Par Bassirou S. NDIAYE
Le Gladiateur s’est subtilement mué en conducteur de taxi clando. Sans licence sans assurance, il est entré dans la circulation par effraction, décidé à imposer sa loi en se moquant bien des règles qui la régissent. Dans sa guimbarde sans marque et sans immatriculation, sans frein et sans destination définie, il a embarqué et continue d’embarquer hommes, bagages et animaux, malades et sujets sains, des vivants et des morts, au propre et au figuré. Des voyageurs de toutes les confessions et de toutes les idéologies, allant dans toutes les directions s’y retrouvent, même si certains lui prêtent à tort ou à raison de faire une place belle à une caste que l’on évite de nommer par pudeur et que seul l’instinct grégaire rassemble autour de sa personne.
On a souvent reproché à l’Empereur déchu une inconstance dans sa démarche politique, l’absence de cohérence entre sa théorie et sa pratique. On disait de lui avec humour qu’il virait à droite après avoir clignoté à gauche et vice versa. C’est cette pratique dont le fameux « maako waxoon, waxeet » qui fut la goutte de trop qui a fini par l’emporter. Peut être pour toujours, même si « l’ancien spermatozoïde futur cadavre», croit encore pouvoir renaitre de ses cendres.
Introduit par un esprit machiavélique qui ne voyait qu’une bête de somme sans ambition autre que de servir son maître, le Gladiateur s’est subtilement mué en conducteur de taxi clando. Sans licence sans assurance, il est entré dans la circulation par effraction, décidé à imposer sa loi en se moquant bien des règles qui la régissent. Dans sa guimbarde sans marque et sans immatriculation, sans frein et sans destination définie, il a embarqué et continue d’embarquer hommes, bagages et animaux, malades et sujets sains, des vivants et des morts, au propre et au figuré. Des voyageurs de toutes les confessions et de toutes les idéologies, allant dans toutes les directions s’y retrouvent, même si certains lui prêtent à tort ou à raison de faire une place belle à une caste que l’on évite de nommer par pudeur et que seul l’instinct grégaire rassemble autour de sa personne.
Au sein de la fournaise, tout le monde se plaint. Ceux qui sont embarqués, mais aussi tous les patriotes soucieux de l’avenir de Ndoumbélaan, qui le regardent depuis les trottoirs, tanguer dangereusement vers les abimes certains, plus proches que lointains. Et puisqu’il est tout aussi dangereux d’en descendre si ce n’est pas tout simplement impossible, les malheureux passagers qui n’ont pourtant qu’à s’en prendre à leur naïveté, se crêpent les chignons.
Manipulateur à souhait sans être un tribun, il sait faire accepter aux passagers en partance vers le du nord qu’il les mènera à destination même s’il fait manifestement cap vers le sud. Il sait rassurer ou du moins juguler les humeurs de ceux qui vont à l’est alors qu’il se dirige vers l’ouest, en brandissant le sabre au-dessus des têtes qui ont quelques choses à se reprocher ou au dire du journaliste violeur, en dégainant périodiquement des millions pour étouffer les plaintes.
La goulache tropicale du Gladiateur a ainsi enfanté d’un parti d’officiers sans hommes de troupe dans lequel d’illustres inconnus génétiques savourent les délices du pouvoir à coté de brillants cerveaux qui se crétinisent, bloqués dans leurs élans créateurs comme des bolides dans un embouteillage. Le Gladiateur a :
promu des « généraux sans armée» dont le premier autoproclamé et qui fut l’un de ses compagnons historiques, a fini par jeter les armes, rangé au tiroir des non-partants. décapité les états major de ses alliés en séparant subtilement et sans effusion de sang, les têtes des corps en convulsion Désarticulé l’opposition en lui tordant le cou, créant un monstre contraint de marcher à reculons pour ne pas sauter sur les pièges multiples sur son chemin posés. Dans cette configuration, l’opposition balkanisée se cherche à travers une agglomération sans liant et donc sans lendemain de forces manifestement contraires, voire antagoniques.
Si tout le monde s’accorde sur le fait que le Gladiateur est loin des promesses qui l’ont porté au pouvoir, ses partisans semblent dans l’incapacité de formuler ou de lui faire entendre une note positive. Et en dehors du radical auteur des versets sataniques qui ne saurait se satisfaire d’autre chose que du fauteuil du Gladiateur dont il se croit injustement privé, la majorité des composantes de l’opposition se confond à une marchandise mise aux enchères qui attend la bonne offre du maitre du jeu pour entrer dans ses grâces.
Le récent « bal poussière » avec entrée libre et gratuite que l’Assemblée Nationale vient de nous gratifier n’est-il as révélateur d’une république ayant perdu tous ses repères ? A quoi donc servirait une alternance si les futurs prétendants ne se battent que pour des avantages personnels au sein de l’hémicycle où ils sont sensés défendre l’intérêt de leurs mandants et justement au moment Ndoumbélaan vient d’être rétrogradé au 25ème rang des nations les plus pauvres de la planète ? D’ailleurs, parmi toutes les promesses en souffrance, le sentiment le plus partagé est que l’opposition ne se focalise que sur la réduction de la durée du mandat qui reste après tout, une simple promesse de campagne parmi d’autres infiniment plus importantes pour Goorgorlu et les siens.
On peut donc dire sans risque d’être démenti que si son unique but est de régner, le Gladiateur encensé par une bande de laudateurs qui cherchent à lui créditer d’imaginaires hauts faits d’armes de prétendus ancêtres vainqueurs du lion du pole nord et de l’ours du Sahara, est manifestement entrain de poser les bons jalons. Dans son attelage bombardé de tous les superlatifs pour porter Ndoumbélaan vers l’émergence, ne vient-il pas enfin après trois années d’essayage de porter le premier « homme qu’il faut à la place qu’il faut » sic. Y’en aura-t-il d’autres ?
Si par contre, son ambition est de gouverner, alors tout porte à croire qu’il va vers un échec cuisant, lourd, et même très lourd de conséquences. Il est en effet beaucoup plus simple de régner que de gouverner. Il suffit de beaucoup de muscles kaki, un distributeur automatique de billets de banque, un soupçon de cynisme qui range aux oubliettes les immanquables peines infligées aux Goorgorlus sans défense, une poignée de flagorneurs pour chanter des louanges auxquels personne ne croit réellement.
Mais puisqu’il faut en toute chose considérer la fin dialectiquement programmée, le Gladiateur saura certainement faire face à l’histoire. A moins qu’il n’ait déjà fait son choix.
BANDIA, Octobre 2015