L’OBS – Le lutteur Malick Niang a peut-être connu la pire défaite de sa carrière au soir du 1er juin 2014, face à Ama Baldé. Depuis, il est plongé dans l’anonymat, au point de clamer son envie de quitter l’arène. Le chef de file de l’écurie Yoff rumine sa colère, en attendant un adversaire.
Il y a des chutes dures. Surtout quand on tombe d’une montagne. Contrairement à celui qui tombe de cheval, lui ne peut pas remonter aussitôt la pente. Malick Niang a connu ce genre de chute terrible le 1er juin 2014. Une chute si pénible que le pensionnaire de l’écurie Yoff peine encore à se relever. Deux saisons de lutte sont passées sans l’ombre de Malick Niang. C’est à croire que Ama Baldé lui a infligé la pire défaite de sa jeune carrière. Et pourtant, ce n’était que la toute première et la seule défaite de Malick Niang en lutte avec frappe. Les premières sont toujours angoissantes, dit-on souvent. Et celle-là a complètement affligé ce lutteur qui naguère semait la terreur. Ce puncheur était celui que personne ne voulait croiser, de peur de passer un sale quart d’heure entre ses poings d’acier. Sa victoire éclair sur Sa Thiès, qu’il avait mis à terre en quelques secondes, avait fini de faire de lui un monstre plus que jamais craint de tous les lutteurs de sa génération. Sauf Ama Baldé bien évidemment. C’est ce dernier a éteint le feu que crachait le dragon Malick Niang. L’héritier de Falaye Baldé a mis fin à une série de 10 victoires en autant de sorties de Malick Niang. Son mentor, Yékini, le roi resté invincible pendant 15 longues années, le voyait comme son digne héritier. Au crépuscule du 1er juin 2014, tout un stade Demba Diop était ébahi de voir le tombeur de Sa Thiès engager son combat contre Ama Baldé de la façon la plus laconique. Ce soir de tous les dangers, ce lutteur qui techniquement était au dessus de la moyenne et avait mis tous les observateurs d’accord, en a déçu plus d’un. Il a lancé le combat par une bagarre de rue qui ne lui réussira pas. Ce jour-là, le bagarreur s’est perdu dans ses coups. Il a pris un coup depoing fatal qui l’envoie à terre sur ses trois appuis. Une aubaine pour Ama Baldé, qui s’agrippe à lui comme un singe sur une branche, pour le rouer de coups. L’avalanche de coups achève le géant Malick Niang. Depuis, la flamme de celui qui était parti pour être le nouveau Yékini s’est comme étiolée. Et le mythe Malick Niang s’effondre.
«J’arrête la lutte»
Deux saisons dans l’anonymat font s’interroger sur l’avenir de Niang dans une arène qui fait sa nouvelle configuration sans lui. L’ancien lieutenant de Yékini à l’écurie Ndakaru, entre les Etats-Unis et le Sénégal, entretient le flou. Et récemment invité de Malick Thiandoum dans l’émission «Grand Combat» de la Sen Tv, Malick Niang avait fait une déclaration qui laisse croire que la défaite devant Ama Baldé l’a totalement affligé. Au point de déclarer qu’il arrête la lutte. Que nenni ! «Il a dit qu’il a envie d’arrêter. Il avait dit qu’il n’avait plus la tête à la lutte», se rappelle Malick Thiandoum. «Je me suis dit qu’il y a deux choses. Premièrement, il a des ennuies de santé qui ont sapé son moral. Deuxièmement, il a des problèmes qui concernent sa vie privée et qui ont contribué à la prise de cette décision. Il a aussi évoqué un problème d’argent avec un promoteur. Peut-être que tous ces facteurs réunis font qu’il n’a plus envie de rester dans ce milieu», analyse le chroniqueur de lutte.
