Mécanisme salutaire de concrétisation de la démocratie, le Statut du chef de file de l’opposition connait des fortunes diverses en Afrique de l’Ouest. Si dans certains pays il est une réalité et signe d’une atmosphère pacifiée ou relativement telle, dans d’autres son absence est le symbole d’une méfiance entre protagonistes du jeu politique.
Au Mali, celui qui hérite de ce statut, Soumaïla Cissé, fait office de porte-parole de l’opposition et bénéficie des mêmes avantages que le vice-président de l’Assemblée nationale. Une fois par un, Cissé transmet un rapport au président de la République pour l’informer d’éventuelles violations de ses droits. Itou pour la Guinée Conacry. Pour mémoire, c’est en marge de la dernière visite de François Hollande à Conacry, qui date de novembre 2014, que le président Alpha Condé a, pour la première fois, pris l’engagement d’introduire un projet de loi dans ce sens à l’avantage du leader de l’UFDG, son alter ego direct. Le statut du chef de file de l’opposition guinéenne est régi par la loi /2014/n°036/AN du 23 décembre 2014, abrogeant l’ancienne loi qui porte sur le Statut des partis politiques de l’opposition.
Cellou Dalein Diallo, qui est régulièrement consulté par le chef de l’Etat, prononce une déclaration publique dans le mois qui suit la proclamation des résultats définitifs de chaque consultation électorale. Il est aussi tenu de présenter devant le ministère en charge de la vie des partis politiques un projet de société différent de celui du gouvernement. Le chef de file de l’opposition guinéenne, dans le protocole d’Etat, vient après les présidents des institutions de la République. Il dispose aussi d’un cabinet pris en charge par le gouvernement. En Mauritanie, même s’il existe un statut de chef de file de l’opposition, cette dernière, qui pose en principe la fin du régime militaire, ne s’entend pas avec le général Mohamed Ould Abdel Aziz sur cette question qui postule le départ de celui-ci du pouvoir. El Hacen Ould Mohamed, le chef de file de l’opposition mauritanienne, membre du bureau exécutif du parti Tawassoul, a reçu, pas plus tard que le 14 novembre passé, l’ambassadeur des Etats Unis d’Amérique à Nouakchott, Larry Landré.
Cela, à l’occasion de la fin de la mission diplomatique de ce dernier. Chanté comme une vitrine de la démocratie en Afrique, le Sénégal traîne les pieds Paradoxalement, le Sénégal, l’un des rares Etats d’Afrique de l’Ouest à connaitre trois changements de régimes en 52 ans (si on y inclut le départ volontaire de Senghor), peine à rendre effectif le statut du chef de file de l’opposition, inscrit parmi les points du référendum de mars 2016. Pis, malgré la nomination d’un profil apolitique pour conduire les concertations politiques, en remplacement du ministère de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye, il n’existe pas encore d’espace de dialogue entre le pouvoir et l’opposition significative. Dans une interview accordée à AZ ACTU en novembre 2016, le chef de l’Etat a refilé la patate chaude à son opposition en déclarant ceci : « Si l’opposition n’est pas prête pour cela (le statut du chef de l’opposition, ndlr) et si son adoption doit poser problème pour elle, ça peut attendre. Le jour où l’opposition sera prête sur cette question, on pourra avancer. En tout cas cette affaire de statut du chef de l’opposition est un débat qu’il faut vider ». Comme pour ajouter à la confusion, le parti-locomotive de l’opposition, en l’occurrence le Pds, est toujours dirigé, statutairement s’entend, par le président Abdoulaye Wade, aujourd’hui âgé de plus de 91 ans (?). Ce qui ne facilite pas la désignation du chef de file de l’opposition. Devant ce vide (juridique ?) le P. Issa Sall, coordonnateur du PUR, s’était autoproclamé chef de l’opposition au lendemain des législatives de juillet 2017. « Les chiffres prouvent à suffisance que le PUR est le premier parti politique au Sénégal. En effet, sur les 47 listes de partis et coalitions de partis qui étaient en lice pour ces joutes électorales, il n’y avait que trois partis dont le PUR. Et sur les trois, seul le PUR qui était en phase de redynamisation a réussi la percée en obtenant trois sièges », avait déclaré M. Sall. C’est dire que ce débat, exacerbé par l’emprisonnement de Khalifa Sall, la situation de Karim Wade et les mésententes sur le processus électoral, est loin de connaitre son épilogue.
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