Personne n’avait misé sur lui pour occuper ce poste particulièrement prestigieux en Allemagne. Le social-démocrate Sigmar Gabriel, jusqu’alors ministre de l’Economie et connu pour son tempérament colérique et imprévisible, a été intronisé vendredi à la tête du ministère des Affaires étrangères. Il avait renoncé mercredi à affronter Angela Merkel lors des prochaines élections, au profit de l’ancien président du Parlement européen Martin Schulz, plus populaire que lui. L’arrivée de Sigmar Gabriel à la tête de la diplomatie allemande laisse présager d’un changement de ton de l’Allemagne sur la scène internationale. Le ministère était jusqu’alors occupé par Frank-Walter Steinmeier – diplomate hors pair, considéré comme l’un des artisans majeurs de l’accord sur le nucléaire iranien – qui deviendra président de la République en février.
«Les compétences diplomatiques de Sigmar Gabriel sont pour l’instant restées cachées, mais je suis sûr qu’il réussira sur ce point également», ironise le coordinateur des relations transatlantiques pour le gouvernement allemand, Jürgen Hardt, CDU. De fait, Sigmar Gabriel, qui a multiplié les voyages à l’étranger en tant que ministre de l’Economie, s’y est surtout illustré par ses bourdes et ses déclarations peu diplomates. En déplacement en Israël, il dénonce le «régime d’apartheid» en Cisjordanie occupée. En Egypte, il qualifie face à la presse le chef de l’Etat, Abdel Fattah al-Sissi, de «président impressionnant».
En Arabie Saoudite, il froisse son hôte en plaidant en public pour la libération d’un blogueur emprisonné. En Chine il accuse le régime de «concurrence déloyale» envers l’industrie automobile allemande. Et en Russie, Gabriel se dit «à titre privé» favorable à de meilleures relations avec Moscou, allant même jusqu’à réclamer un autographe à Vladimir Poutine pour une salariée russe de son épouse dentiste. Le tout alors qu’Angela Merkel plaide en faveur de nouvelles sanctions contre la Russie.
«Hypersensible, presque hyperactif»
De récentes déclarations sur Donald Trump – notamment celles comparant le discours d’intronisation du milliardaire américain à la rhétorique des années 20 – laissent présager de relations difficiles avec la nouvelle administration américaine, alors que l’Allemagne organise la rencontre des ministres des Affaires étrangères du G20 les 16 et 17 février, à Bonn. Sigmar Gabriel devrait y faire la connaissance de Rex Tillerson, son nouvel homologue américain.
«Il est justifié de douter du fait que Sigmar Gabriel, qui ne s’est pas fait remarquer par sa finesse diplomatique, soit la bonne personne» pour occuper le poste, avance le quotidien conservateur die Welt. Impulsif, versatile, imprévisible, adepte du franc-parler… Sigmar Gabriel est l’opposé du tempérament mesuré de son prédécesseur. «Sigmar Gabriel est un hypersensible, résume le politologue Lars Geiges de l’université de Göttingen. C’est un orateur hors pair, très doué dans le contact avec l’homme de la rue, débordant d’idées et d’initiatives, presque hyperactif. La question est de savoir s’il saura s’adapter au style feutré de la scène internationale, où on n’attend pas ces qualités mais de la retenue. Et puis, à la différence de Steinmeier, il pourrait être tenté de vouloir imposer une inclination sociale-démocrate à la diplomatie allemande.»