La Poste ploie sous le poids de la mauvaise gestion de son directeur général. Siré Dia administre cette société publique jadis florissante, comme un boutiquier qui, malgré les recettes en baisse de son commerce, épouse, tous les deux ans, une femme.
En dépit de la banqueroute patente de la boite établie par des rapports d’audit, Siré Dia demeure plus que jamais bien installé sur son fauteuil. Responsable de l’Apr, il fait partie des intouchables de la République.
A combien s’élève la dette que trimbale la société nationale La Poste ? Pour les travailleurs, qui ont fait face à la presse hier, jeudi, ce qu’elle doit au Trésor public avoisine les 150 milliards de francs Cfa (voir en Page 7). Pourtant, ces syndicalistes n’ont fait que chiffrer l’accumulation des soldes créditeurs que le Fonds monétaire international (Fmi) a notamment relevés avant de recommander la restructuration de la Sn Poste. Avec le Fmi qui recommande la privatisation d’une société nationale sénégalaise, c’est Abdou Diouf qui doit bien rigoler. Avec sa gestion, Siré Dia a réussi à ramener le Sénégal des décennies en arrière.
Pourtant, avant la mesquine alerte du Fmi, l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), dans son rapport 2014-2015, a plus qu’attiré l’attention des Sénégalais sur la scandaleuse gestion de Siré Dia.
Le document renseigne que «de faux bons de commande ont été confectionnés pour faire croire que des matières ont été normalement distribuées à des agences et services de Postefinances.
Le procédé a consisté à utiliser des bons de commande ayant déjà servi pour l’approvisionnement des services du Groupe Sn-La Poste pour changer la quantité des matières concernées par des actes de rajouts». Aucun directeur général ne survivrait face à de telles forfaitures mises à nu. A défaut de passer par un minuscule et chaud cachot, il perdrait et son poste et son honneur. Mais, cela est réservé aux pays qui se respectent où le Président accorde une once de crédit à ses engagements.
Loin d’avoir été sanctionné pour ses fautes de gestion, pour ne pas dire magouilles, Siré Dia a reçu une prime à l’irresponsabilité. Les investitures perçues au Sénégal comme une récompense, il a été adoubé par Macky Sall qui l’a investi, aux dernières législatives, tête de liste de la coalition Benno Bokk Yaakaar dans le département de Thiès. Siré Dia semble si bien imprégné de sa position d’intouchable qu’il s’est permis de signer par La Poste un communiqué de l’Apr.
Le directeur général de la Sn Poste n’est, hélas, pas le seul responsable de l’Apr à pouvoir se targuer d’un statut d’intouchable. Son camarade de parti, Cheikh Oumar Anne, qui a, lui également, écrit ses lettres de noblesse dans les registres de l’Ofnac, se positionne au-dessus de la Loi. Avec le directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), le rapport 2014-2015 de l’organe de contrôle n’a pas uniquement fait état de mauvaise gestion. Nafi Ngom Keïta et ses services ont parlé de «détournements», de «subventions sans bénéficiaire», de «menaces et intimidation sur les enquêteurs de l’Ofnac». Ceux qui, à la lecture de ce rapport accablant, ont prédit la guillotine pour les mis en cause, ont eu le temps de mesurer l’ampleur de leur désenchantement.
Comme Siré Dia, Cheikh Oumar Anne est passé entre les mailles du filet. Mieux, à l’instar de son camarade, il a été investi tête de liste départementale de Benno Bokk Yaakaar à Podor. Pendant que ces intouchables sont renforcés, avec à la prime une immunité parlementaire dont ils pourraient éventuellement se draper, Nafi Ngom Keïta qui les a inculpés rase les murs, peinant à trouver un autre poste de responsabilité.
Toutefois, si Siré Dia et Cheikh Oumar Anne ont laissé les enquêteurs fouiner leur gestion, le ministre Moustapha Diop, lui, n’a même pas donné cette occasion aux magistrats de la Cour des comptes. Alors ministre délégué auprès du ministre de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, chargé de la Microfinance et de l’Economie solidaire, le maire de Louga leur a donné un coup de pied là où cela fait mal quand ils ont voulu savoir comment le Fonds national de la promotion de l’entrepreneuriat féminin est géré.
Les traitants de «petits magistrats de rien du tout», Moustapha Diop s’est défoulé sur les vérificateurs. «Il a tenu d’autres propos que la morale républicaine et la bienséance nous empêchent de relever dans ce communiqué. Une telle attitude venant d’un ministre de la République est ahurissante et remet en cause les fondements sur lesquels est assis l’Etat de droit.
L’attitude de M. Diop témoigne d’une ignorance des fondements de la République et de ses règles de fonctionnement, ou d’une crainte immodérée du contrôle envisagé», avait réagi la Cour des comptes. Malgré ces complaintes et les appels au limogeage de l’Union des magistrats sénégalais (Ums), Moustapha Diop est passé de ministre-délégué à ministre tout court. Auparavant, il a été, comme ses autres camarades, bombardé tête de liste départementale de Benno à Louga lors des dernières législatives.
La même chose peut être dite pour Aly Ngouille Ndiaye qui a lui également été épinglé par l’Inspection générale d’Etat (Ige), qui l’a accusé d’avoir agi contre les intérêts du Sénégal concernant l’attribution des licences de pétrole à Pétro Tim.
Avec le régime de Macky Sall, il y en a ceux qui manquent de bol ou qui s’appellent Khalifa Sall qui prennent le chemin de la prison après la publication d’un rapport d’audit. Mais ce ne sont pas les intouchables de la République. Epinglés, que ce soit par la Cour des comptes ou l’Ige, loin d’être inquiétés, ceux-là sont toujours promus.
Mame Birame WATHIE