Le tout nouveau ministre des Affaires étrangères, M. Sidiki Kaba a pris son bâton de pèlerin pour une tournée dans la sous-région, avant de se rendre à New York où le Sénégal défendait sa candidature au Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies. Le périple ouest-africain du chef de la diplomatie sénégalaise s’est déroulé du 09 au 12 octobre 2017. M. Kaba s’est ainsi rendu tour à tour, en Gambie, au Mali, en Guinée-Bissau, en Guinée-Conakry, au Cap-Vert et en République islamique de Mauritanie. M. Kaba aurait été reçu en audience par l’ensemble des chefs d’Etat des pays visités. Le 16 octobre 2017, le ministre des Affaires étrangères s’est rendu à New-York pour assister à l’élection du Sénégal, le mardi 17 octobre, avec 188 voix sur les 193 que compte l’Assemblée générale de l’Onu, comme membre du Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies. Le 13 octobre, le Président de la République Macky Sall recevait à l’aéroport international Léopold Sedar Senghor, son homologue du Burkina Faso, M. Roch Marc Christian Kaboré pour une visite d’amitié et de travail de 3 jours. Des accords de coopération ont été signés entre le Sénégal et le pays des hommes intègres. Pendant que le président burkinabé visitait les grands projets de Macky et/ou de Me Wade, le Président togolais M. Faure Gnassingbé débarquait, lui aussi, à Dakar où il fut accueilli par le Chef de l’Etat, M. Macky Sall. Une telle effervescence diplomatique pourrait induire en erreur certains analystes politiques qui y verraient un succès diplomatique du Sénégal.
En vérité, la visite du ministre Kaba dans les pays de la sous-région avait principalement deux objectifs: porter des messages d’invitation aux chefs d’Etat des pays visités en vue de leur participation à l’inauguration de l’aéroport international Blaise Diagne, prévue le 7 décembre 2017, ainsi qu’à la 4 ème édition du Forum international sur la Paix et la Sécurité en Afrique, qui se tiendra à Dakar, les 13 et 14 novembre prochain. L’on sait que les deux précédentes éditions ont connu des échecs patents, à cause notamment de l’absence de plusieurs chefs d’Etat africains, pourtant annoncés quelques semaines auparavant.
Il est vrai que la mise à l’écart- non diplomatique- de M. Cheikh Tidiane Gadio, ancien ministre des Affaires étrangères, qui en serait pourtant le concepteur et l’initiateur, aurait été l’un des facteurs principaux de ces échecs répétés. La France, marraine du Forum, n’aurait pas bien apprécié l’organisation en solo de ces deux éditions (2 ème et 3 ème). D’où, le Sénégal a tout intérêt à mettre les bouchées doubles pour assurer une présence remarquée des chefs d’Etat voisins. A défaut, d’une forte délégation de haut niveau, le président Sall a préféré faire porter ces messages par son ministre des Affaires étrangères. Mais, la problématique des relations de bon voisinage avec les pays limitrophes, reste entière. La preuve, deux jours après le passage de M. Sidiki Kaba à Nouakchott, les gardes-côtes mauritaniens ont encore fait parler les armes, face aux pêcheurs Guet-Ndariens. Pour dire que, l’objet du périple de M. Kaba n’était pas de traiter des questions de fond, domaine réservé aux chefs d’Etat, mais plutôt de transmettre des messages.
Pour ce qui est de la visite du Président Roch Marc Christian Kaboré, il serait utile de rappeler qu’il y a eu un coup de froid entre Dakar et Ouagadougou, depuis la fameuse médiation ratée des Présidents Yayi Bony (ancien président du Bénin) et Macky Sall. Mandatés par la Cedeao pour trouver une solution pacifique à la crise du Burkina d’alors, les deux présidents n’avaient trouvé mieux que de suggérer un plan d’amnistie en faveur des putschistes ( Général Diéndéré et sa clique) et la participation à la présidentielle de Novembre 2015 des proches du président déchu, Blaise Compaoré. Les Burkinabés avaient catégoriquement refusé une telle hypothèse en soupçonnant que l’amitié qui liait manifestement les Présidents Yayi Boni, Macky Sall et l’ancien régime de Blaise aurait largement contribué à faire pencher la balance du côté des putschistes. La Cedeao venait, par là, de recevoir une gifle en pleine figure. C’est dans ce climat tendu, qu’il y a eu l’élection de Roch Marc Christian Kaboré à la tête de l’Etat du Burkina Faso, le 25 décembre 2015.
