En matière électorale, la compétence du Conseil Constitutionnel est régie par la Constitution, par la loi organique du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel, par la pratique, par les principes généraux du droit, par l’équité et par toute autre règle compatible avec la sauvegarde de l’état de droit et avec l’intérêt commun.
L’article 2 de la loi organique du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel dispose « Conformément aux dispositions des articles 29, 30, 33, 34, 35, 36, 37, 41 de la Constitution, le Conseil constitutionnel reçoit les candidatures à la Présidence de la République, arrête la liste des candidats, statue sur les contestations relatives aux élections du Président de la République, des députés à l’Assemblée nationale et des hauts conseillers et en proclame les résultats ».
Jurisprudence n° 1 : le Conseil Constitutionnel est compétent en matière électorale ((décision n°5- 1993 du 02 mars 1993)
Lors des élections présidentielles de 1993, le Sénégal a été confronté à une crise d’une extrême gravité qui a failli ébranler les institutions. En effet, en raison d’une divergence de vues et d’un blocage en son sein, le Président de la Commission nationale de recensement des votes n’a pas pu proclamer les résultats provisoires, comme le prévoit la loi, empêchant de fait, le Conseil Constitutionnel de proclamer les résultats définitifs, avec le risque de plonger le pays dans une crise institutionnelle. Dans sa Décision N° 5/93 en date du 2 mars 1993 (une jurisprudence remarquable) le Conseil Constitutionnel a précisé, «qu’après s’être déclaré valablement saisi et malgré le silence des textes, il a l’obligation de se prononcer sur la question portée devant lui; qu’en effet, ni le silence de la loi, ni l’insuffisance de ses dispositions, n’autorisent le Conseil compétent en l’espèce, à s’abstenir de régler le différend porté devant lui; qu’il doit se prononcer par une décision en recourant au besoin, aux principes généraux du droit, à la pratique, à l’équité et à toute autre règle compatible avec la sauvegarde de l’état de droit et avec l’intérêt commun».
Cette jurisprudence est claire, nette et précise : le Conseil Constitutionnel est compétent en matière électorale et ne peut en aucun cas, déclarer son incompétence, même dans le silence des textes. La décision N° 5/93 engage le juge constitutionnel sénégalais à ne jamais être confronté à un déni de justice.
Jurisprudence n° 2 : la défaillance de l’administration (refus de dépôt) entraine la recevabilité de la liste de candidature entravée (décision n°3-E- 1998)
C’est sans aucun doute la jurisprudence la plus effroyable pour le régime de Macky SALL. Dans sa décision n°3-E-1998, du 15 avril 1998, le Conseil Constitutionnel statuant en matière électorale a décidé que la liste de candidatures à l’élection des députés du 24 mai 1998 du Rassemblement pour le Progrès, la Justice et le socialisme est recevable, au motif que le dépôt du cautionnement lui a été refusé par le ministère de l’intérieur alors même qu’il a fait preuve de diligence en se présentant avant l’heure limite pour donner le montant du cautionnement qui est de 3 millions de francs. Dans son Considérant n°8, le Conseil Constitutionnel a souligné que « nonobstant l’absence de récépissé du Trésorier Général au moment du dépôt des candidatures, il y a lieu de constater que la preuve est établie que le cautionnement était disponible et a été présenté au Ministère de l’intérieur avant l’heure légale de clôture, que des lors la liste du RPJS doit être déclarée recevable ».
Il est établi (preuves, images et conférences de presse à l’appui) que le mandataire de la coalition YEWWI ASKAN WI s’est présenté à 2 reprises dans les locaux de la Direction Générale des Elections, accompagné d’un huissier.
Lorsqu’il s’est présent devant les locaux de la DGE pour la première fois, l’étude de la recevabilité des listes de candidature n’avait pas encore débuté. En refusant au mandataire de YEWWI ASKAN WI de procéder au remplacement de 2 membres de la coalition, qui ont retiré leur candidature, comme la loi électorale de 2021’y autorise, la DGE a commis un acte illégal, d’une extrême gravité, entravé de manière totalement délibérée, le dépôt d’une déclaration complémentaire de candidature suite à la démission de 2 membres.
