Surnommé le « Hitler birman » découvrez l’homme qui se cache derrière le massacre des musulmans en Birmanie

Considéré comme le « Hitler birman », le moine bouddhiste Ashin Wirathu est au cœur du dernier film de Barbet Schroeder.

A peine interdit en Birmanie, son mouvement perdure désormais sous un autre nom qui lui permet de perpétuer ses violences islamophobes.
On le surnomme le « Hitler birman » et il incarnerait même « le visage de la terreur bouddhiste », selon la une du Time en 2013. Derrière ces qualificatifs glaçants se cache Ashin Wirathu, le moine nationaliste islamophobe, qui a commandité l’extermination de plusieurs centaines de musulmans en Birmanie. C’est lui qui est au centre du Vénérable W, le documentaire choc de Barbet Schroder, présenté au dernier festival de Cannes.

Alors que l’homme est extrêmement décrié en Asie, il fait à nouveau l’objet de l’attention des occidentaux grâce aux images du réalisateur suisse. Ashin Wirathu est une personnalité qui fascine tant elle incarne derrière un sourire parfois jovial, les dérives humaines les plus intolérables. Avec son mouvement, le Ma Ba Tha, il déverse depuis des années toute sa haine envers une minorité du pays : les musulmans, qui ne sont que 4% en Birmanie. A tel point que grâce à ces campagnes de diffamation, les affrontements entre bouddhistes et musulmans ont fait des centaines de morts, près de 140 000 personnes ont dû fuir leurs villages et des incendies ont ravagé leurs maisons et les mosquées.

Mettant à sa une une photo (voir plus bas) de Ashin Wirathu, chef extrémiste de l’ethnie bouddhiste rakhine, le prestigieux magazine américain Time désignait au début du mois « le visage de la terreur », évoquant « l’Hitler de Birmanie ». Mercredi 17 juillet à l’Élysée, François Hollande et le président birman Thein Sein ont eu l’occasion d’évoquer celui qui s’est auto-proclamé « Ben Laden bouddhiste ».

L’ancien premier ministre, devenu chef de l’Etat en 2011 après la dissolution de la Junte, était reçu en France pour la première fois.

Il a amorcé dans son pays un processus de transition vers la démocratie, s’engageant notamment à faire libérer tous les « prisonniers d’opinion ». Une volonté dont l’exemple le plus probant est la libération en 2010, puis l’élection au Parlement en 2012, de l’opposante Aung San Suu Kyi. Des changements qui ont permis la levée de presque toutes les sanctions imposées par les pays occidentaux.

« L’idée est d’inviter la Birmanie à poursuivre la transition et à la consolider », résume-t-on à l’Elysée alors que plusieurs associations de défense des droits de l’homme ont appelé François Hollande à « ne pas passer sous silence la situation des droits humains » en Birmanie. « Le retour du comité international de la Croix-Rouge dans les prisons birmanes constitue un signe positif » mais la France est « préoccupée par la persistance des violences contre la minorité musulmane des Rohingyas dans la région Kashin », a précisé l’entourage du chef de l’État.

Outre les combats qui opposent depuis plusieurs années l’armée birmane aux rebelles de la minorité kachin dans le nord du pays, un autre front inquiète la communauté internationale, celui ouvert par des bouddhistes extrémistes de l’ethnie rakhine. Avec la dissolution de la junte, les tensions religieuses étouffées pendant des décennies sont ressorties au grand jour, révélant une islamophobie latente.

Pour comprendre ce qui se joue en Birmanie, il faut rappeller que plus de 130 sous-groupes issus d’une dizaine d’ethnies se côtoient dans le pays d’Asie du Sud-Est. Les 55 millions de Birmans sont très majoritairement bouddhistes et seulement 4% d’entre eux seraient musulmans. Un chiffre officiel toutefois largement sous-estimé.

Prônant sans détours une véritable apartheid entre bouddhistes et musulmans, le moine Ashin Wirathu, 46 ans, est la figure emblématique du mouvement islamophobe qui agite le pays depuis plusieurs mois.

Leader « moral » du mouvement 969 (une combinaison numérologique des principaux enseignements bouddhiques), note le JDD), il mène la persécution engagée contre les Rohingyas, une ethnie d’environ 800.000 âmes installée dans l’Etat de l’Arakan (aussi appelé Rakhine), à l’ouest du pays.