Cette visite d’amitié au Sénégal procède d’une offensive diplomatique initiée par Roch Marc Kaboré en vue de dépassionner les querelles du passé.
Quant au Président togolais, Faure Gnassingbé, dont le pays traverse une zone de turbulences, marquée par une violence d’Etat inouïe et une série de violations permanentes des droits de l’homme, il serait délégué par l’Etat d’Israël pour échanger avec ses pairs sur le report inévitable, du fameux sommet afro-israélien, prévu en fin octobre 2017 à Lomé(Togo) et auquel devaient participer plusieurs chefs d’Etat de la Cedeao, dont Faure assure la présidence en exercice.
S’agissant de l’élection du Sénégal au Conseil des droits de l’homme de l’Onu dont le siège se trouve à Genève(Suisse), il importe de souligner que le groupe Afrique dispose de 4 sièges au Conseil où sont élus pour un mandat de 3 ans : Le Sénégal(188 voix/193), l’Angola (187 voix /193), le Nigéria 185 voix/193) et la République démocratique du Congo(151 voix/193). Il faut dire que l’élection de la RDC, qui a été condamné plusieurs fois par le Conseil pour avoir violé les droits de l’homme a été vivement critiquée par Mme Nikki Haley, ambassadrice des Etats-Unis auprès de l’Onu.
En se faisant élire au Conseil des droits de l’homme, le Sénégal serait obligé de reconnaître et de protéger les droits des LGBT (lesbiennes, gays(homosexuels), bisexuels et transgenres. C’est peut-être, par anticipation qu’il a été créé avec le dernier remaniement ministériel, appelé Dione II : un Ministère de la Famille, de la Femme et du Genre, confié à la femme de l’ex- DG de la Senelec et actuel DG de la SUNEOR, Mme Ndèye Saly Diop Dieng. Sur la définition du Genre, un groupe de spécialistes réunis en Indonésie ont retenu ce qui suit : «L’identité de genre est comprise comme faisant référence à l’expérience intime et personnelle de son genre profondément vécue par chacun, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance, y compris la conscience personnelle du corps (qui peut impliquer, si consentie librement, une modification de l’apparence ou des fonctions corporelles par des moyens médicaux, chirurgicaux ou autres) et d’autres expressions du genre, y compris l’habillement, le discours et les manières de se conduire ».
Selon eux, le Genre tient moins compte du sexe biologique que du sexe que l’on se donne soi-même. Cela nous ramène au débat houleux d’avant et pendant le référendum du 20 mars 2016 et la réponse laconique du chef de l’Etat, M. Macky Sall à l’ancien président américain M. Barak Obama qui demandait alors la dépénalisation de l’homosexualité, vue comme une violation des droits de l’homme: « Le Sénégal est un pays tolérant : on ne dit pas à quelqu’un qu’il n’aura pas de travail parce qu’il est homosexuel. Mais on n’est pas prêt à dépénaliser l’homosexualité. C’est l’option pour le moment, tout en respectant les droits des homosexuels. Nous ne sommes pas homophobes au Sénégal. La société doit prendre le temps de traiter ces questions sans pression ».
A bien analyser ce texte, il ressort que le Président opte pour une évolution progressive : « …On n’est pas prêt…C’est l’option pour le moment…La société doit prendre le temps de traiter ces questions sans pression… ».
Pour dire que le débat posé lors du référendum était loin d’être un faut débat, mais une anticipation à ce que certains verraient comme une dérive sociétale.
Toutes ces flexions diplomatiques, prouvent, s’il en était besoin, que notre diplomatie n’est pas encore sortie de l’auberge.
Nous espérons cependant, que le nouveau ministre des Affaires étrangères M. Sidiki Kaba, qui dispose indéniablement, d’un background lui permettant d’apporter un nouveau souffle à notre diplomatie, jouisse de suffisamment de libertés d’action pour redresser la barre avant qu’il ne soit trop tard.
*Ancien Ministre chargé de la Communication,
Porte-parole de la Présidence de la République,
chargé des Affaires religieuses.
Membre du Grand Parti