Pour avoir présenté un document de voyage orné de l’ancien drapeau rwandais, en vigueur au moment du génocide, une délégation diplomatique française a essuyé un refus de visa des autorités rwandaises.
C’est un premier accroc dans la relation, encore embryonnaire, entre les nouvelles autorités françaises et le régime de Kigali. Les 9 et 10 juillet, une délégation officielle française devait se rendre en mission au Rwanda, avant de poursuivre son périple au Cameroun. À sa tête, Rémi Maréchaux, directeur de l’Afrique et de l’océan Indien au ministère des Affaires étrangères, qui devait être accompagné d’un responsable Afrique subsaharienne de l’Agence française de développement (AFD), et d’un conseiller économique. Une audience avait été convenue à Kigali avec Louise Mushikiwabo, la ministre rwandaise des Affaires étrangères.
Début juillet, le Quai d’Orsay transmet à l’ambassade du Rwanda à Paris la demande de visa de ces trois personnalités, ainsi que l’itinéraire qui les conduira en Afrique centrale, via Bruxelles. En vis-à-vis de chacun des pays traversés, le système informatique du Quai d’Orsay a fait figurer son drapeau. Pour le Rwanda, celui-ci se compose de trois bandes verticales (verte, jaune, rouge) et d’un R majuscule en son centre. Seul problème : le Rwanda a changé de drapeau depuis 2001. Celui qui figure dans les archives de la République française correspond en fait au drapeau du régime de feu Juvénal Habyarimana, qualifié par une source diplomatique rwandaise de « drapeau des génocidaires ».
L’affaire remonte aussitôt à Kigali, où la réponse ne se fait pas attendre. Émanant d’une haute instance de la République française, la boulette est vue comme un casus belli. Et le visa n’est pas accordé aux trois officiels.
Une certaine nostalgie ?
Contacté par Jeune Afrique, le Quai d’Orsay ne conteste pas que la mission initialement prévue ait été reportée. Mais la diplomatie française, sans confirmer ni infirmer explicitement nos informations, en donne une version moins urticante. « Il y a eu un couac administratif et les visas n’ont pu être délivrés à temps. Il s’agit seulement d’un report, pas d’un problème diplomatique », fait savoir une source au fait du dossier.
Côté rwandais, cette version fait sourire, même si Kigali ne va pas jusqu’à soupçonner l’actuelle administration française d’une provocation gratuite. « En guise d’explications, on nous a dit que les drapeaux étaient générés par le système informatique, et qu’ils ne se voyaient qu’à l’impression », explique un officiel rwandais. « Je remarque tout de même qu’au moins quatre personnes en France ont eu ce dossier en main sans rien remarquer. » Selon la même source, « si le système informatique du Quai d’Orsay génère un drapeau rwandais qui n’est plus en vigueur depuis plus de quinze ans, c’est tout de même révélateur d’une certaine nostalgie ».
Une mésaventure qui tombe mal
L’affaire est d’autant plus malencontreuse que malgré les relations en dents de scie entre la France et le Rwanda − Paris n’a plus d’ambassadeur sur place depuis le départ de Michel Flesh, en septembre 2015, le régime rwandais n’ayant jamais agréé son successeur −, Rémi Maréchaux est loin d’être persona non grata au pays des mille collines. Membre de la cellule diplomatique de Nicolas Sarkozy de 2007 à 2010, il avait ensuite été nommé directeur de la stratégie à la DGSE (les services de renseignement extérieurs français). C’est à ce titre qu’il avait accompagné l’ancien chef de l’État à Kigali en février 2010, lors de l’unique voyage effectué par un président français dans ce pays depuis François Mitterrand.
« Rémi Maréchaux a exprimé des regrets qui semblent sincères, relativise une source rwandaise. Il a notamment expliqué que cette mésaventure était en complète contradiction avec l’état d’esprit qui animait cette mission. » Le 8 juillet, le diplomate était d’ailleurs présent à la célébration de la fête nationale qu’organisait l’ambassade du Rwanda à Paris, où il représentait les autorités françaises.
Notre ami Kagame n’est pas toujours facile
Optimiste, un diplomate rwandais estime qu’en dépit de cette mésaventure, « les ponts ne sont pas coupés entre Paris et Kigali ». Côté français, même si l’affaire n’a officiellement jamais existé, on la prend également avec philosophie : « Il n’a pas que des défauts, notre ami Kagame… mais c’est vrai qu’il n’est pas toujours facile. »
source:JeuneAfrique