Les Rohingyas, « les Roms de l’Extrême-Orient »
« Physiquement semblables aux Bangladais, s’exprimant dans un langage proche du bengali parlé dans le sud du Bangladesh, les Rohingyas auraient des origines diverses, indique le correspondant du Monde, sans doute descendants des Arabes, Mongols, Turcs, Maures ou autres Perses débarqués en Asie du Sud-Est.

Ils sont surtout regroupés dans des zones près de la frontière du Bangladesh. Beaucoup survivent dans la misère absolue, note encore Bruno Philip. Personne ne veut des Rohingya. Ce sont les Roms de l’Extrême-Orient.

En 1982, une loi les a rendus officiellement apatrides. Les Rohingya, (partisans d’un islam modéré, ndlr), ne sont pas reconnus comme minorité ethnique. Ils rencontrent des difficultés pour se marier, pour envoyer leurs enfants à l’école, ne peuvent aller à l’université, (et sont soumis à un contrôle des naissances, ndlr). Ils sont les cibles premières des exactions de l’appareil d’Etat durant l’ancienne junte: extorsions, confiscation des terres, travail forcé. »

« La minorité la plus persécutée du monde », selon les Nations-Unies. « Le prochain Rwanda », selon plusieurs ONG.

L’organisation internationale cybermilitante AVAAZ a estimé en début de semaine que la Birmanie présente des « facteurs avant-coureurs » d’un possible génocide.

Pourquoi tant de haine ?

Accusés de tous les maux de la Birmanie, qualifiés au mieux « d’immigrés illégaux », au pire de « chiens » et de « sous-hommes », les Rohingyas sont considérés par les moines Rakhines comme une menace pour l’identité birmane, la pureté raciale et la morale bouddhiste. Évoquant dans chacune de ses interventions des faits-divers atroces dont il impute la responsabilité aux musulmans birmans, Ashin Wirathu estime qu’ils « sont à l’origine des troubles qui déchirent le pays ». « L’islam est une religion de voleurs. Ils ne veulent pas la paix », explique-t-il encore.

En réalité, le mouvement ne prêche nullement les enseignements du Bouddha, note un journaliste du Asia Sentinel. « Dans tout le pays, on trouve des comités locaux du mouvement qui organisent des évènements, des sermons religieux et distribuent des CD, des livres et des tracts anti-musulmans », note-il encore. Les moines extrémistes, résume-t-il « dépeignent les musulmans comme des hommes haineux et dangereux qui épousent des femmes bouddhistes sans leur consentement et se sont donné pour mission d’étendre leur domination économique, politique et culturelle sur le monde. »

Un ultranationalisme que ne parvient pas à endiguer l’État birman. Mais essaie-t-il seulement? Si Thein Sein a promis une « tolérance zéro » pour ceux qui « alimentent ces haines ethniques », de nombreuses organisations s’inquiètent de l’action ambivalente des autorités. Human Rights Watch considère notamment que l’armée laisse faire, voire encourage les exactions. Après les violences survenues en 2012, le président birman avait ainsi estimé que la seule solution serait de les expulser vers « n’importe quel pays tiers qui les accepterait » ou de les regrouper dans des camps de réfugiés.

Même l’îcone Aung San Suu Kyi, qualifiée de « traître à la nation » par Ashin Wirathu pour avoir tenté d’apaiser les esprits, n’est guère en verve sur ce sujet, coincées par les échéances électorales de 2015 au cours desquelles les bouddhistes feront la décision.

Ces violences pourraient être la conséquence indirecte de la poussée démocratique que connaît le pays, indique aussi David Camroux, chercheur à Sciences po (CERI) et spécialiste de l’Asie du Sud-Est, interrogé par L’Express, selon qui certains font valoir que l’armée, lorsqu’elle contrôlait plus étroitement la population était mieux en mesure d’éviter les confrontations ethniques. Un sentiment que la démocratie ouvre la voie à tous les possibles, et même aux génocides.

Bien impliqués sur les réseaux sociaux, profitant d’une bonne dose de désinformation et du profond respect de la population birmane pour les moines bouddhistes, les membres de l’ethnie Rakhine sont parvenus à s’attirer un véritable soutien populaire. Et c’est là le plus inquiétant.

Source : Ladepeche

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