposition totale avec lui, cependant Abdoulaye Wade est conséquent avec lui-même, sa position n’est pas nouvelle, il la réitère seulement avec un peu plus de forme, ou de nuance. Il avait dit implicitement, ou explicitement, sans Karim Wade pas d’élection, aujourd’hui, il s’est ravisé de son jusqu’au boutisme de faire bruler, ou déchirer les cartes d’électeur, en préférant ne pas voter le 24 février 2019, ou ne pas soutenir un candidat.
Pourtant, pour le porter au pouvoir en 2000, Idrissa Seck candidat de la « COALITION IDY2019 » a dû vaincre autant d’anfractuosités, que nous n’aurons pas à lister ici, des « seckologues » mieux outillés le feront. Franchement, ne pas le soutenir, quel que soit le « contentieux » qui a pu exister entre eux, est une erreur impardonnable. Faut-il rappeler, la grandeur de l’humain se mesure à l’aune de sa capacité à se surpasser, à se dominer, à savoir pardonner, à se transcender, pour savoir être « au-dessus de la mêlée » comme disait François Mitterrand.
Très malencontreusement, le président Wade ne s’inscrit pas, et ne s’inspire aucunement de/dans la pensée de Charles de Gaulle selon laquelle « face aux grands périls, le salut n’est que dans la grandeur » de la décision pour être complétement en phase avec son peuple. Ou encore, de celle de Martin Luther King à savoir « la véritable grandeur d’un homme ne se mesure pas à des moments où il est à son aise, mais lorsqu’il traverse une période de controverses et de défis ». Mais enfin, nous ne pouvons croire, qu’il ait fait sien ce sentiment selon lequel « la politique a sa source dans la perversité plus que dans la grandeur de l’esprit humain » (Voltaire). Ce qui serait vraiment outrageant dans la réflexion d’un véritable parangon de la vie politique sénégalaise.
En ayant choisi de ne pas choisir, à notre avis, le président Wade tente un pari qui pour lui, sera toujours gagnant. A savoir, si Macky Sall gagne, il aura raison d’avoir prédit la mascarade électorale, que le peuple serait complice d’une telle élection en y ayant participé en toute connaissance de cause. Si Macky Sall perd, il aura gagné pour avoir décidé le statut quo, et aussi d’avoir tempéré les velléités de vol, de fraude ou de trucage des élections par le président/candidat sortant.
Mais enfin, nous condamnons pareil positionnement, ou pareille absence de positionnement du président Wade qui a toujours été d’une clairvoyance politique, pour se laisser submerger d’affect surdimensionné, et s’embarquer dans la négation du rejet populaire de Macky Sall. Mais surtout, pour ne pas avoir fait une analyse objectivement lucide, de la situation politique à la veille d’une élection majeure. Qui doit redessiner les contours du pays, en ayant accepté par son ni/ni, que l’histoire politique s’écrive positivement, ou négativement sans lui. Hélas, quelque fois, certaines fins sont souvent très tristes.
Daouda NDIAYE