Barthélémy Dias a encore tiré fort en direction du « Macky ». Dans cet entretien accordé à Dakaractu, il descend en flammes les « députés-magistrats » de la commission ad hoc chargée de lever l’immunité parlementaire de Khalifa Sall. Barth’ accuse ces derniers d’être en service commandé pour endiguer la concurrence d’un rival gênant à la présidentielle de 2019, et avertit le chef de l’Etat, quant à l’effet boomerang, aux déflagrations vengeresses, des poursuites contre l’édile de la capitale.
Que vous inspire ce débat afférent à la levée de l’immunité parlementaire de Khalifa Sall, avec l’audition avortée de celui-ci par la commission ad hoc ?
« C’est la suite logique de la bêtise dans laquelle l’Exécutif s’est inscrit. Ce qu’il faut retenir est que l’Assemblée nationale a voulu pour la deuxième fois dans l’histoire politique du Sénégal se déplacer hors du Parlement pour un règlement de comptes. L’Assemblée est la représentation nationale. Aucun citoyen n’a un compte à régler avec le maire de Dakar. Des autorités politiques qui ont maille à partir avec les populations sénégalaises, parce qu’étant incapables de mettre sur la table un bilan objectif, qui puisse leur assurer un second mandat, ont décidé d’inscrire la République au panthéon de la bêtise et du ridicule pour pouvoir assouvir des ambitions partisanes, claniques et politiciennes. Khalifa Sall est un républicain. Khalifa Sall ne répondra pas à la commission ad hoc parce qu’elle est illégale dans son installation et dans sa composition. Je suis ancien député très familier avec la procédure de levée de l’immunité parlementaire. Qui malheureusement sous Macky Sall a battu des records. Macky Sall a inscrit son magistère dans le cadre du règlement des comptes. Tout ce qui sera fait sera illégal parce qu’en totale contradiction avec l’article 52 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Je souhaite interpeller l’Union des magistrats du Sénégal pour rappeler que l’article 112 du Code pénal interdit à tout magistrat, qu’il soit juge ou procureur, à toute autorité, policière, militaire ou judiciaire, de poursuivre un ministre ou un député, sans respecter l’immunité ainsi conférée. Cette immunité n’a pas été conférée par Macky Sall. Elle est conférée par les lois en vigueur dans ce pays. Qu’aucun sénégalais ne pense que cela passera par pertes et profits. Ils ont ridiculisé toute une nation. Il y aura une alternance un jour ou l’autre. J’invite le juge qui sera désigné pour juger Khalifa Sall à prendre cela en considération. Ce que le régime du président Macky Sall fait, qui tend à vouloir empoisonner la démocratie sénégalaise, ne passera pas par pertes et profits. Ce qu’ils ont fait à Khalifa Sall ils l’ont fait à toute une nation. Ils l’ont fait à l’intelligence de tous les Sénégalais. Ils ont ridiculisé toute une nation.
Dans un pays comme le Sénégal, quand ceux qui devaient être les régulateurs sociaux ne jouent pas pleinement leur rôle, qu’ils ne soient pas surpris par ce qui va se passer. Ceux qui ont fait ce qu’ils ont fait regretteront d’avoir été aux commandes de ce pays.
Voulez-vous dire que Khalifa Sall a été privé de ses droits les plus élémentaires ?
Cela est un constat. Il y a une jurisprudence qui est encore fraîche dans la mémoire de tous les Sénégalais. Moi-même, de toute l’Histoire politique du Sénégal, j’ai été la seule personne investie à la députation étant dans les liens de la détention. J’avais introduit auprès de Mahwa Sémou Diouf, qui était doyen des juges, deux demandes de liberté provisoire qui m’avaient été refusées sous le régime du président Macky Sall alors que j’appartenais à l’époque à la coalition présidentielle. Mais, du moment où j’avais été investi à la députation, parce que je n’étais pas condamné et que la liste sur laquelle j’avais été investi avait été acceptée et validée parle services compétents, j’ai introduit une demande de liberté provisoire en m’appuyant sur les droits que me confère le Code électoral qui disait qu’en tant que candidat j’avais le droit de battre campagne. C’est en vertu de ce droit que j’ai battu campagne pour devenir député du peuple. C’est le même Code électoral qui devait conférer à Khalifa Sall le même droit que j’avais de battre campagne pour être député. Malheureusement, Khalifa Sall a été empêché de battre campagne et c’est la première violation.
