Après Mermoz, les populations de Guédiawaye se sont érigées en boucliers pour protéger leur littoral. L’octroi dernièrement de 4 hectares aux magistrats sur la bande des filaos ainsi que l’attribution de 20 hectares dans la zone au Syndicat des Inspecteurs des Domaines les a poussé à demander un déclassement au bénéfice exclusif des collectivités pour l’érection d’équipements d’intérêt public.
La bande verte, jadis longue et dense longeant le littoral à Guédiawaye, se dégarnit de jour en jour. Plusieurs poches sont aujourd’hui terrassées et loties. Une petite forêt de pierres est en train de se constituer à la place. Des immeubles de haut standing trônent çà et là. A petit feu, les coupeurs d’arbres avaient fait la moitié du travail avant que les services étatiques ne viennent achever ce qui restait de peu de cette bande de filaos qui, jusque-là, étaient présentés comme le rempart contre une avancée éventuelle de la mer. Hélas ! Les promoteurs immobiliers et autres prédateurs fonciers n’ont eu cure de la préservation de l’environnement. Mais le débat sur le bradage du littoral à Mermoz semble avoir réveillé les ardeurs des organisations de développement et de protection de l’environnement au niveau de la banlieue.
Près d’une vingtaine d’organisations issues de Guédiawaye, Yeumbeul, Malika, Tivaouane Peul et autres quartiers se sont regroupées au sein d’un collectif dénommé «Aar Sunu Suuf-Aar Sunu littoral des banlieues» pour combattre le bradage du littoral. Elles demandent entre autres l’annulation de l’octroi dernièrement de 4 hectares aux magistrats sur la bande des filaos ainsi que la suspension de la tentative d’attribution de 20 hectares dans la zone au Syndicat des Inspecteurs des Domaines. Ces organisations viennent ainsi densifier le combat que menait jusque-là le Président du mouvement «Reccu Fàl Macky» et coordonnateur du front pour la protection du littoral. Abou Mbaye estime que malgré toutes les mises en garde et autres dénonciations par le passé, le mal persiste. Selon Monsieur Mbaye, le littoral fait l’objet d’un bradage par une élite composée de politiciens, d’autorités administratives et d’hommes d’affaires devenus des promoteurs de circonstance.
Ainsi, dit-il, le rideau de filaos qui protégeait la localité de l’avancée de la mer a été coupé, exposant les populations à un désastre environnemental. «Nous interpellons les forces vives de la nation sur la nécessité de barrer le chemin aux opportunistes qui dilapident cette bande de terre. Et je pense que ce décret, pris mercredi dernier et donnant la prérogative aux préfets et sous-préfets de délivrer des autorisations de construire si les maires refusent d’apposer leurs signatures, vient faciliter le bradage foncier », s’est-il désolé.
Courroucé par ce qui se passe dans la localité, il appelle les populations à la vigilance d’autant qu’on parle d’attribution de 5.000 mètres carrés à un ministre par le Directeur des Domaines Mame Boye Diao. Pis, il affirme que pour le BRT, il a été réclamé dans un premier temps 6 hectares avant qu’une petite rallonge de deux hectares ne soit effectuée. Ce qui, selon lui, suscite des interrogations. Le plus grave, d’après Monsieur Mbaye, on parle depuis 2015 de la construction de cimetières à Guédiawaye, huit hectares pour les musulmans et quatre hectares pour les chrétiens. Il estime que rien ne peut justifier depuis tout ce temps qu’on n’ait pas aménagé ces cimetières ; non sans dénoncer des velléités de grignoter sur le foncier destiné aux cimetières. Le coordonnateur du front pour la protection du littoral dit ne pas comprendre cette volte-face subite des autorités qui, après les travaux de prolongement de la VDN, avaient fait état d’une volonté de renouveler les filaos. C’est à leur grande surprise qu’il a été constaté le déclassement dans certaines zones pour attribuer les terres à des gens qui viennent y construire des immeubles. «Nous allons démolir toutes ces constructions que nous jugeons anarchiques», a déclaré Abou Mbaye.
LE DECLASSEMENT RECLAME AU BENEFICE EXCLUSIF DES POPULATIONS LOCALES
Cependant, le président du mouvement «J’aime le Sénégal» et par ailleurs vice-président de la Commission domaniale de la Commune de Sahm Notaire, Moulaye Camara, est moins radical. Il estime que depuis plus de 45 ans, le littoral a été exploité par les différents régimes qui sont passés. «Des attributions ont été faites à des particuliers, à des promoteurs immobiliers mais surtout à des corporations : les enseignants, les militaires, les impôts et domaines et récemment les magistrats», explique-til. Et conformément aux recommandations du référendum de 2016, il rappelle que les ressources foncières doivent d’abord profiter aux populations locales.
Ainsi, souligne-t-il, les quatre Communes de Guédiawaye ont voté une disposition sur l’intercommunalité du foncier qui a été validée par les services techniques de l’urbanisme et du cadastre. Et cette disposition, ajoute-t-il, permet aux quatre Communes qui longent le littoral de Guédiawaye d’élaborer un plan d’aménagement concerté. «Ce plan permettra qu’on puisse, avec les services techniques, établir des projets d’utilité publique. Parce qu’aujourd’hui, le littoral est la seule réserve foncière pour abriter à Guédiawaye des équipements », a fait savoir Monsieur Camara. Cela étant, il soutient qu’il ne faut pas qu’il y ait d’autres attributions dans la zone afin que les populations puissent en bénéficier. «Aujourd’hui, on demande au président de la République de nous aider de manière urgente en prenant un décret de déclassement de toute la zone inoccupée pour le moment. Sinon, d’autres attributions se feront dans l’espace et à la limite, il n’y aura plus la possibilité d’avoir une réserve foncière capable de pouvoir abriter des équipements d’utilité publique», a indiqué le président du mouvement «J’aime le Sénégal».
ETENDUE DE LA RESERVE FONCIERE RESTANTE A GUEDIAWAYE
En outre, le vice-président de la Commission domaniale de la mairie de Sahm notaire informe que l’étendue de la réserve à Guédiawaye a été étudiée par les services techniques, en accord avec les élus.
Ainsi, dit-il, elle est répartie comme suit : Ndiarème Limamou Laye 15 hectares ; Sahm Notaire 12 hectares ; Golf 3 hectares, Wakhinane 8 hectares. « C’est ce qui nous a été donné comme information. Maintenant, nous nous sommes dit que notre localité mérite des infrastructures de loisirs et de développement, et qu’il ne faudrait plus que Guédiawaye soit une cité dortoir.Ilfaut que des infrastructures économiques soient établies. Nous allons nous battre pour que le Président Macky Sall comprenne cela et que le décret de déclassement soit établi le plus rapidement possible », laisse entendre Moulaye Camara.
A l’en croire, d’autres corporations ont les yeux rivés sur le littoral de Guédiawaye et si rien n’est fait, des attributions y seront faites au détriment des populations locales. « Nous demandons qu’on n’affecte plus le moindre mètre carré à qui que ce soit et qu’on procède au déclassement au profit des populations. Cela permettra également d’avoir une cartographie foncière claire et de chasser ceux qui ont des occupations illégales », a conclu Monsieur Camara.