Mariama Diouf est la seule femme parmi les 64 personnes rescapées du naufrage du bateau «Le Joola». 15 ans après le drame, elle se souvient toujours de cette catastrophe, au large des côtes gambiennes.
«C’est vers 23 heures que le naufrage s’est déclaré. Nous étions tous couchés et brusquement nous avons senti d’énormes bruits et aussitôt l’eau a commencé à entrer dans les cales et les lampes éteintes. Des cris fusaient de partout, surtout chez les femmes et nous sommes restés pendant un bon moment dans les ténèbres. Aussitôt, nous avons senti l’eau envahir les chambres et c’est en ce moment que nous avons compris qu’il y avait problème. C’était le sauve qui peut total dans le bateau et malgré l’obscurité qui régnait partout j’ai réussi à grimper jusqu’au pont. Il y’avait d’autres personnes sur place et c’était presque le petit matin. A cet instant, nous sentions le bateau qui fonçait lentement au fond des eaux. Ainsi, nous avions aperçu de petites pirogues venues à notre secours. Les pêcheurs nous ont ensuite embarqués dans un bateau coréen qui nous a transportés jusqu’en Gambie. A partir de là-bas, nous avions rallier Dakar par avion. C’était vraiment terrifiant et c’est le Bon Dieu qui m’a sauvée de cette catastrophe, alors que j’étais enceinte de quatre mois. C’est après cinq mois du drame que j’ai accouché et l’enfant, tout le monde l’appelle «Bébé Joola». Dans cinq mois, elle soufflera ses dix bougies.
«Je ne suis pas une rejetée de la mer mais une rescapée»
Considérée par certaines comme une personne rejetée par la mer, parce qu’étant la seule femme qui a survécu au naufrage du bateau «Le Joola», Mariama Diouf continue de répliquer à ceux qui avancent cela que c’est par la grâce de Dieu qu’elle s’en est sortie indemne de cet accident. «C’est le Bon Dieu qui a fait que j’ai échappé au naufrage du bateau comme d’autres personnes, même si je reste la seule femme parmi les rescapés. Que ceux qui pensent que j’ai été rejetée par la mer sachent que je ne suis qu’une rescapée. C’est le Bon Dieu qui en a décidé ainsi, même si au moment de l’accident je portais une grossesse de quatre mois. Je ne suis pas une personne qui a des pouvoirs mystiques ou qui connaît quoi que ce soit, je suis une personne ordinaire et mes jours ne devraient pas s’arrêter dans cette longue nuit du 26 septembre 2002. Il est temps que les gens pensent autrement et me considèrent comme je vous l’ai déjà dit, une rescapée. «Bébé Diola» a reçu toutes sortes de promesses, les gens l’ont emmenée à Dakar, pour la photographier et m’ont demandé ses papiers. Mais depuis lors, rien n’a été fait. C’est moi personnellement qui ai en charge sa scolarité et tout. Après notre indemnisation, je n’ai reçu aucun soutien, à part l’actuel ministre de l’Ecologie Aly Haïdar qui me donne une enveloppe chaque mois. A part la nuit que j’ai passée à l’hôpital Principal, après notre arrivée, je n’ai reçu aucun suivi psychologique, ni d’accompagnement médical. A chaque fois que l’anniversaire du naufrage s’approche, je ressens de terribles maux de tête. Avec l’enveloppe de dix millions que j’avais à l’époque en guise de subvention, j’ai acheté un terrain sur lequel j’ai commencé à construire ce grand bâtiment qui reste encore à l’état de travaux. Je n’exige rien du tout. Je veux simplement qu’on m’aide à entretenir ma famille et mon «Bébé Joola», tout en demandant à tout un chacun de prier pour les nombreux disparus en ce dixième anniversaire.»
«Bébé Joola» parle Joola
Considérée comme la plus petite rescapée du naufrage du bateau «Le Joola», «Bébé Joola» qui se trouvait dans le ventre de sa maman est née cinq mois après le drame. Toujours souriante, la petite «Maman» pour ses proches, aime toujours porter des habits neufs. Après son cycle préscolaire à la Case des tout-petits de Yenne, elle est actuellement en classe de CE2. Dix ans après le naufrage du «Joola», «Bébé Joola» parle couramment Joola, grâce à ses voisins Joola qu’elle fréquente. Il s’y ajoute que certains de ses frères parlent cette langue grâce aux campagnes de pêche qu’ils font annuellement en Casamance. Elle aime souvent se baigner en mer et lorsqu’elle était encore plus petite, elle se souvenait de sa façon le naufrage du bateau. En a croire sa mère, «Bébé Joola» se déshabillait et se mettait ventre à terre pour dire qu’elle venait de la mer et qu’elle aimait y retourner tout en criant. Mais aujourd’hui, c’est une fillette qui se bat à l’école et qui aime aider sa mère et ses frères dans les taches quotidiennes. Une future policière selon son souhait lorsqu elle sera grande. En ce jour anniversaire du naufrage du «Joola», elle ne retient qu’une seule chose : «Ma mère me disait que les gens criaient dans le bateau.»
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