Robert Sagna : « Je Ne Vois Pas Comment… L’opposition Peut Gagner La Majorité»

 

 

 

Le débat suscité par la possibilité d’une cohabitation à l’Assemblée nationale entre l’opposition et la mouvance présidentielle, dès 2017, ne serait que «chimère». En tout cas, le leader du Rassemblement pour le socialisme et la démocratie (Rsd), Robert Sagna ne voit pas comment, dans le contexte politique actuel, un tel scénario pourrait se produire.

Dans cette interview, accordée à Sud Quotidien hier, mardi 25 avril, dans les locaux de son bureau sis à Point E, l’ancien maire de Ziguinchor se dit rassuré de la victoire de la coalition Bennoo Bokk Yaakaar aux législatives du 30 juillet prochain à Ziguinchor, comme au plan national. Cela, avec comme arguments, les réalisations du président Macky Sall et la coalition Bby durant ces 5 premières années. L’ancien ministre sous Abdou Diouf admet, toutefois, que la tâche ne sera pas facile pour la coalition Bby,* qui doit s’armer de «générosité» et de «volonté» pour y arriver.

Les leaders de Bennoo Bokk Yaakaar souhaitent continuer le compagnonnage jusqu’aux élections présidentielles de 2019. Mais, il se trouve qu’aussi bien du coté de l’Apr, comme de certains partis alliés, les membres veulent disposer de plus de sièges à l’Assemblée nationale ? Comment comptez-vous vous en sortir ?

C’est légitime. Dans une compétition comme celle-là, chacun voudrait avoir une promotion. Je crois que, quand on fait de la politique, il ne faut pas s’étonner, qu’à l’approche d’élections aussi importantes comme celles des législatives, où il y beaucoup de prétendants, qu’il y ait des tiraillements non seulement au sein du parti au pouvoir, mais aussi au niveau des alliés, ceux de Bennoo Bokk Yaakaar (Bby). Au delà de cet ensemble de coalitions qu’est Bby, vous avez aussi l’opposition. Elle se bat pour avoir une majorité à l’Assemblée nationale. Au niveau du législatif, c’est là où se décident les lois pour gérer le pays, pour l’administrer, et pour dessiner le destin du pays. Donc, ne vous étonnez pas de ça.

Mais, au niveau de Bby, ce qui est recherché, c’est qu’il faut qu’on y aille dans l’unité. Ça veut dire présenter une liste unique, celle de Bby. C’est ce qui a fait dire au président, le samedi dernier à la réunion des leaders de Bby, qu’on ne peut pas concevoir qu’à l’intérieur de la coalition qu’il y ait des listes concurrentes. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire. Je crois que c’est comme ça qu’il faut le comprendre. Ça ne va pas être simple, mais il faut beaucoup de générosité, de bonne volonté. Il faut des sacrifices aussi si on veut réussir. L’essentiel étant que la Bby sorte victorieuse. Mais, ne vous étonnez pas qu’il y ait des tiraillements et des difficultés.

La question de la tête de liste de la coalition Bby est agitée par certains. Des noms ont été avancés, comme par exemple le maintien de Moustapha Niasse, ou le Premier ministre Boun Abdallah Dionne. Quelle est la position de votre parti, le Rsd ?

Nous sommes des alliés loyaux. Nous l’avions été hier, nous le sommes aujourd’hui, et nous prétendons l’être demain. Par conséquent, ce que nous souhaitons, c’est qu’il faut raison garder. Je pense qu’il ne faut pas qu’on se focalise sur cette question de tête de liste. Le moment venu, avec une large concertation, un consensus va s’établir pour qu’on ait la tête de liste qu’il faut. Je pense qu’il ne faut pas en faire une fixation. Le choix se fera le moment venu. Toutes ces questions sont normales dans une coalition comme celle-là.

Le débat de la cohabitation fait également rage. Y a-t-il risque qu’un tel scénario se produise au Sénégal ? Si oui, quelles peuvent en être les conséquences sur les Institutions?

La cohabitation suppose que l’opposition ait une majorité à l’Assemblée nationale, de manière à ce que les deux puissent habiter ensemble au cas où cette majorité reviendrait à l’opposition. Mais, quelle est la probabilité pour que l’opposition soit aujourd’hui majoritaire à l’Assemblée nationale ? C’est la question qu’il faut se poser. Est-ce que dans le contexte politique du Sénégal l’opposition, telle qu’elle se présente aujourd’hui, a des chances d’être  majoritaire à l’Assemblée nationale ? Mon point de vue personnel, c’est que je n’y crois pas. Je ne vois pas comment, dans le contexte actuel, l’opposition peut gagner la majorité à l’Assemblée nationale.

Pourquoi n’y croyez-vous pas ?

Je ne crois pas parce que nous sommes satisfaits du bilan de ces premières années du président Macky Sall et de sa coalition. Vous-même, si vous regardez le bilan et quand je parle de bilan, je fais référence au résultat de l’action gouvernementale. Je ne parle même pas des militants des partis qui sont à  peine 20% de l’ensemble des électeurs. Je parle des électeurs, globalement des populations du Sénégal. De ce que je ressens, de ce que j’entends, et également de ce que je vois, ce bilan est largement positif. Et je pense que ces Sénégalais-là, nos compatriotes vont rendre à César ce qui appartient à César. Je veux dire qu’ils seront reconnaissants de l’action du gouvernement et cela suffit pour qu’ils puissent, aux prochaines élections, donner une majorité à la coalition Bby. C’est à ça que je crois. Je crois que vous-mêmes, en tant qu’observateurs, constatez que dans ce pays beaucoup de choses ont bougé, tant sur le plan des investissements, sur le plan global, qu’au niveau de l’action sociale qui va directement dans l’amélioration des conditions des populations, à la fois pour la santé, l’éducation, pour ne citer que cela. C’est pourquoi, je ne crois pas à une possible cohabitation, pour répondre plus précisément à votre question.

