Un jihadiste malien jugé par la Cour pénale internationale pour destruction de monuments

Un jihadiste malien jugé par la Cour pénale internationale pour destruction de monuments

La procureure de la Cour pénale internationale a accusé mardi un chef touareg, présumé lié à Al-Quaïda, de crimes de guerre, pour sa responsabilité dans les attaques en 2012 des bâtiments de Tombouctou, protégés par l’Unesco. C’est une première.

C’est le premier suspect poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) pour destructions d’édifices religieux et monuments historiques. La procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a accusé mardi 1er mars un jihadiste malien présumé lié à Al-Quaïda de crimes de guerre pour avoir dirigé et participé à la destruction de mausolées protégés par l’Unesco à Tombouctou en 2012.

« Nous devons agir face à la destruction et la mutilation de notre héritage commun », a affirmé Fatou Bensouda, à La Haye, lors de l’ouverture de l’audience dite de confirmation des charges, qui sert à déterminer si les preuves du procureur sont suffisantes pour mener à un procès.

Le suspect, le Touareg Ahmad Al Faqi Al Mahdi, est le premier jihadiste écroué par la CPI. Selon l’accusation, il a été l’un des chefs d’Ansar Dine, un groupe islamiste radical associé à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

Il est également le premier suspect arrêté dans l’enquête de la Cour sur les violences de 2012-2013 au Mali et le premier poursuivi par la CPI pour destructions d’édifices religieux et monuments historiques.

« Une attaque contre une population entière et contre son identité culturelle »

« La présente affaire concerne un crime international interdit par le Statut de Rome », le traité fondateur de la CPI, a-t-elle ajouté. Selon la procureure, les destructions des mausolées de Tombouctou ont constitué « une attaque contre une population entière et contre son identité culturelle ».

Al Faqi Al Mahdi, environ 40 ans, s’est rendu responsable de crimes de guerre en ayant détruit neuf mausolées et une des plus importantes mosquées de la ville, Sidi Yahia, entre le 30 juin et le 10 juillet 2012, affirme l’accusation.

>> À lire sur France 24 : « Ansar Dine détruit les mausolées de la grande mosquée de Tombouctou »

Fondée entre les XIe et le XIIe siècles par des tribus touareg et inscrite au patrimoine mondial de l’humanité, Tombouctou a été un grand centre intellectuel de l’islam, et une ancienne cité marchande prospère aux XIVe et XVe siècle. La « cité des 333 saints » a connu son apogée au XVe siècle.

La destruction en 2012 de quatorze mausolées de saints musulmans par le groupe jihadiste malien Ansar Dine au nom de la lutte contre « l’idolâtrie » avait dès lors provoqué l’indignation à travers le monde.

« La conscience collective de l’Humanité a été choquée par la destruction de ses sites », a affirmé la procureure, qui ajoutait « un tel crime ne peut rester impuni ».

« Prélude aux pires exactions »

« C’est la première fois que mon bureau retient un tel chef d’accusation portant sur la destruction de biens et de bâtiments religieux et culturels », a affirmé la procureure, invitant les juges à saisir cette chance de « lutter contre ce fléau qui est souvent le prélude aux pires exactions contre les populations ».

« Des attaques contre le patrimoine culturel sont constantes. Malheureusement, il n’y a que trop d’exemples récents, comme dans les cités d’Alep et de Palmyre, en Syrie », a-t-elle ajouté.

La CPI avait ouvert en 2013 une enquête sur les exactions commises au Mali par les groupes jihadistes liés à Al-Qaïda. Ils avaient pris le contrôle du nord du Mali en mars-avril 2012, après la déroute de l’armée face à une rébellion à dominante touareg.

Ces jihadistes ont été en grande partie chassés suite au lancement en janvier 2013, à l’initiative de la France, d’une intervention militaire internationale. Mais des zones entières du pays échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères.

L’Unesco a depuis restauré les 14 mausolées détruits à Tombouctou, qui se trouve à quelque 1 000 km au nord-est de la capitale Bamako.

Des ONG craignent toutefois que justice ne soit jamais rendue pour de nombreuses victimes des crimes commis en 2012 et 2013 au Mali, et appellent la CPI à élargir les charges contre Al Faqi pour inclure des viols et mariages forcés, notamment.

Avec AFP
 

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