Deux mois après la Korité, « fête marquant la rupture du Ramadan», les musulmans s’apprêtent à célébrer, prochainement, la fête du sacrifice « Tabaski ». La plus grande fête en Islam. Ce qui est, à cet effet, tout un programme, le jour J ! Car chaque fidèle veut être élégant. Et voudrait se démarquer, avec son plus beau boubou, selon ses moyens.
En espérant, évidemment, attirer tous les regards et accumuler des compliments pendant les jours de fêtes… on a beau avoir un joli boubou, c’est la coupe et la couture qui mettent l’habit en valeur, sans oublier les accessoires. A cet effet, Actusen.com a rendu visite à certains tailleurs et vendeurs d’accessoires, aux fins de tâter le pouls des préparatifs de la fête du mouton. Reportage !
14H45, on est au marché Hlm pour s’enquérir des préparatifs pour la tabaski. Le taxi, à bord duquel on ambitionne d’embarquer,r double son tarif à cause du bouchon qui s’est installé sur le trajet. Inabordable par rapport au prix habituel. Cap sur un autre chauffeur de taxi. Lui, au moins, nous fixe un prix acceptable. Du rond-point castor, le taxi se déplace à pas de caméléon, jusqu’aux alentours du marché.
Le lieu est vraiment encombré, ce qui nous oblige à descendre pour continuer le trajet à pied, après presqu’une heure coincé dans les embouteillages. Et là, une femme lance un hurlement qui fait froid au dos. Un taximan l’a heurtée, lorsqu’elle descendait d’un car rapide. Puis, les gens s’approchent pour constater les faits. Heureusement, il y a eu plus de peur de que de mal, la dame s’en est sortie avec quelques égratignures…
On entre enfin dans le marché. Une ambiance de foire y règne. Des jeunes filles se font de la manucure pédicure et des tatouages. Des hommes, avec leurs marchandises sur les épaules, vendent des ensembles tuniques pour homme, du fameux “prêt à porter”. Par-ci et par-là, certains marchandent sur les prix et d’autres invitent les clients, à l’aide de sonorités musicales.
Dans un immeuble, il n’y a que des tailleurs. A notre passage, le courant avait fait faux bond. Les tailleurs et leurs apprentis étaient dans l’obscurité. On va à la rencontre de Demba Diao. Il vient de finir sa prière. Depuis 2004, il est dans le milieu. Patron de «Arafat Couture» (pub gratuite pour son atelier), il a commencé à coudre pour la Tabaski.
D’après lui, “ce sont les étrangers qui viennent plus tôt. Ils viennent coudre pour revendre dans leurs pays”. Il ajoute que les Sénégalais ont commencé à venir, mais beaucoup attendent la fin du mois, d’autant que certains sont payés vers le 5 », explique-t-il.
Pour la couture, les tailles basses gardent, jalousement, la cote
Chapelet à la main, Demba Diao nous a accordé de son temps sans problème sur un banc. Dans son pantalon jean mis avec des sandales, il explique que la tendance c’est le « Getzner ou le basin, dont on fait la commande le plus pour cette fête. C’est devenue une habitude », renchérit-il.
Poursuivant, il explique : «pour la couture, les tailles basses sont prisées. Et elles sont cousues à 25 000 F Cfa pour les jeunes filles et les enfants. Le prix dépend de la qualité et de la quantité du boubou. Les dames et les vieilles font des tailles Mame (ndlr: grand-mère ».
Au moment de disserter avec lui, l’électricité, qui était inscrite aux abonnés absents, revient. Après des dizaines de minutes qu’on est à Arafat Couture. A peine le courant est-il de retour, que les machines à coudre résonnent aussitôt. Les tailleurs se mettent aux habits.
