Rendez-vous compte : lorsqu’ils ont débuté leur carrière, Twitter n’existait pas. Pas besoin d’en dire plus : les finalistes hommes et femmes de l’Open d’Australie 2017 sont des vieux. Des ancêtres, des vieilles choses, des quasi retraités. Et leur présence au dernier jour était assurément la grosse cote d’avant-tournoi. Un exemple ? Le 16 janvier, Venus Williams, l’aînée des «sista» n’était que 26e chez les bookmakers sur la liste des joueuses susceptibles de gagner le titre. Les communicants, eux aussi, avaient préféré mettre le paquet, bien épaulés par les instances dirigeantes du tennis et les agents de joueurs, sur les chefs de file de la nouvelle génération. Lesquels n’ont donc pas su profiter des sorties prématurées de Novak Djokovic et Andy Murray chez les hommes, ou de celles d’Angelique Kerber et Garbiñe Muguruza chez les femmes. Ils et elles ont donc été renvoyés aux vestiaires par des ancêtres ! Et quels ancêtres. Venus et Serena Williams : d’un côté 36 ans et 7 titres du Grand Chelem, de l’autre 35 ans et 22 titres du Grand Chelem. Roger Federer et Rafael Nadal : 36 ans et 17 majeurs, contre 30 et 14 Grands Chelems. Comme par hasard, l’année où la surface a été accélérée, privilégiant ainsi un jeu vintage (même Nadal prend le filet dès qu’il le peut), les quatre finalistes ont donc tous plus de 30 ans. Une première dans l’ère open. Oldies but goodies : un parfum de nostalgie flotte incontestablement sur le tournoi.
Serena contre Venus : un retour à l’enfance
Les Williams en finale ? Fut un temps où le public trouvait cela banal. Ce qui en soit est totalement dingue, mais passons… Ce samedi, Serena et Venus s’affronteront pour la 28e fois. Mais comme deux soeurs d’un an d’écart qui ont débuté le tennis ensemble, elles se connaissent par cœur. Sauf que 2017 est plus près de la fin que du début pour elles et que le dernier de leurs huit duels en finale d’un Grand Chelem remontait à Wimbledon 2009 ! L’une –la cadette Serena- va se battre pour obtenir un 23e titre majeur, qui la placerait désormais à une longueur devant Steffi Graf, et plus qu’une seule derrière Margaret Court, la recordwoman absolue. Ainsi que pour récupérer la place de n°1 mondiale. L’autre -l’aînée Venus- va, elle, tenter d’ajouter un huitième trophée majeur à son palmarès, un premier à Melbourne, là où sa «petite sœur» en a déjà glané six. Pas tout à fait un match comme un autre, donc. « Elles vont essayer toutes les deux de pratiquer leur meilleur tennis, prédit Marion Bartoli, et à ce jeu-là, je pense que Serena est meilleure. Mais après, ça va se jouer sur l’émotion. Ce sera à celle qui sera capable de ne pas être submergée par le fait de jouer sa sœur. » Une possibilité qui n’effleure en revanche pas Patrick Mouratoglou, le coach de Serena, qui lui les voit plutôt continuer tout simplement leur histoire familiale sur le terrain. «Elles s’adorent, mais les deux vont rentrer sur le court et là, ça va être la guerre ! Deux sœurs très compétitrices qui jouent au Monopoly à 12 ans, il y en a une qui perd : elle fait une crise de nerfs et elle a envie de tuer sa sœur. Là, c’est pareil !»
Roger contre Rafa : un retour aux sources
Mais ils sont où les médisants ? Ceux qui, souvenez-vous, au plus haut de la rivalité Federer-Nadal grognaient que c’était barbant à la fin, que marre de voir toujours les mêmes et que vivement la relève. Soit ils n’ont pas vu une image de l’Open d’Australie, soit ils ont la mémoire courte. Mais tant mieux, c’est de bonne guerre, peut-être leur fallait-il quelques finales un peu plus « banales » et une période de tennis moins champagne pour enfin reconnaître à sa juste valeur la qualité du spectacle proposé par tous les Rodge-Rafa de la terre. Il y a eu 34 jusque-là. Le dernier en finale d’un Grand chelem datait de Roland-Garros 2011. Ce qui ne nous rajeunit pas, et eux non plus. Les intéressés en sont parfaitement conscients, eux qui, en octobre dernier, lorsque Roger Federer est venu à Majorque pour l’inauguration de l’académie de Rafael Nadal, avaient papoté «comme deux papys» pour reprendre les termes du Bâlois, de leurs blessures respectives – le genou pour le Suisse, le poignet pour l’Espagnol- s’interrogeant sérieusement tous les deux sur la suite (ou la fin) à donner à leur carrière… «Ni lui ni moi n’oublierons ce moment, a expliqué Rafael Nadal. Je pense qu’aucun de nous n’aurait alors jamais pu imaginer qu’on aurait une nouvelle chance de se retrouver en finale, surtout dans le premier tournoi du Grand Chelem de l’année. Mais on a énormément travaillé tous les deux.»
«Je me souviens, a détaillé Roger Federer, que je lui avais demandé : « Alors, comment ça se passe? » Il m’avait dit : »Je vais me retirer du tournoi de Bâle et je pense que je vais arrêter la saison. » Je lui ai répondu : « Ça va mieux mais je suis encore très, très loin aussi ; j’ai encore trois mois devant moi, alors on verra la suite. » Et voilà, on se retrouve en finale ici ! C’est quand même assez incroyable.» Incroyable, le mot est faible.