Entre ses multiples obligations d’épouse d’un éminent chef religieux qu’est Cheikh Béthio Thioune et de mère de famille, Sokhna Bator Thiam, la quatrième épouse de Serigne Béthio, par ailleurs, juriste de formation, diplômée en droit des affaires à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, a trouvé le temps de rédiger un ouvrage d’une portée religieuse sur son époux et guide spirituel, et dont la sortie est prévue en novembre prochain. Celle-ci qui revendique son « ancrage dans la culture sénégalaise et mouride », se livre à cœur ouvert dans cet entretien sur : les grandes lignes du livre, sa vie, son époux, le mouridisme, ses relations avec ses coépouses. Bref, elle dit tout. Entretien.
Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire un livre sur Cheikh Béthio ?
D’abord l’immense affection que j’ai pour Cheikh Béthio. Ensuite, le souci de partager avec les autres cette chance. Comme le dit souvent Serigne Ibrahima Diagne, cette grande chance de l’humanité qu’il a vue en songe de par les propos de Serigne Saliou qui lui disait que « Serigne Bethio est la grande chance de l’humanité ». Donc quand j’ai lu le livre d’ibn Arabi qui m’a d’ailleurs inspirée, « le traité de l’amour », je me suis dit, il parle du prophète (Psl), de l’Ilsanoul Kamil, de l’homme parfait alors que des siècles les séparent. Je suis de la même époque que Serigne Saliou, Serigne Béthio… cette aubaine que j’ai pourquoi je ne la partagerai pas avec tout monde, avec ceux qui veulent savoir et même avec ceux qui ne veulent pas savoir ? Ce livre est une opportunité de faire connaitre au monde non seulement « la voie thiantacoune » mais la voie mouride. Ce n’est pas un livre qui fait l’éloge de Serigne Béthio seulement, c’est aussi un ouvrage sur la spiritualité; c’est au-delà des convictions qui nous séparent.
Pouvez-vous nous donner une idée du contenu de ce livre ?
Le livre retrace principalement le compagnonnage entre Serigne Saliou et Serigne Béthio à travers une chronologie, des anecdotes, des circonstances. En outre, il parle beaucoup des aspects de la voie mouride. Celui qui lira ce bréviaire saura que nous ne sommes pas des ignorants. Car, Serigne Saliou avait dit à un disciple qui voulait comprendre l’attitude de Serigne Bethio à vouloir à chaque instant crier partout que « Serigne Saliou est l’homme parfait, Serigne Saliou est Dieu», ect. Serigne Saliou lui posa la question: « D’où tiens-tu ton savoir ?»; alors il se mit raconter son cursus. A la fin de ses propos Serigne Saliou lui dit ceci: « c’est l’homme qui t’a enseigné, mais Serigne Béthio tient ses connaissances de Dieu.»
Donc, vous avez écrit ce livre pour faire un certain nombre de mises au point ?
J’apporte beaucoup d’éclairages pas seulement sur « la voie thiantacoune » où l’action de grâce mais de manière générale sur la spiritualité. L’ouvrage parle de l’Islam de cette voie qui est unique la « siratal moustakhima » qui nous permet d’accéder à Allah donc tout le monde peut s’y retrouver.
La rédaction du livre vous a pris combien de temps ?
Elle m’a pris six ans. Parce qu’il a fallu faire de grandes recherches auprès de nombreux témoins. Je me suis aussi basée sur une connaissance empirique, des vécus en tant que talibé, sur des propos de Serigne Saliou, ceux de Serigne Béthio. En plus j’ai lu certains livres, nonobstant le fait que je me suis aussi penchée sur l’historique de la voie mouride. Cela n’a pas du tout été facile mais comme écrire sur la spiritualité ce n’est pas une question d’inspiration dans le sens courant du terme. Comme nous le dit souvent Cheikh Bethio la connaissance divine est une connaissance immédiate. Elle n’est ni démonstrative ni analytique.
Que renferme-il d’inédit, votre livre?
Savoir qu’il n’y a que Dieu et malgré nos différences, nous pouvons accéder à Allah. Comme il s’agit de spiritualité tout le monde peut s’y retrouver. Dieu l’a même dit : « connaissez-moi avant de m’adorer. Si vous ne me connaissez pas, vous ne pourrez pas m’adorer ? ». Donc, ce livre est un moyen pour connaitre le Créateur. Certes, il est « inconnaissable », mais cela ne signifie nullement qu’il ne faut rien entreprendre pour connaitre Dieu. Ceux qui veulent connaitre leur Seigneur pour pouvoir l’adorer ce livre serait un bel ouvrage, un bréviaire pour eux.
Que pensez-vous de l’histoire des « cheikhettes » qui a alimenté une vive polémique récemment ?
Nous sommes des talibés et qui dit talibé dit acceptation, soumission, engouement surtout quand il s’agit de « ndigueul » (consigne). J’ai beaucoup développé dans mon livre sur le concept de « ndigueul ». Car, il y a des concepts même dans la voie mouride qui ont été galvaudées comme le « ndigueul ». Donc en tant que talibé tout « ndigueul » qui provient du guide authentique, du khalife, nous ne nous devons que de l’appliquer et c’est ce qui a été fait. Comme il n’y a plus de Cheikhs, vraiment nous n’aspirions pas à ce rang de cheikh ça n’a jamais effleuré notre esprit car nous aimons œuvrer pour Serigne-bi, éviter ses prohibitions. En tant que talibé, c’est notre vie de talibé qui nous importe. Serigne Béthio a eu le « ndigeul » du khalife, il l’a appliqué donc il n’y a plus rien à dire.
