«Une décision juste, qui préserve les intérêts des travailleurs, des consommateurs et du Sénégal !» C’est la lecture du secrétaire général du Syndicat unique des travailleurs de la Senelec (Sutelec), Habib Aïdara, suite à la décision du président de la République de casser le contrat qui lie la Senelec à Akilee. Il a, dans la foulée, invité l’Etat à revoir tous les autres contrats (Excellec, Nsyc, Blf…) signés par la Senelec. Non sans plaider pour que les travailleurs siègent au Conseil d’administration de la Senelec pour prendre le contre-pied du Directeur général en cas de décision qui ne prendrait pas en compte les intérêts de la Senelec.
Si le contrat qui lie la Société nationale d’électricité (Senelec) à Akilee venait à être cassé par le président de la République, comme l’a annoncé «Le Quotidien» dans sa livraison d’hier, ce serait un désaveu cinglant pour l’ex-Directeur général de la Senelec, devenu ministre des Énergies et du Pétrole au lendemain de la présidentielle de février 2019. En d’autres termes, une remise en cause du travail de celui qui passait pour le meilleur directeur que la Senelec ait jamais connu. Une situation pour le moins inconfortable ! Alors question : Avec ce retour de bâton, Mouhamadou Makhtar Cissé va-t-il rendre le tablier ? En attendant, c’est le Syndicat unique des travailleurs de l’électricité (Sutelec), par le biais de son secrétaire général Habib Aïdara, engagé dans le combat pour défendre les intérêts de la Senelec, qui applaudit à tout rompre cette nouvelle tournure. «Nous pensons que le président de la République – si l’information est vraie – a pris une décision juste qui préserve les intérêts de l’entreprise, les intérêts des travailleurs, les intérêts des consommateurs et les intérêts du Sénégal», s’est d’emblée réjoui le secrétaire général du Sutelec.
Au-delà de Akilee, il y a d’autres scandales à arrêter
Cependant, ce contrat qui lie la Senelec à Akilee n’est que la partie visible de l’iceberg. Du moins, de l’avis de Habib Aïdara, persuadé que la liste des scandales ne se limite à Akilee. Ce qui lui fait dire que le chef de l’Etat, en plus de casser le contrat avec Akilee, doit également se prononcer sur les autres contrats signés par la Senelec. A l’en croire, il y a d’autres contrats à revoir. Il s’agit principalement du contrat qui lie la Senelec à Excellec qui, dit-il, est pire que celui de Akilee. Il en veut pour preuve les informations dont le syndicat est en possession et relatives au contrat entre Senelec et Excellec. Et, c’est pour en déduire que c’est une «nébuleuse». Pire, Senelec, ajoute-t-il, est en train de perdre des milliards sur ce contrat. S’y ajoutent également d’autres contrats dont celui avec Nsyc (nouveau système d’information clientèle) qui, de l’avis de Habib Aïdara, doit être révisés. En plus du contrat avec Edfin qui est une filiale de Edf, ainsi que le contrat avec la Brigade de lutte contre la fraude (Blf). Pour tous ces contrats, le Sutelec a décelé des choses qui ne sont pas dans l’intérêt de la Senelec.
Les travailleurs de Senelec au Conseil d’administration
Aussi, pour protéger leur outil de travail et éviter pareille déconvenue dans le futur, le patron du Sutelec a invité les autorités étatiques à changer de fusil d’épaule, notamment en ce qui concerne la composition du Conseil d’administration (Ca) de la Senelec. A cet effet, le patron du Sutelec estime que les travailleurs de la Senelec doivent siéger au Conseil d’administration de la Senelec. Ce qui permettrait aux travailleurs d’alerter en cas de décisions qui ne prennent pas en compte les intérêts de la Senelec. «Les travailleurs doivent être représentés dans le Conseil d’administration pour avoir un droit de regard sur les décisions à prendre. Avec ce qui s’est passé avec Akilee, si les travailleurs étaient représentés dans le Ca, ils n’allaient pas accepter cette décision ou allaient alerter sur les inconvénients de cette mesure. Cependant, s’il n’y a que le Directeur général qui siège dans le Ca, ses décisions engagent toute la Senelec alors que s’il y avait un contre-pouvoir qui représente les travailleurs de Senelec, la lanterne du directeur sera éclairée avant toute prise de décision», explique Habib Aïdara. Revenant sur la constitution du Conseil d’administration de la Senelec, il révèle que les autres membres sont entre autres le représentant du ministère des Finances, un représentant du ministère de l’Énergie, un représentant de la Caisse des dépôts et consignations (Cdc), et un représentant de la présidence de la République. Ces derniers, dit-il, ne connaissent rien au fonctionnement de la Senelec. De ce fait, si le Directeur général estime que c’est bon, les autres membres du Conseil d’administration n’ont pas les outils pour apprécier sa décision. Tout le contraire des travailleurs s’ils parviennent à siéger dans le Conseil d’administration.
Poursuivre les procédures et demander réparation…
Toutefois, même si le contrat est cassé par le président de la République, le Sutelec rappelle que les corps de contrôle poursuivent leur enquête sur cette affaire. A cet effet, il révèle que l’Armp a déjà confié le dossier à un magistrat. Mieux, l’Inspection générale d’Etat (Ige) sera bientôt à la Senelec pour mener son enquête. En attendant, il est d’avis que ce contrat a été bâti sur du faux. Pire, la constitution juridique de Akilee a été remise en cause. Ce qui fait dire au patron du Sutelec que les procédures déjà engagées seront menées à terme, même si le contrat est cassé, pour demander réparation du préjudice lourd subi par la Senelec. «Aujourd’hui, Akilee a bénéficié d’un paiement de 2 milliards 700 millions francs Cfa et ce montant a été payé sans pour autant que Akilee ne fournisse un service à la Senelec. Ce qui constitue un préjudice énorme pour l’entreprise», estime M. Aïdara. Ce qui est cocasse, révèle-t-il, c’est la précipitation dont l’ancien directeur de la Senelec a fait montre pour faire bénéficier Akilee de cette enveloppe. En effet, la facture a été émise par Akilee le 23 avril 2019 et trois jours plus tard, le paiement était déjà effectif. Or, ajoute notre interlocuteur, en ce moment Makhtar Cissé n’était plus directeur de la Senelec. Pire, ce paiement est intervenu à trois jours de l’arrivée de son successeur. Une précipitation qui ne s’explique pas, d’autant plus que, dans les termes du contrat, la Senelec disposait d’un délai de 45 jours pour s’acquitter du paiement. S’ajoute au préjudice de la Senelec, la livraison des compteurs. Pour rappel, Akilee devait livrer, dans un premier temps, 57.000 compteurs, mais à l’arrivée, elle n’a livré que 2000 compteurs. Autant de manquements qui poussent le Sutelec à aller jusqu’au bout des procédures enclenchées afin de recouvrer les pertes engendrées par ce contrat.
Moussa CISS