Marié, avec une fille, M.Diao a construit une maison nichée à Kaolack avec ce qu’ils gagnent dans la couture. « Dans 5 ou 7jours au plus tard, je ne prendrai plus d’habits. Sinon, il y’aura des mécontents. Je calcule tout », prévient-il les clientes
Chez “Anna Couture”, on coud entre 3 et 5 boubous par jour
Aux Hlm 5, c’est le même décor. Ici, on est chez « Anna Couture » (pub gratuite). On se retrouve dans un atelier avec cinq machines. A côté de celles-ci, des femmes sont couchées à terre. Certaines sont des amies de la patronne, d’autres sont là pour les perlages. Une des femmes sûrement fatiguée est étendue sur un banc pour une petite sieste. Malgré tout le bruit de l’atelier, elle reste plongée dans les bras de Morphée.
Vieux Mboup, un des apprentis, est présenté par la patronne comme le porte-parole de l’atelier. Jeune homme d’une vingtaine d’années à la taille moyenne, sourire au coin des lèvres, il marche nonchalamment pour se joindre à nous. D’après lui, «pour le moment, les clients viennent. Le rythme est acceptable ».
Jean beige sur un haut gris, il a l’air joyeux, à force de nous entretenir de ses coupes. «On fait des tailles basses, robes et tuniques pour la Tabaski. Les jeunes filles aiment beaucoup les tailles basses. On coud 5 ou 3 boubous par jour, selon les modèles », renseigne-t-il
Pour ce qui est des prix, ils dépendent du tissus. «Le Getzner est plus cher, minimum 25000 francs Cfa », lance-t-il. Contrairement à notre premier interlocuteur, Vieux Mboup ne fait pas de calcul, mais se fie à sa compétence. « On prend jusqu’a ce qu’on n’en peut plus. Si on est vraiment saturé, on arrête donc», estime-t-il, regardant sa patronne comme pour lui demander de confirmer ses dires.
Ces accessoires qui doivent assaisonner les jolies coupes de tissus
Après la couture, le boubou doit s’accorder avec les accessoires qu’il faut. A cet effet, nous avons fait un détour chez les vendeurs de chaussures. C’est la bousculade dans cette parte du marché. Tout est bazardé, ici, en vue de la fête. Les bracelets, les colliers, les maquillages, même les parfums. Sur fond de “Mbalakh” (Nndlr : sonorité musicale célèbre au Sénégal», des tables sont fixées les unes aux autres. Dans la foulée, un vendeur anime et s’occupe en même temps de la clientèle.
Son nom : Boubacar Ndiaye. Vendeur pendant les vacances. Âgé de 19 ans, il est élève en classe de 1ere. Pour avoir un peu de sous, il vend à l’approche de la fête. « 3000, 4000 ou 5000 francs, coûtent ces chaussures. Elles sont nouvelles, leurs emballages sont là. Il y a de jolis escarpins, des compensés, des bas rasés pour les vielles… les clientes viennent peu a peu, mais des fois, on ne vend rien dans la journée », regrette-t-il.
Avec sa tablette en main, sac au dos, pantacourt sur un haut gris, il affirme : “comme partout dans le marché, les clientes sont les jeunes filles. Elles achètent plus que les autres », confirme Vieux qui a établi son quartier général dans ce marché, depuis 3 semaines.
chaussuresA côté de lui, un ex’élève qui a arrêté l’école en classe de 4eme à cause de problèmes de santé. Oumar Lo (nom d’emprunt) vend des pochettes au prix de « Tout est à 1300 francs Cfa. C’est un prix fixe, quand on s’approchera de la tabaski. Je ferai tout à 1000 francs Cfa pour vendre toutes pochettes. Une manière pour lui de tout liquider”.
Deux clientes sont attirées par des pochettes qu’elles voudraient acheter. Ce sont aussi des jeunes filles. Apres avoir bien fouillé la marchandise, elles achètent chacune une pochette. Puis s’en vont toutes heureuses de leurs accessoires. Si bien que les pochettes sont un nouvel arrivage, d’après le vendeur. Comme quoi,« les premiers arrivés seront les mieux servis pour la Tabaski »…
Aissata Bathily (Actusen.com) Omar Ka (Photo)