La jurisprudence « INSA SANKHARE », du nom du mandataire de la liste Rassemblement pour le Progrès, la Justice et le socialisme, s’applique à la coalition YEWWI ASKAN WI (l’absence d’une déclaration complémentaire de candidature résulte d’une défaillance et d’une manœuvre de l’administration, en l’occurrence, les services du Ministère de l’Intérieur « DGE »).
La liste de YEWWI ASKAN WI est donc parfaitement recevable, au regard de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel (décision n°3-E- 1998).
Jurisprudence n° 3 : Décision du Conseil Constitutionnel sur le retrait de candidature (affaire n°5/E/1993)
Aucune disposition de la loi électorale de 2021 n’interdit le retrait d’une candidature. En effet, dans le code électoral de 2018, l’alinéa 2 de l’article 173 précisait que « ni substitution ni retrait de candidature n’est permis ». Il y a d’ailleurs lieu de faire une distinction claire entre les notions de substitution et de retrait, qui n’ont pas du tout la même signification. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le code de 2018 soulignait d’une part que la substitution n’était pas permis, et que d’autre part, le retrait de candidature n’était pas permis.
Substitution : c’est l’action de remplacer un ou plusieurs membres d’une liste de candidature, pour des motivations d’opportunité.
Retrait de candidature : C’est le fait de renoncer à une prétention qui relève d’un acte individuel, et d’un choix effectué en toute liberté.
C’est parce qu’il s’est rendu compte de l’aberration de cette disposition dans le code électoral de 2018, que le législateur l’a tout simplement supprimé dans le code de 2021. Il n’y a donc ni omission, ni un quelconque vide juridique, pour une raison simple : cette disposition n’existe plus et ne peut donc être opposable à quiconque. A partir du moment où elle n’existe plus dans le code électoral, il est parfaitement autorisé à tout mandataire de procéder à un retrait de candidature. Le retrait de candidature de 3 membres de YEWWI ASKAN WI, dont celui de Moussa TINE est parfaitement légal (c’est leur choix et leur droit le plus absolu). Dans la décision n°4/93 du 01 février 1993, le Conseil Constitutionnel a pris acte de la lettre de M. Samba N’Diaye, mandataire du parti africain écologiste, aux termes de laquelle il confirme le retrait de la candidature de Aboubacry DIA à l’élection présidentielle du 21 février 1993. Le Conseil Constitutionnel a conclu en ces termes « il est donné acte à Aboubacry DIA, du retrait de sa candidature à la présidence de la république ».
Conclusion :
En définitive, Quel que soit l’angle abordé au regard de la jurisprudence, (compétence du Conseil Constitutionnel, défaillance de l’administration « entrave et refus de dépôt », ou retrait de candidature), la liste de candidature départementale de YEWWI, à Dakar est recevable. La compétition électorale est encadrée par le Droit : le Conseil ne peut en aucun cas déroger.
Toute participation du Conseil Constitutionnel à une forfaiture (coup d’état électoral) fera basculer le pays, dans l’inconnu et dans la violence et expose les 7 membres du Conseil Constitutionnel.
Macky Sall ne vaut nullement que Thiendella Fall et les 7 « Sages » se sacrifient pour lui.
Seybani SOUGOU – E-mail : [email protected]
Liste des Annexes :
Annexe n°1 : Jurisprudence sur la compétence du Conseil Constitutionnel en matière électorale (Décision N° 5/93 en date du 2 mars 1993)
Annexe n° 2 : La défaillance de l’administration (refus de dépôt) entraine la recevabilité de la liste de candidature entravée (Décision du CC n°3-E- 1998)
Annexe n°3 : Jurisprudence du Conseil Constitutionnel sur le retrait de candidature (affaire n°5/E/1993)