Dans le cadre de son plan de réforme de l’Administration sénégalaise, le Président Macky Sall a décidé de réduire le train de vie dispendieux de l’État. Mais au préalable, un diagnostic de la situation s’imposait. Il a été fait. Le résultat est effarant. Il est détaillé dans l’édition du Soleil de ce mardi 23 avril. Les chiffres, qui trahissent un gaspillage outrancier des ressources publiques, donnent le tournis.
Le 18 décembre 2018, au deuxième et dernier jour de la rencontre du Club de Paris, au cours de laquelle le Sénégal enregistrait un éclatant succès dans la collecte des contributions des bailleurs de fonds pour le financement de la Phase II du Plan Sénégal émergent (Pse), le président de la République, faisant face à l’essentiel des acteurs du secteur privé sénégalais, proclamait, à nouveau, ce qui devrait figurer au rang de ses ambitions majeures, s’il était réélu : réformer en profondeur l’Administration sénégalaise.
“Parmi les urgences principales de la Phase II du Pse, devront donc figurer la poursuite de la réforme (…) de l’Administration générale (…). L’Administration publique [est parmi les] révélateurs de l’état d’une société. (…) Pour bâtir le progrès, les usagers du service public ont droit à des prestations diligentes et efficaces. Il nous faut donc plus une Administration de développement qu’une Administration de commandement”, disait-il.
Vingt mille véhicules achetés depuis 2000
Aujourd’hui, quatre mois plus tard, sa réélection acquise, il est sur le point d’enclencher un processus qui, à terme, va révolutionner– le mot n’est pas trop fort– le vécu et les habitudes d’”une Administration de commandement”, qu’il ambitionne de transformer en “une Administration de développement” pour mieux placer le Sénégal sur les rampes de l’émergence. Et Le Soleil est en mesure de dire qu’avant les réformes purement techniques, Macky Sall va prendre par les cornes le taureau de la gabegie engendrée par le train de vie dispendieux de l’État.
Son premier chantier ? Réformer la commande et l’utilisation des véhicules. Pourquoi une telle réforme ? Plusieurs enquêtes et études commanditées par l’autorité font parler de chiffres effarants ! De 2000 à cette année 2019, l’État et le secteur parapublic sénégalais ont passé des commandes de… vingt mille (20 000) véhicules. Soit environ mille (1000) voitures par an dont le coût moyen unitaire est de vingt-cinq (25) millions de FCfa. En somme, ce n’est pas moins de cinq cent (500) milliards de FCfa qui ont été engloutis dans ce domaine, ces vingt (20) dernières années. Avec cette enveloppe, combien d’universités, de lycées, d’écoles, de postes de santé etc., auraient pu être construits ? Inutile de faire le calcul !
À ce gâchis sidérant viennent s’ajouter d’autres, lorsqu’on jette un coup d’œil sur l’utilisation et la gestion faites de ces véhicules. A ce propos, il ressort des mêmes études que la durée de vie moyenne d’un véhicule administratif est de trois années ; cinq fois moins qu’un véhicule privé, qui est de quinze années. C’est dire que l’État est obligé de renouveler son parc automobile tous les trois ans.
Les causes de ce gaspillage scandaleux renvoient à trois maux : primo, l’absence totale d’effort pour l’entretien de ces biens publics de la part des affectataires ; secundo, l’utilisation des véhicules administratifs à des fins privées ; tertio, la cannibalisation fréquente et persistante, pour dire le moins, des véhicules administratifs pour équiper des véhicules privés.
À cela se greffent la difficulté de retracer le parc automobile de l’État, le déséquilibre ou la disproportion entre la gamme ou le standing des véhicules, le niveau de responsabilité des affectataires ou leur niveau de vie, en violation des dispositions existantes (décrets, arrêtés) qui réglementent tout cela.
Carburant : 40 milliards par an
L’autre saignée monstrueuse que subit l’État et à laquelle Macky Sall est décidé à mettre un terme, c’est la consommation de carburant. L’enveloppe culmine à– retenez votre souffle !– quarante (40) milliards de FCfa l’année (État et secteur parapublic confondus). Ici aussi, les abus sont la règle et la bonne conduite l’exception. A tous les échelons de l’État et du secteur parapublic, les dotations en carburant aux affectataires de véhicule administratif sont sans rapport avec les besoins réels. La redistribution des dotations à des fins privées est habituelle, avec la persistance d’un système de monnayage des tickets et cartes de carburant au détriment de l’État.
L’explication de cette situation qui grève le budget national d’un pays en voie de développement comme le Sénégal renvoie à une violation généralisée, connue de tous et restée impunie, de la réglementation sur le carburant. Une disposition qui exige cinq (05) litres par jour et par véhicule, soit une moyenne cent cinquante (150) litres par mois et par affectataire. Seulement, dans la réalité sénégalaise, les dotations sont très largement dépassées, allant en moyenne de deux cent cinquante (250) à cinq cent (500) litres par affectataire de véhicule.
Réparations : 18 milliards par an
Last but not least, le non-respect systématique des critères des ayants droit. En effet, seuls ceux qui ont un véhicule de service ou de fonction ont droit à la dotation. Mais, dans les faits, et c’est ce qui est le plus scandaleux, ceux qui en bénéficie et qui n’ont pas de véhicule administratif sont plus nombreux.
Parallèlement à la commande, à l’utilisation des véhicules administratifs et la consommation de carburant par l’État et le secteur parapublic, Macky Sall va s’attaquer à une autre plaie : l’octroi des indemnités kilométriques. A ce sujet, le principe est simple : ne doivent en bénéficier que ceux qui, après autorisation, utilisent leur véhicule personnel pour les besoins du service. Ici encore, la pratique jure d’avec la règle : l’indemnité kilométrique est presque généralisée, car elle est octroyée sur simple présentation d’une carte grise au nom du requérant. Pis, les études indiquent qu’il est avéré que les bénéficiaires utilisent leur véhicule exclusivement à leurs besoins privés.