C’est le paradoxe du système électoral américain. Si la tendance se confirme dans les chiffres définitifs, Donald Trump aura été élu président des Etats Unis en ayant récolté moins de votes qu’Hillary Clinton.
Mercredi soir, avant l’arrivée des derniers résultats du Michigan et du New Hampshire, la candidate démocrate avait récolté 206 590 suffrages de plus que son rival républicain. Une goutte d’eau à l’échelle des quelque 120 millions de bulletins glissés dans les urnes pour la présidentielle, mais qui lui permettait toutefois de s’enorgueillir d’avoir obtenu davantage de suffrages que son adversaire républicain.
Au suffrage direct, l’ancienne Première dame aurait donc été élue à la Maison Blanche (47,7% contre 47,5%). Mais aux Etats-Unis, ce sont les grands électeurs glanés Etat par Etat qui fournissent la victoire finale et à ce compte là, Donald Trump a écrasé la course : 290 contre 228 (à 1 heure du matin heure de Paris), alors que les résultats étaient attendus dans deux Etats. Pour accéder au Bureau ovale, il en fallait 270, soit la majorité des 538 en jeu.
Pour Robert Schapiro, professeur de sciences politiques à l’université Columbia de New York, de nombreuses voix devraient s’élever pour demander une réforme de ce système électoral abscons. «Il pourrait y avoir des revendications, mais elles vont finir par disparaître», prédit-il, soulignant qu’une refonte du collège électoral demanderait de modifier la sacro-sainte Constitution américaine, une tâche délicate.
«Cela questionne à quel point notre système est démocratique», reconnaît-il toutefois. Car avant cette victoire de Donald Trump, un autre républicain, George W. Bush, s’était imposé en 2000 face à Al Gore tout en échouant à remporter une majorité de votes: 48,4% pour le démocrate, 47,9% pour l’ex-président américain. Ce scénario pourrait même devenir la norme, estime Robert Schapiro.
Une réforme de la Constitution très improbable
Si la règle du «une personne=une voix» est un pilier de la démocratie, poursuit-il, le suffrage indirect modifie la donne. Dans chacun des 50 Etats ainsi que dans la capitale Washington, les votes se traduisent en grands électeurs, dont le nombre varie en fonction de la population. Emporter par exemple la Californie, Etat le plus peuplé, assure 55 grands électeurs au vainqueur, quand bien même la victoire se serait jouée dans un mouchoir de poche, selon la règle du «winner takes all» (littéralement, le vainqueur prend tout).
En l’état actuel des choses et sans passer par un changement de la Constitution, les Etats pourraient adopter à leur niveau des lois pour attribuer leurs grands électeurs au candidat ayant obtenu le plus de suffrages au niveau national, ou établir un système de répartition à la proportionnelle des résultats locaux. Mais ce genre d’initiative n’a pour l’instant pas donné de résultats probants.
Deux Etats appliquent déjà une forme de proportionnelle
Si quarante-huit Etats sur cinquante appliquent la règle du «winner takes all», deux ont opté pour un système introduisant une part de proportionnelle. Dans le Nebraska et dans le Maine, un grand électeur est attribué dans chaque district en fonction du vote populaire et deux autres reviennent au vainqueur sur l’ensemble de l’Etat.
Pour l’élection de mardi, le Nebraska a voté massivement pour Trump, qui y a récolté tous les grands électeurs. Mais le Maine, qui attribue quatre grands électeurs, en a donné trois à Hillary Clinton et un autre au candidat républicain. Il s’agit donc de la seule exception du scrutin 2016.
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