Le pays, où près de la moitié de la population n’a pas encore accès à l’électricité, veut devenir la locomotive énergétique verte de la sous-région.
La centrale de Senergy 2, au nord du Sénégal, s’étend sur 40 hectares.C’est par un protocolaire enclenchement d’interrupteur que le président sénégalais Macky Sall a mis sous tension, le samedi 22 octobre, la plus grande centrale solaire d’Afrique de l’Ouest. D’une puissance de 20 mégawatts, Senergy 2 va permettre au Sénégal de fournir de l’électricité à 160 000 personnes et se rapprocher d’un mix énergétique plus vert. Le gouvernement s’est fixé comme objectif 20 % d’énergie renouvelable pour 2017 dans son plan Sénégal émergent (PSE).
Située à Bokhol, dans le nord du Sénégal, à 5 km de la frontière mauritanienne, la centrale en question s’étend sur 40 hectares de terre aride balayée par l’harmattan. 40 degrés, 2 000 heures d’ensoleillement par an, un site idéal pour déployer plus de 75 000 panneaux solaires, soit 12 hectares de verre polycristallin. « Ce taux d’ensoleillement permet de produire le double d’électricité de ce que pourrait une ferme solaire de même capacité installée en Angleterre ou dans le nord de la France, explique Charlotte Aubin-Kalaïdjian, présidente de Greenwish, la société d’investissement spécialisée dans les énergies renouvelables qui a mis en service et raccordé la centrale au réseau de la Senelec (Société nationale de l’électricité au Sénégal). Le kilowattheure sera vendu à 40 % du prix moyen du mix énergétique sénégalais. Un prix qui devrait rester fixe pour la durée de vie de cette centrale qui est d’au moins 25 ans. »
45 % d’investisseurs sénégalais
Cela représente pour l’Etat sénégalais une économie de 3 milliards de francs CFA par an (4,5 millions d’euros), soit 58 milliards (88 millions d’euros) sur vingt ans, la durée du contrat d’achat d’électricité établi avec la Senelec. L’empreinte écologique est aussi concernée par cette cure d’amaigrissement. Senergy 2 va permettre d’éviter l’émission de 23 000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère. « C’est dire si le Sénégal entre de plain-pied dans l’heure des énergies propres, s’est enthousiasmé Macky Sall lors de son discours d’inauguration. Bohkol doit être fière de nous avoir mis dans le bon sens de l’histoire et de l’actualité à quelques semaines de la COP 22 à Marrakech ». Senergy 2 a été construite en huit mois, en partenariat avec le groupe français Vinci.
Lancé en 2012, le projet est détenu par le Greenwish Africa REN, un véhicule d’investissement rassemblant des investisseurs étrangers mais aussi locaux, à hauteur de 45 %, parmi lesquels la Caisse des dépôts et consignations du Sénégal (CDC). Cela signifie que 45 % des dividendes versés restent au Sénégal. La totalité de l’investissement s’est monté à 26 millions d’euros et a bénéficié d’un prêt de Green Africa Power, un fonds pour stimuler l’investissement du secteur privé dans les énergies renouvelables en Afrique subsaharienne.
« Le principal ennemi du solaire est la poussière, glisse Saliou Sow, directeur général de Senergy 2. C’est pourquoi nous allons engager 25 permanents pour l’entretien et le nettoyage de la centrale. 40 % des emplois seront recrutés localement. Nous avons aussi une machine qui permet de souffler le sable des panneaux solaires en cas de tempête. »
Eclairage public solaire
D’ici la fin du mois de novembre, GreenWich va installer un éclairage public solaire et des kits solaires domestiques dans les onze villages autour de la centrale qui n’ont pas accès à l’électricité malgré des lignes à haute tension qui passent à côté de leurs habitations. Impossible de raccorder directement des lignes basse tension à des pylônes électrique haute tension. « Puis à moyen terme, nous allons construire des pompages solaires pour améliorer les rendements agricoles de ces villages », avance M. Sow. La progression du réseau électrique national sénégalais devra ensuite prendre le relai pour alimenter ces villages ainsi que la région.
Aujourd’hui encore, 45 % des Sénégalais n’ont pas accès à l’électricité (20 % dans les villes, 60 % en zones rurales). Un retard que Macky Sall souhaite combler en doublant la capacité énergétique du pays : « De 573 mw en 2011-2012, la puissance totale de notre parc énergétique a aujourd’hui atteint une puissance de 821 mw. Notre objectif est d’atteindre 1264 mw en 2019. »
« Réduire le prix du courant d’ici janvier »
Afin de tenir son pari de locomotive énergétique verte de la sous-région, le Sénégal va enchaîner les inaugurations de centrales solaires et éoliennes. Début novembre, sera lancée celle de Malikounda d’une capacité similaire à Senergy 2 (20 mw), suivie de deux autres de 29 mw chacune, d’ici début 2017, sans oublier le parc éolien de Taïba Ndiaye de 150 mw. Une augmentation en capacité dont le gouvernement espère qu’elle entraînera une baisse des prix du kwh dont le coût de production est déjà passé de 97 francs CFA (15 centimes d’euro) en 2012 à 44 CFA aujourd’hui (7 centimes d’euro).
Cette année, la Senelec a enfin obtenu un bilan positif et a pu se passer de la subvention annuelle que l’Etat lui versait – elle s’élevait à 105 milliards de CFA (160 millions d’euros) en 2012. En conséquence, Macky Sall a demandé à la Senelec et à son ministre de l’énergie de « réfléchir sérieusement à la possibilité de réduire le prix du courant d’ici le mois de janvier ». Une facture énergétique diminuée dans les ménages sénégalais serait de bonne augure pour les élections législatives de 2017.
Par Matteo Maillard (contributeur Le Monde Afrique, Bokhol, Sénégal)