Récemment transféré à Schalke et sélectionné avec le Sénégal pour la Coupe du monde, l’ancien défenseur d’Hanovre s’apprête à ouvrir un nouveau chapitre de sa carrière.
« Quand j’étais petit, je me rappelle, franchement, le foot… J’en avais marre. Je voulais arrêter. » À quoi tient une carrière ? Sans doute à quelques choix, beaucoup d’abnégation et un peu de talent. La lumière vient ensuite parfois se poser sur des années de travail de l’ombre, pour les plus chanceux et les plus méritants. C’est ce qui est en train d’arriver à Salif Sané qui a vu Schalke, qualifié pour la prochaine Ligue des champions, ne pas hésiter à payer la clause de huit millions d’euros pour l’arracher à Hanovre, club dans lequel il vient de réaliser sa meilleure saison sur le plan individuel, de l’aveu de tous. Mais Salif Sané se passerait bien des effets collatéraux de ce rayon de soleil footballistique : « Les interviews, c’est pas mon délire. Je refuse tout le temps. »
Suis-je le gardien de mon frère ?
« En France, ma cote, je crois qu’elle est de 0,01. » Conscient de son relatif anonymat de ce côté-ci du Rhin, il ne s’en émeut pas particulièrement. Il est vrai que son histoire en Ligue 1 a duré à peine plus de deux saisons, le temps pour lui de prendre un autre chemin que son grand frère Lamine, alors bien installé dans la défense des Girondins. La destination s’appelle Nancy et le guide Jean Fernandez.
Une rencontre décisive : « Je n’ai pas fait de centre de formation, j’ai signé directement en CFA à Bordeaux et je suis passé pro au bout de ma troisième année. Patrick Battiston et Marius Trésor ont été importants dans mon apprentissage. J’aurais voulu faire mon trou là-bas, comme mon frère. Mais j’avais besoin de temps de jeu, il a fallu que je m’éclipse. Jean Fernandez a lancé ma carrière, on peut le dire. Il m’a mis en confiance, m’a fait savoir qu’il comptait sur moi. Il m’a fait travailler mes défauts comme mes qualités. » Des qualités suffisantes pour attirer quelques prétendants en Belgique, en Angleterre et surtout en Allemagne à la descente de l’ASNL en Ligue 2, en 2013. Ce sera finalement Hanovre.
Hanovre de paix
Cent matchs de Bundesliga plus tard, l’international sénégalais est sorti par la grande porte du HDI-Arena, le 5 mai dernier. Un but, un chant à sa gloire, une victoire et un hommage parfait : « Je ne sais même pas comment décrire ce que j’ai vécu. C’était une sensation énorme. Il y avait trop d’émotions. Je redoutais un peu ce moment vu que j’avais fait part de mon envie d’aller dans un autre club. Je ne voulais pas que ça dérape… » L’histoire aurait pu vriller à plusieurs reprises. D’abord en 2014 où, s’étant rendu en sélection sans l’accord de son club, il est écarté de l’équipe première pendant plusieurs mois et doit se contenter de la quatrième division allemande. De quoi plonger. Mais Alain Giresse, qui l’a lancé en sélection, a continué de lui témoigner sa confiance, lui offrant un bol d’air nécessaire.
Ensuite, connaissant la relégation avec Hanovre en 2016, il souffre d’un coup de froid avec l’équipe nationale, ce qui le privé de la CAN 2017. L’oxygène, Salif Sané l’a également puisé auprès de ses proches : « Ils n’auraient pas été là pour me rebooster, j’aurais craqué depuis un bon moment. » La tentation de l’abandon l’a en fait guetté depuis les débuts. Déjà sur les terrains de Lormont, le milieu défensif de formation doutait : « C’était compliqué. Il fallait choisir entre le foot, les amis, le quartier… Heureusement, mes entraîneurs de l’époque étaient là pour me pousser. J’ai fait des sacrifices et c’est aussi grâce à eux que j’en suis arrivé là. »
Salif sort de sa Tanière
Aujourd’hui en balance avec Kara Mbodj pour former la charnière centrale sénégalaise aux côtés de Kalidou Koulibaly, ce fan d’Álvaro Recoba a troqué le doute pour la confiance. Il en faut, à l’heure de combattre pour La Tanière les chasseurs de buts que sont Lewandoswki ou Falcao : « Avec toutes les épreuves que j’ai passées, je ne peux pas me dire : “Lui et lui, ils me font peur.” Ce ne serait pas cohérent. Notre groupe est super ouvert. Tout le monde peut battre tout le monde et prendre la première place. C’est désormais à nous d’écrire notre propre histoire. L’ambiance dans l’équipe est super. Chez nous, les Africains, il n’y a pas de statut. Ça n’existe pas. Peu importe où tu joues, tout le monde est pareil et c’est ce qui fait notre force. » En l’espace de trois mois, Salif Sané va découvrir les deux compétitions dont rêvent « tous les gosses » . Celui-ci a connu quelques douleurs de croissance, mais il a bien grandi.