Auteur: leparisien.fr – Le Parisien
Béatrice Huret, ex-sympathisante FN devenue passeuse présumée par amour d’un migrant. Elle doit être jugée le 27 juin pour avoir organisé le passage de migrants en Angleterre.
Ex-sympathisante du Front national et veuve d’un mari policier, Béatrice Huret attend son procès pour “aide au séjour irrégulier d’un étranger en France”. Elle n’a “aucun regret” et qu’une explication: elle a aidé Mokhtar, un migrant de la “Jungle” de Calais, à passer en Angleterre, “par amour”.
11 juin 2016, 4h du matin. Sur la plage de Dannes, dans le Pas-de-Calais, Béatrice Huret serre dans ses bras Mokhtar : après huit mois passés dans la “Jungle”, il s’apprête à embarquer avec deux autres réfugiés sur un petit bateau de plaisance pour rejoindre l’Angleterre.
Elle les a aidés à dénicher cette “coquille de noix” achetée 1 000 euros sur Leboncoin et à organiser le départ. “Si je ne l’avais pas fait, ils auraient trouvé quelqu’un d’autre pour le faire ! C’était leur but et je ne pouvais rien faire pour les en dissuader”, assure-t-elle, attablée dans le salon de sa maison de campagne située à l’orée d’un bois à Wierre-Effroy (Pas-de-Calais).
“Cela a été le choc de voir tous ces gens patauger dans la gadoue”
Son histoire d’amour, qu’elle raconte dans un livre, “Calais mon amour”, sorti en mai aux éditions Kero, commence en février 2015. L’ancienne aide-soignante, devenue formatrice pour adulte, découvre la “Jungle” de Calais, “par hasard”, en prenant en stop un jeune réfugié soudanais qu’elle dépose à l’entrée du camp. “Cela a été le choc de voir tous ces gens patauger dans la gadoue…”, se souvient cette femme originaire du département, longs cheveux noirs et yeux verts entourés de khôl.
Elle devient alors bénévole et c’est un an plus tard qu’elle croise le regard de Mokhtar pour la première fois. Il faisait partie des migrants iraniens qui s’étaient cousus la bouche pour protester contre le démantèlement de la partie sud de la “Jungle”. “Mon anglais c’était juste ‘hello, thank you, goodbye’ alors je ne lui ai pas parlé tout de suite. Lui, s’est levé pour aller me chercher le thé, on ressentait quelqu’un de très doux, très calme et puis son regard… Ca a été le coup de foudre”, raconte-t-elle, enchaînant les cigarettes.
“Notre histoire a commencé avec l’aide de ‘Google traduction’…”
Deux mois passent, puis, un bénévole demande à Béatrice Huret d’héberger Mokhtar deux jours, en attendant “un plan” pour rejoindre l’Angleterre en camion. Elle accepte, le plan échoue et Mokhtar reste finalement un mois chez cette femme de 44 ans qui vit avec sa mère, 76 ans, et son fils Florian, 19 ans. “Notre histoire d’amour a commencé là, avec l’aide de ‘Google traduction’…”.
Sa rencontre avec Mokhtar n’avait “rien d’une évidence” pour cette ancienne électrice du Front national qui a partagé la vie d’un policier de la PAF (Police aux frontières) pendant 20 ans. Elle était alors aide-soignante dans une maison de retraite, travaillait de nuit, s’occupait “du petit”, dormait un peu, se livrait aux tâches domestiques… “J’avais une vie basique et je votais FN, comme mon mari, sans vraiment me poser de questions”, admet-elle.
Jusqu’à 10 ans de prison
Son nouveau compagnon, Mokhtar, 37 ans, ex-professeur de persan en Iran, vit maintenant à Sheffield en Angleterre où il a obtenu un permis de travailler. Un week-end sur deux, elle prend le ferry, puis roule jusqu’à chez lui. Son anglais, s’est amélioré: “Je comprends tout, mais j’ai toujours un peu de mal à le parler”, sourit-elle.
Mais deux mois après le passage de Mokhtar en Angleterre, Béatrice Huret a été placée en garde à vue dans le commissariat de Coquelles, celui-là même où avait travaillé son défunt mari. “J’ai dit toute la vérité parce que pour moi, je n’avais rien fait d’illégal”, affirme-t-elle. Jugée le 27 juin au tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer, pour “aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger en France en bande organisée”, elle risque jusqu’à 10 ans de prison.
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