Au-delà du verbatim, le décryptage de la sortie de Youssou Ndour à travers l’émission Face2Face, sur TFM, montre un personnage irrité, décontenancé, déçu… Le battage médiatique organisé avant et après la diffusion de l’émission, les réactions recueillies par la TFM quelques minutes après, le traitement millimétré de « l’événement »… dévoilent une véritable stratégie d’amplification de l’exercice de communication.
La réaction de la Cojer de Podor, inévitablement filmée avant la diffusion de Face2Face, lève un coin du voile sur l’une des raisons du courroux de la star planétaire. Il saute à l’œil de l’observateur fin que la polémique consécutive à sa prestation à Ndioum, à l’invitation de Cheikh Oumar Anne, l’a affecté. Il en veut à Abdoulaye Daouda Diallo, rival politique d’Anne dans le département de Podor, à qui il dénie le droit de lui indiquer où il doit jouer. « Je ne suis l’animateur de personne. Nul ne me choisit où je dois jouer. Ni m’interdire une quelconque partie du territoire », a tonné Youssou Ndour.
Jusque-là peut-être abstraites pour le chanteur, les divisons au sein du parti présidentiel et de la coalition Benno Bokk Yaakaar se sont brutalement révélées à lui. Il les a vécues dans sa chair au lendemain de sa prestation à Ndioum. Voilà pourquoi il a martelé, comme traumatisé, les mots «tassaro», «khoulo», «ngayo», «khassanté»…
Youssou Ndour n’est pas non plus content de Macky Sall. Même s’il ne le dit pas ouvertement. Ses phrases «Je suis déçu», «Je ne suis la marionnette de personne», «Macky Sall doit écouter ce que nous lui disons», «J’ai renoncé à me présenter pour le soutenir alors que j’aurais pu…» sonnent comme des messages directs envoyés au locataire du Palais de l’Avenue-Léoplod-Sédar-Senghor. Le leader de Fekke Ma Ci Boolé n’a pas lâché ces mots pour amuser la galerie, comme l’a si bien perçu Yakham Mbaye dans « l’alerte rouge » qu’il a lancée suite à cette sortie ô combien explicite.
A un an de l’échéance présidentielle du 24 février 2019, les premiers signaux d’alerte commencent à clignoter. Le premier défi pour le président de la République, candidat à sa propre succession, consiste à amener indemne jusqu’à ce rendez-vous ce mastodonte hétéroclite, difforme et sans âme qu’est Benno Bokk Yaakaar fracturé en autant de chapelles que d’intérêts des membres de ladite coalition. Mais aussi de rassembler son parti, l’APR, éclaté en autant de morceaux que de calculs de positionnement de ses responsables.
Dans cette perspective de rassemblement de ses souteneurs, Macky Sall doit comprendre qu’il ne peut plus compter de façon inconditionnelle sur Youssou Ndour. Tout dans l’expression corporelle du leader de Fekke Ma Ci Boolé, chaque fois qu’il parlait de Macky Sall tout au long de ces plus de 60 minutes, trahit un grand dépit.
Le regard d’acier, les lèvres fermes, la voix contrariée et le visage fermé de la star montrent que quelque chose s’est cassé en lui. Que veut-il que Macky Sall ne lui a pas donné ? Continue-t-il à voir et à parler au chef de l’Etat à sa guise ? Que s’est-il passé entre les deux hommes que l’on ne nous a pas dit ?
Cheikh Yérim Seck