Est-ce qu’on peut dire que la bataille de Ziguinchor aura bel et bien lieu ?

Il n’y aura pas de bataille, parce que la coalition va gagner, très certainement. Nous n’avons aucune raison de ne pas gagner à Ziguinchor. Ce qui a fait perdre Ziguinchor la dernière fois, c’est que la coalition n’a pas fait une seule liste unique. Mais, cette fois-ci, nous irons avec une seule liste et il n’y aucune raison que nous ne sortions pas vainqueurs. Le Rsd, plus les autres partis, notamment l’Apr, la Ld, l’Afp, le Pit, etc, je pense que nous y arriverons si nous nous mettons ensemble, sans compter les autres électeurs qui constatent que la Casamance, surtout la région de Ziguinchor, dans le bilan dont je viens de parler, occupe une place prépondérante, compte tenu des actions qui ont été menées là-bas, et également de l’engagement que le président Macky Sall a pris pour faire de la Casamance une région particulière, dans une discrimination positive dans différents secteurs d’activités, notamment le secteur touristique, celui de la santé et aussi les infrastructures routières avec les pistes de production, les bateaux, etc. Je crois que la Casamance va rendre sa monnaie au président Macky Sall. C’est la raison pour laquelle je suis confiant que Bby va gagner à Ziguinchor.

Etes-vous pour ou contre la suppression du scrutin majoritaire ?

Je pense que ce qu’il faut, c’est viser la stabilité. La deuxième chose qu’il faut viser, c’est d’avoir au sein de l’Assemblée nationale une large participation des différents partis. Lorsqu’on a plus de 200 partis dans ce pays, je pense que le système actuel est préférable. Ça permet aux petits partis de pouvoir prétendre à avoir un ou deux députés. Sinon, nous risquons d’avoir les partis dominants qui vont être à l’Assemblée. On ne donnera pas la chance aux petits partis d’aller à l’hémicycle. Ce qui ne veut pas dire que je suis favorable à cette inflation de partis dans ce pays. Je pense que le gouvernement réfléchit à cela. Tous les partis d’ailleurs y pensent. Il faut qu’on voie comment réduire, dans un petit pays de 15 millions d’habitants, pour qu’on ne se retrouve pas avec une inflation de partis comme c’est le cas à l’heure actuelle. Mais, en attendant c’est qu’en même le système électoral qui favorise une plus large participation du maximum de partis à l’Assemblée. Mais, il faut qu’on revienne à quelque chose de plus normal en ce qui concerne le nombre de partis au Sénégal. Plus de 200 partis, ce n’est pas gérable, ce n’est pas logique. Regardez les grands pays, ils ont deux ou trois partis.

Parlant de ces grands pays, on constate que les idéologies tranchées semblent disparaitre de plus en plus laissant la place à un renouveau politique avec des leaders qui ne sont pas issus de l’establishment politique. N’avez-vous pas l’impression que les politiques sont de plus en plus rejetés par l’opinion publique ?

Je suis de votre avis. Ce n’est pas un simple sentiment, c’est une réalité. On a comme l’impression que la politique a perdu de sa valeur initiale. La notion de politique a été dévoyée. Ce qui veut dire qu’on constate de plus en plus que l’action politique a été dévoyée. On constate aussi que les acteurs sont de moins en moins appréciés par ceux qui ne font pas la politique. C’est grave dans la mesure où les populations d’une manière générale et un peu partout, ne perçoivent pas d’une manière positive l’action des partis politiques et des acteurs politiques. C’est ce qu’on observe un peu partout. Ce qui vient de se passer en France est encore une preuve. On voit très bien que les partis ont été écartés au profil de la société civile qui joue un rôle de rassembleur. En tout cas, Macron joue un peu ce rôle. Il se positionne comme tel, en rassemblant des éléments de part et d’autre qui ne se réclament pas de l’establishment des grands partis. C’est un phénomène nouveau. Quand vous voyez aux Etats Unis, Trump n’est plus tellement l’homme ou des démocrates ou des républicains. Là aussi, c’est un phénomène nouveau. Je crois qu’il faut que nous prenions cet élément en compte pour ramener la politique à sa fonction essentielle, être au service du peuple. C’est un sacerdoce. Mais, si les acteurs, par leurs gestes, par leurs actions quotidiennes se rendent peu crédibles, ça pose problème. Si, ceux pour lesquels ils sont censés rendre service ne leur font pas confiance, ça pose problème. Si, par leurs gestes quotidiens, on se rend compte qu’ils sont corrompus, qu’ils ne respectent pas leurs engagements ou leurs paroles, ça pose problème. On a comme l’impression que de plus en plus ceux pour lesquels, nous hommes politiques, pensions être au service, ceux-là de plus en plus perdent confiance. C’est un problème et on l’observe non seulement au Sénégal mais aussi dans les pays développés. C’est un phénomène mondial et il faut s’interroger et rectifier.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici