A mesure que la présidentielle de 2019 s’approche, la tension monte dans les états-majors politiques. Les partis dont les leaders se présenteront à la prochaine échéance électorale affûtent leurs armes et affinent leur stratégie de communication. Chaque mot, chaque image comptent et pèsent dans la stratégie de conservation ou de conquête du pouvoir.
Aujourd’hui le groupe GFM de Youssou Ndour, leader dans le landerneau médiatique, est devenu une tribune incontournable pour tout leader qui veut atteindre les populations par la magie du verbe. La mouvance présidentielle a été bien servie avec cette interview du président de la République accordée à RFM matin du 23 mars 2018. Le seul hic est que cet exercice est une interview clé en main.
Mais « live », en direct, sans relance, sans interruption, sans langue de bois, ni thèmes imposés par l’animateur de l’émission. Le président de la République s’est prononcé principalement sur le rapt des enfants, les meurtres des Sénégalais de la diaspora, son bilan. Oui surtout son bilan positif que le journaliste hargneux et coriace de RFM-Matin, Babacar Fall, n’a osé un tantinet remettre en cause. Oui le protocole de El Hadji Kassé, qui oriente les questions et minute les interviews du président Sall est passé par là. D’ailleurs, Babacar Fall en course contre la montre ne s’est pas empêché de déclarer « Monsieur le Président, allons-y vite ! Vos gars (sic) me pressent ». L’absence de liberté et d’initiative du journaliste-interviewer ont affadi ce petit-déjeuner médiatique servi depuis Kigali, la capitale rwandaise.
On pensait que le Premier ministre Boun Abdallah Dionne, invité deux jours après la prestation du Président Sall au Grand Jury de Mamadou Ibra Kane, allait donner du piquant à la communication de la mouvance présidentielle. Mais que nenni ! A la place d’une offensive de communication bien structurée qui met en exergue les réalisations d’une politique qu’il a lui-même conduite en tant que PM, on a eu droit pour la plupart à des réponses vaseuses, aux dithyrambes d’un subordonné à l’endroit de son patron, à des philippiques contre l’opposition. Le PM n’a pas imprimé sa marque.
Son souci obsessionnel et tenace de réaffirmer systématiquement sa loyauté ostensiblement au Président et de le survaloriser a fini de le présenter comme un primum inter pares et non comme un Premier ministre, chef d’un gouvernement, et maître d’œuvre de la politique présidentielle. Les formules itératives sur fond d’obséquiosité « le Président nous a instruits » a fini par brouiller la quintessence du message de Dionne. Pour le PM, le Président Sall est un épicentre. Morceaux choisis de ce florilège de louanges : « tout part et tout converge vers le Président. Le Président est la clé de voûte de l’État… J’ai lu la Constitution et j’ai eu comme modèle le Premier ministre, Macky Sall. Il y a des présidents qui font avaler des couleuvres, ce n’est pas le cas du Président Macky Sall. Il nous inspire, il respecte le peuple ». Abdoulaye Mbaye Pekh et Khadim Samb, les griots autoproclamés du Président doivent frémir devant ce flot de déférences !
Si le Président et son PM n’ont pas été attirants dans leur communication, il n’en est pas pour Idrissa Seck qui, lui aussi, à la même tribune offerte par GFM, s’est exprimé avec la virulence habituelle sur le bilan du Président Sall. Maniant la langue de Molière aisément, assaisonnant ses réponses de versets coraniques et d’expression techniques de la langue de Shakespeare, Idy a montré et démontré qu’il sait communiquer, et qu’il maitrise les codes communicationnels. Le hic de l’entretien accordé à celui qui s’est imposé comme le challenger du président Macky Sall est l’absence effarante des ténors de la RFM.
Où sont passés les Alassane Samba Diop, Mamadou Ibra Kane, Babacar Fall, Assane Guèye connus pour leur pugnacité et leur hargne dans un tel exercice de communication ? Devant des interviewers qui ne maitrisent pas le fond de certaines thématiques, le patron de Rewmi s’est baladé sans anicroches sur un terrain dont il maîtrise les rouages et les paramètres. Le clou de cet entretien, c’est le tube Exodus de leur patron Youssou Ndour (partisan de Macky Sall dont il critique le bilan) qu’il leur a imposé pour illustrer ses propos sur la place prépondérante qu’occupe l’Afrique dans le concert des continents de la planète. In fine, son intervention bien soignée, bien conceptualisée a fini par oblitérer voire déconstruire la communication bilancielle du couple de l’Exécutif Président-PM.
Ainsi la guerre des communications entre Idy et le pouvoir risque de faire rage d’ici les quelques mois qui nous séparent de l’échéance électorale fatidique.
Mark Senghor (Gawlo.net)