«Une carrière se gère sur le plan psychologique»
Quitter l’arène parce qu’il a essuyé une défaite. Ça ne peut pas être l’explication de l’envie de Malick Niang de mettre fin à sa carrière de lutteur, analyse Ngagne Diagne, chroniqueur de lutte de la Rfm. «Si c’est à cause de la seule défaite qu’il a essuyée devant Ama Baldé que Malick Niang veut arrêter la lutte, c’est qu’il n’est pas fort psychologiquement. A mon avis, ce n’est pas la défaite qui est la cause de son envie de mettre fin à sa carrière. Sinon, s’il se demande ce que sont devenus les lutteurs qu’il a vaincus, il va revenir sur sa décision. Est-ce que Sa Thiès, qu’il a terrassé, a jeté l’éponge ? Non. Il s’est vite relevé et a enchaîné les victoires. Moussa Ndoye en a fait autant. Ama Baldé a essuyé une cuisante défaite devant Ness, mais il s’est relevé. Si c’est la défaite qui fait ainsi ses effets, c’est parce que son entourage n’a pas fait son job. C’est durant les moments difficiles que l’entourage joue son rôle. Je ne crois pas que Malick Niang va arrêter. Si j’ai un conseil à lui donner, c’est de rester, parce que rien n’est perdu pour lui. Il est encore jeune. Il a son destin en main. Je peux comprendre qu’il veuille arrêter à cause d’un problème de santé, mais pas pour une défaite», dit Ngagne Diagne.
«Les autorités coutumières de Yoff doivent parler à Malick Niang»
Quand il a quitté l’écurie Ndakaru, qui l’a révélé, pour aller porter le flambeau de son Yoff d’origine, c’est l’espoir de toute une communauté qui est né. Malick raviva la flamme de Yoff le jour où il s’est payé le scalp d’un certain Sa Thiès, son premier adversaire de taille. Ngagne Diagne regrette que cette flamme soit éteinte en si peu de temps. «Tout ce que je regrette, c’est l’espoir qu’il a fait naître à Yoff, terreau de champions. Quand il a battu Sa Thiès, il a fait revivre Yoff, qui est resté longtemps sans un champion d’envergure. Il a rappelé aux Yoffois des champions comme son homonyme, Malick Niang, Santang Gningue, Demba Thiaw, Ousmane Ndir. Je me rappelle encore cette effervescence à Yoff le soir de sa victoire sur Sa Thiès. Il n’a pas le droit de se retirer pour des raisons aussi fallacieuses. Les autorités coutumières de Yoff doivent le ramener à la raison. Il a fait un début de carrière très rare. C’est l’un des rares lutteurs à avoir aligné 10 victoires en autant de sorties. Rien n’explique son absence pendant tout ce temps. C’est un grand champion. Il a ce qui manque aux autres lutteurs. C’est-à-dire la taille, la puissance physique et la technique de lutte. Vivement son retour», plaide Ngagne Diagne.
«Malick Niang n’a pas arrêté la lutte»
A la suite de la sortie du lutteur, son encadrement a tenu à sauver ce qui reste. C’est Baye Ngagne, coach de l’écurie Yoff, qui est monté au créneau pour préciser la pensée de son poulain. Baye Ngagne que nous avons joint au téléphone réitère ses propos d’alors. «Les propos de Malick Niang ont été mal interprétés. C’est vrai qu’il a fait une sortie malheureuse. Il a mal communiqué. En fait, il voulait dire qu’il va renoncer à la lutte s’il n’arrive pas à décrocher un combat. Il faut le comprendre. C’est difficile de concéder deux années blanches parce que tes potentiels adversaires refusent de t’affronter. La défaite ne peut pas le pousser à arrêter sa carrière. Ça n’a pas de sens. C’est juste qu’il est un peu dépité d’être resté sans combat. En plus, un promoteur lui doit de l’argent. Malick est là. Si on lui fait une bonne proposition, il va lutter», a confié Baye Ngagne.
Tapha Tine, Forza, Elton, Abdou Diouf…, ses potentiels adversaires
Malick Niang n’a pas quitté ce milieu des hommes virils. S’il n’a pas encore fait son retour, c’est parce que les promoteurs ne se sont pas encore manifestés. Les adversaires potentiels ne manquent pas. «Malick Niang ne peut pas avoir de problème d’adversaire. Il est incontournable dans la nouvelle configuration de l’arène. Il a beaucoup de revanches à accorder à ses victimes. Il peut affronter Tapha Tine, lui aussi vaincu par Ama Baldé. Elton, Forza, Abdou Diouf, sont aussi ses potentiels adversaires», souligne Ngagne Diagne. «Il peut bien rebondir en affrontant des lutteurs comme Sa Thiès, Assurance de Mbour. En plus, il a tous les atouts pour s’imposer dans la lutte. Il a la carrure, un palmarès reluisant. C’est vrai que cette défaite avait complètement sapé son moral. Depuis, c’est une véritable descente aux enfers. La défaite lui a plombé les ailes. Mais il a tous les atouts pour revenir», promet Malick Thiandoum.
IDRISSA SANE
IGFM