L’Histoire contemporaine se résume aux duels épiques Lamine Guèye-Senghor et Abdou Diouf-Abdoulaye Wade. Depuis 2 000, on n’a pas assisté à une bipolarisation de la vie politique. En invitant Macky à un débat, Idy, dans l’hypothèse où Karim et Khalifa peuvent être écartés de la prochaine présidentielle, se pose en alter ego du chef de l’Etat. Conscient des desseins secrets de son adversaire, le patron de l’Apr envoie ses lieutenants au front pour mener le combat par procuration. De son côté, l’ex-maire de Thiès, loin d’être un ballon fourré qui ne rebondira plus, multiplie les assauts depuis 2013 pour l’avoir à l’usure.
Porteur, comme on le suppose, d’un message personnel de son mentor, Dethie Fall invite le président de la République à croiser le fer avec Idrissa Seck. Le défi est à titre symbolique : même dans les plus grandes démocraties occidentales le chef de l’Etat n’affronte son principal adversaire qu’en temps de campagne électorale, notamment à l’entre-deux-tours. En 2000, Wade avait invité son rival à un débat télévisé à la veille du 19 mars. Abdou Diouf avait décliné l’offre alors que leader du Pds, comme cherchant une querelle d’Allemand, l’avait attendu pendant plusieurs minutes devant les grilles de la Rts.
Pour le cas présent, le moment choisi par l’ex-Premier ministre pour déclarer la guerre est idéal. L’horizon est sombre pour Khalifa Sall et Karim Wade, ses deux potentiels concurrents, au sein de l’opposition, en direction de la présidentielle de 2019.
Idy, haranguant les foules sur le réchauffement du front social, comme le pape du Sopi, en son temps, alimentait son prisme déformant des contrecoups néfastes des Plans d’ajustement structurel, frappe en plein cœur de sa cible alors que Macky Sall est presque sûr de matérialiser son souhait « de réduire l’opposition à sa plus simple expression ». Ce projet politique machiavélique a rappelé les heures sombres de la vie politique sénégalaise, caractéristiques de la période du « Parti unique de fait » allant, a que et ad num, de 1966 à 1976 (révision constitutionnelle, à travers la loi n° 76-26 du 6 avril 1976 portant multipartisme limité). C’est à partir des élections de 1978 qu’on assiste à une nouvelle bipolarisation de la vie politique, après celle de 1948 à 1957, entre le Parti socialiste et le Parti démocratique sénégalais. En dissolvant le parti de Cheikh Anta Diop, brisant l’élan du Pai (confiné dans la clandestinité) et enrôlant le Pra-Sénégal par le mécanisme de la fusion-absorption, Senghor ne se doutait pas qu’un certain Abdoulaye Wade allait mettre fin au monolithisme d’Etat et s’imposer, pendant vingt-deux ans, comme le principal adversaire du Ps au point de déraciner le baobab au terme d’une guerre d’usure.
Macky Sall, depuis avril 2013, évite soigneusement de répondre à Idrissa Seck. Il préfère déléguer cette tâche à ses Premiers ministres (d’Abdoul Mbaye à Dionne) et à ses ministres, notamment à Mame Mbaye Niang, auteur des phrases assassines contre Ndamal Kajoor. Des piques qui n’ont pas encore eu raison de l’endurance de Idy, qui préfère avoir affaire à Dieu plutôt qu’à ses saints.
Seck, quoiqu’encore victime des séquelles de son double-jeu entre 2006 et 2010, réussira à redorer son blason s’il parvient, comme Wade à la tête de CA 2 000, face à Diouf, à s’imposer en messie pour avoir le maximum de leaders d’opposition à ses côtés. Il lui faut, auparavant, en plus de convaincre l’opinion par un discours accrocheur, endiguer toute concurrence devant venir des seconds couteaux dont regorgent le Pds et la frange du Ps favorable à Khalifa Sall. Un travail de Titan !