La deuxième violation : moi-même une fois député, quand malheureusement cette relation de confiance et d’espoir s’est rompue entre ma modeste personne et la coalition Benno Bokk Yakaar dirigée par le président Macky Sall, ils ont essayé de vouloir m’humilier en me présentant à un juge pour la première fois. Je rappelle à tous les magistrats aujourd’hui en fonction que le juge avait refusé à l’époque de m’entendre parce qu’il considérait que je bénéficiais de l’immunité parlementaire qui devait être levée avant tout jugement. Je suis détenteur de la même carte nationale d’identité que Khalifa Sall. Nous sommes tous les deux des citoyens sénégalais. Le Sénégal n’appartient pas au président Macky Sall. Le Sénégal n’appartient pas à tous ces idiots satisfaits qui se considèrent comme des magistrats et qui sont incapables de respecter les lois en vigueur dans ce pays. Je le répète : Khalifa Sall ne répondra à aucune question dans un quelconque procès. S’il le fait, c’est lui-même qui serait en violation de l’article 52 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui est une loi organique et comme son nom l’indique cette loi organise le fonctionnement de l’institution parlementaire. Vous comprendrez aisément qu’on ne peut rien attendre de cette Assemblée nationale, qui est présidée par un homme qui a fini de montrer à tout le peuple qu’il constitue une insulte à l’intelligence des Sénégalais, est une honte pour la démocratie. Moustapha Niasse, en fin de carrière, aurait dû avoir une autre posture que cette posture minable qui est la sienne.
En vertu de quoi Khalifa Sall ne doit pas répondre à la convocation de la commission ad hoc ?
Je le répète : Khalifa Sall ne répondra à aucune question dans un quelconque procès. L’article 52, que je maîtrise bien, stipule que le député doit se présenter librement à l’audition. Moi-même j’ai eu à vivre cette expérience. Je vous invite à revisiter les archives. Khalifa Sall n’a pas de complexe à aller en procès. Dans un procès dans lequel tout ce qui est visé, dans le cadre la bêtise d’Etat du mensonge d’Etat, du ridicule, est de liquider un homme pour l’empêcher d’être candidat à la présidentielle de 2019… Quand de 1960 à nos jours, un président se permet, dans une élection nationale, de choisir ceux qui vont voter et ceux qui ne vont pas voter… Je ne donne pas mon opinion personnelle. Tout le monde peut constater que moins de 50 % des inscrits dans le département de Dakar ont voté lors des dernières élections législatives. Alors, ce monsieur Macky Sall choisit pour les législatives les Sénégalais et les Sénégalaises qui doivent voter. Et comme le ridicule ne le dérange pas, comme la bêtise d’Etat ne le dérange pas, il décide que pour la présidentielle il va choisir les candidats. Je le dis droit dans les yeux : il est en train de construire sa propre tombe. Je ne dis pas de la creuser. Il est en train de la construire. Il doit comprendre qu’avant d’être chef d‘Etat, il est père de famille. Comme il ne comprend pas ce qu’on est en train de lui expliquer, il ne dira pas qu’on ne l’a pas averti. Je ne menace pas le chef de l’Etat. Je le mets devant ses responsabilités. Ce qu’il est en train de faire ne passera pas après son départ.
Quelle est la prochaine étape de votre combat ? Etes-vous dos au mur ?
Nous ne sommes pas dos au mur. Nous refusons de nous inscrire dans le complot d’Etat. Nous refusons de nous inscrire dans le mensonge d’Etat. Nous nous posons, en républicains, la question suivante : Khalifa Sall est député oui ou non ? Nous ne sommes pas en Inde. Nous vivons dans la République du Sénégal. Il y a une Constitution et des textes en vigueur, qui sont beaucoup plus anciens que la personne du président Macky Sall. Le président Macky Sall doit comprendre qu’il a le droit de vouloir briguer un second mandat. Il a le droit de comploter. Mais il n’a pas le droit de manipuler les institutions de la République. Tout magistrat qui va juger Khalifa Sall en violation de l’article 112 du Code pénal le regrettera. Moi, je ne suis pressé, j’ai 42 ans. Ce pays va changer. On ne peut pas accepter de vivre dans un pays qui nous a vus naître et grandir et qu’il y ait une certaine catégorie de citoyens qui se permettent de faire ce qu’ils veulent et une catégorie de citoyens qui doivent être piétinés. Les magistrats sont devant leurs responsabilités. Nous avons de l’espoir. Moi-même, je suis bien placé pour avoir pratiqué cette magistrature. Ce qu’ils ont voulu faire avec l’attaque de la mairie de Mermoz-Sacré-Cœur je pense que certains magistrats ont redoré le blason de la magistrature. Je crois qu’il y a des magistrats au sein de ce corps qui sont convaincus que ce qui est train de se faire dans ce pays ne peut aucunement honorer leurs modestes personnes, honorer leurs familles, honorer le pays qui les a vu naître et grandir. Si on refuse de respecter ses droits, Khalifa Sall n’est ni disposé, ni disponible à respecter les autorités de ce pays quel que soit le niveau de responsabilité où elles se trouvent. Khalifa Sall est un homme républicain. Il connait ses droits et les textes en vigueur dans ce pays pour avoir été un homme d’Etat. Il demeure et restera un homme d’Etat.