Comment aviez-vous vécu son arrestation ?
C’était très difficile. Mais comme le Cheikh le dit toujours tout procède de la volonté du Seigneur. Serigne Bethio en tant qu’époux tellement affable et altruiste, le fait de le voir quitter contre son gré sa maison, ses enfants, ses épouses, fut pénible pour nous tous. Mais par la grâce de Serigne Saliou Mbacké, qui lui a lui-même inculqué cette action de grâce nous ne cesserons jamais de nous imprégner et de nous sentir bien, aussi bien dans le bonheur que dans les épreuves ?
Pouvez-vous nous retracer votre cursus scolaire ?
J’ai été admise au préscolaire jusqu’à l’élémentaire à Thiès. C’est à cause de l’affectation de mon père que nous avons déménagé à Dakar. J’étais au lycée Blaise Diagne jusqu’à l’obtention de mon bac en série l’1 en 1999. Par la suite j’ai fait cap sur l’Université Gaston Berger de Saint Louis où je suivais des études de droit qui ont été sanctionnées par une maitrise en droit des affaires option droit de l’entreprise.
Comment avez-vous embrassez le mouridisme ?
Je peux dire que j’ai commencé à m’intéresser à la voie mouride, à cultiver « la talibité » qui est un terme crée par Serigne Bethio et à aimer le mouridisme en 1994 lors de mon premier pèlerinage à Touba en compagnie de mon père un fervent talibé de Serigne Touba. Mais déjà au lycée, avec des camarades on discutait de Serigne Touba, du khalife de l’époque en l’occurrence Serigne Saliou, je faisais partie d’un dahira et on s’organisait lorsqu’il y avait des activités concernant la déclamation de khassaides et les discussions sur Serigne Touba. Mais c’est en 1998 que je suis allée à Touba en compagnie de certains disciples pour avoir un nom de dahira; c’est là-bas que j’ai fait mon pacte d’allégeance sur feuille et c’est à partir de là que j’ai commencé à nourrir cet amour envers Serigne Saliou sans pour autant bien cerner l’homme en tant que tel. Ce qui est très difficile, car on ne peut le cerner mais c’est cet amour qui nous poussait en tant que khalife général des mourides à vouloir aller à Touba le rencontrer à parler de lui à aller voir des chefs religieux ou des guides dans le seul but de m’imprégner et de nourrir cette envie de connaitre la voie mouride.
Comment s’est déroulé votre rencontre avec Cheikh Béthio ?
C’est à partir des tournées que nous faisions avec nos dahiras, en rendant visite aux chefs religieux pour faire nos Ziars que j’ai connu serigne Bethio à Mermoz (ndiouroul).
Il se susurre que vous avez des talents de chanteuse qu’en est-il ?
(Sourire) Exactement. J’aimais bien déclamer les khassaides et j’aime toujours le faire. Vous savez les khassaides de Serigne Touba ce sont des panégyriques qui en disent beaucoup sur le seigneur, Son prophète (Psl). Lorsqu’on déclame les khassaides, on a une émotion qui nous envahit que l’on ne peut expliquer, je pense que seul Serigne Touba sait ce qu’il en ait de ses khassaides. Mais nous savons qu’il contiennent tellement de bienfaits incommensurables, c’est Serigne Touba lui-même qui l’a dit.
De quand date votre union avec le cheikh ?
Nous sommes unis, depuis le 1er mai 2004. C’était lors de la nuit du Gamou.
Quels souvenirs (agréables ou difficiles) gardez-vous de cette union ?
(Rires). Je ne dirai pas difficiles mais je dirai agréables. Mais pour nuancer, au début sa dimension ne me permettait pas d’être relaxe. Car, j’avais des appréhensions. Je peux même dire que j’étais un peu intimidée par le privilège d’avoir un homme de cette dimension à mes cotés, j’avais la crainte de ne pas être à la hauteur. Avec le temps, mes craintes ce sont dissipées car Serigne Béthio est un homme aimable.
Il nous a inculqué des valeurs qu’on n’aurait jamais eues sans son compagnonnage. C’est avec lui que je me suis reconnue en tant que sénégalaise, disciple sans complexe et sans avoir l’esprit snob. Il m’a permis de m’ancrer davantage dans ma culture. Ce qui n’est pas rien. Parce que notre culture ne cesse de subir les influences négatives avec la civilisation occidentale. Lorsqu’on était plus jeune, on se prenait souvent des toubabs. Je lui dois mon enracinement. C’est grâce au chef que je me suis enracinée dans ma culture.
Comment se passe la cohabitation avec vos coépouses ?
Nous ne vivons pas en cohabitation en tant que tel. Car chacune dispose de sa propre maison. Vous êtes ici à Keur Serigne Touba que Serigne Béthio m’a offerte. Je vis seule ici avec mes enfants. Nous entretenons de bons rapports. Comme je l’ai dit tantôt nous sommes des talibés, notre « mode de vie de thiantacoune » ne nous permet pas d’avoir certaines idées arrêtées.
Pourquoi vous n’exercez pas votre profession de juriste ?
Je préfère être à coté de Serigne-bi que d’aller chercher du travail. Je remercie le bon Dieu, je ne manque de rien. Je n’ai pas de problèmes financiers et je me sens bien à ses cotés.
Source: La Tribune