Et si le Qatar devait gentiment garder au frigo un « gros poisson encombrant » pour les tenants actuels de l’Etat du Sénégal, jusqu’à nouvel ordre, en échange du soutien de Dakar à la candidature du petit émirat à la direction générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO)?
C’est une question que certains esprits se posent, depuis ce lundi, après le passage furtif dans le salon présidentiel sénégalais d’un Conseiller de l’Amiri Diwan et candidat du petit Emirat du Moyen-Orient au poste de Directeur général de l’UNESCO. Car au Qatar, la presse d’Etat affirme que le Président Macky Sall a assuré le soutien du Sénégal au candidat qatari. Les médias qataris rapportent que lors de cette audience tenue en présence de l’ambassadeur du Qatar au Sénégal, Sarai bin Ali al-Qahtani, le Dr Hamad bin Abdulaziz al-Kuwari a présenté un mémoire sur sa vision en tant que candidat à la tête de l’UNESCO, l’importance de l’Afrique et les programmes connexes de l’organisation. Il a ensuite remercié le Sénégal pour son appui ferme à sa candidature, un soutien qui reflète, selon lui, la profondeur des liens entre les deux pays.
Toutefois, si le soutien « ferme » du Sénégal à cette candidature peut relever de l’ordinaire de la diplomatie, il n’en demeure pas moins une coïncidence assez troublante, à la lumière des derniers développements dans les relations entre les deux Etats. Récemment, le Sénégal, qui a longtemps dirigé l’UNESCO avec le magistère d’Amadou Makhtar Mbow, a refusé au Qatar l’implantation à Dakar d’une antenne francophone de sa chaîne de télévision vedette, Al-Jazeera.
Et le bruit court que c’est le Président Macky Sall, lui-même, qui aurait opposé son veto à ce projet supposé promouvoir l’information et l’échange culturel, comme le soutiennent les valeurs de l’UNESCO. Il faut dire que dans ce contexte de menace djihadiste au Sénégal, on se méfie de ce que donne le Qatar, connu pour être le ‘’parrain’’ des Frères Musulmans dont le déploiement se fait via les finances islamiques et la chaîne de télévision, un de ses instruments de pénétration économique et idéologique.
En dépit de ce camouflet, le Qatar a continué de témoigner un intérêt pour le Sénégal. Qui s’est traduit, en juin dernier, par sa contribution à la libération de Karim Wade qui venait de purger une partie de sa peine de prison pour enrichissement illicite. Le fils de l’ex-président s’est aussitôt rendu à Doha, à bord de l’avion privé du procureur général du Qatar.
Une immixtion considérée, à l’époque, comme une caution indirecte de la principauté à l’affairisme de son protégé, Karim Wade, avec la bénédiction du Sénégal. Mais depuis quelques jours, les partisans de Karim Wade restent persuadés que leur poulain a été envoyé au Qatar contre son gré pour ne revenir au Sénégal qu’après la présidentielle de 2019.
En somme, disent-ils, ‘’Macky Sall l’a contraint à un exil forcé’’. Une conviction forte du camp libéral, malgré les dénégations des autorités du Sénégal. Les présomptions du PDS rappellent tout de même certains propos de la première déclaration de Karim Wade, après sa sortie de prison. Il révélait que les conditions de sa sortie ont contrarié sa volonté de rencontrer les Sénégalais qui ont combattu son emprisonnement.
Toujours est-il qu’on est sûrement au début d’un nouveau feuilleton politique qui réserve beaucoup de surprises entre Dakar et Doha. En attendant, Macky Sall est sûr de s’éviter le caractère imprévisible d’un opposant ambitieux, tant que Karim Wade reste au Qatar.
dakarmatin