Les négociants suisses mis en cause dans le scandale «Dirty diesel » sont mal barrés au Sénégal. Selon les informations de Libération, l’Ong public Eye dont l’enquête est à l’origine du scandale n’a pas perdu de temps pour remettre le rapport original à la Ligue sénégalaise des droits humains (Ldsh) qui l’a automatiquement transmis au doyen des juges de Dakar chargé de l’instruction de la plainte avec constitution de partie civile.
L’Ong Public Eye, à l’origine d’un rapport qui a mis en cause les négociants suisses Vitol, Addax, Oryx et Trafigura, n’a pas perdu de temps pour prêter main forte à la Ligue sénégalaise des droits humains (Lsdh). En effet, suite à l’éclatement du scandale dit «Dirty diesel » (diesel sale), la Ldsh avait déposé une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction de Dakar, Samba Sall. Il y’a de cela quelques jours, Me Assane Dioma Ndiaye révélait que le magistrat instructeur les avait contactés pour obtenir l’original du rapport.
Libération a appris de sources autorisées que ce rapport est désormais sur la table du doyen des juges qui devrait convoquer prochainement la partie civile pour paiement de la consignation. En effet, la Lsdh avait saisi l’Ong Public Eye pour disposer de l’original du rapport afin de le remettre au doyen des juges. Public Eye a procédé à la remise du document explosif qui servira sans doute de base première à l’instruction.
Qui plus, dans sa plainte, la Lsdh demandait au juge «d’Inculper toutes personnes que l’information pourra révéler par rapport aux faits incriminés des chefs de : Trafic de produits pétroliers, nocifs et toxiques de nature à mettre en danger le droit à la vie, à intégrité physique et morale des populations».
Sans oublier les autres chefs d’accusations comme l’«exportation ou Importation de produits industriels présentant un degré de toxicité et de dangerosité pour la Santé des populations» et la «complicité par négligence ou par abstention contre toute personne qui aurait pu de par sa position où ses prérogatives officielles prévenir de tels faits ou en alerter».
Pour rappel, l’enquête de Public Eye, aura duré trois ans et le résultat sans appel : «En Afrique de l’Ouest notamment, les négociants Vitol, Trafigura ou encore Addax & Oryx profitent de la faiblesse des standards pour vendre des carburants de mauvaise qualité et réaliser des profits au détriment de la santé de la population africaine. Les résultats des échantillons prélevés à la pompe par Public Eye dans huit pays sont choquants : les carburants analysés présentent jusqu’à 378 fois plus de soufre que la teneur autorisée en Europe. Ils contiennent d’autres substances très nocives, comme du benzène et des aromatiques polycycliques, à des niveaux également interdits par les normes européennes.»
L’Ong révélait aussi que «les négociants suisses ne se contentent pas de vendre du diesel et de l’essence toxiques ; ils les fabriquent à dessein, en mélangeant divers produits pétroliers semi-finis à d’autres substances pétrochimiques afin de créer ce que l’industrie appelle «la qualité africaine».
Ces carburants très polluants sont principalement produits et exportés depuis la zone ARA (Amsterdam-Rotterdam-Anvers), où les négociants suisses disposent d’importantes infrastructures, telles que des raffineries et des entrepôts. Les sociétés suisses produisent en Europe des carburants qui ne pourraient jamais y être vendus. Ils sont par ailleurs responsables d’une part importante des exportations de diesel et d’essence à haute teneur en soufre entre la zone ARA et l’Afrique de l’Ouest. De nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, qui exportent vers l’Europe du pétrole brut d’excellente qualité, reçoivent ainsi en retour des carburants toxiques.»
La version anglaise du rapport, étalée sur 260 pages, cite nommément les stations où les prélèvements ont été effectués avec un tableau détaillé des résultats obtenus. Pour Vivo Energy (Shell) par exemple, il est indiqué que les prélèvements ont été effectués à la station sise à l’Avenue Pasteur le 7 novembre 2012 mais aussi à la station de Pikine. C’était le 15 juillet 2013, comme l’indique le document consulté par Libération.