À quelques jours de la célébration de la fête de Tabaski, de nombreux mouvements de population sont attendus. C’est une ruée vers les localités lointaines, pour aller fêter la Tabaski en famille qui fait craindre une propagation de la maladie à Coronavirus. Les autorités sont donc en alerte. Les populations, elles, agissent de manière inconsciente, malgré l’omniprésence de la Covid-19 qui, aujourd’hui, révèle 9 552 cas déclarés positifs, 187 décès, 49 cas graves et 3 000 patients sous traitement.
Loin de prédire l’alourdissement du bilan macabre au Sénégal, toutes les conditions favorables à une augmentation vertigineuse du nombre des malades de la Covid-19 sont déjà là. Ce qui augure également une montée en puissance des cas graves. Les perspectives de ce bilan ne sont pas rassurantes au vu de la situation sanitaire au Sénégal. Et tous les Sénégalais, autorités comme citoyens lambda, devraient s’inquiéter et se mettre en alerte en cette veille de fête où il est attendu une grosse vague de mouvements de population vers les contrées lointaines pour célébrer la fête de Tabaski.
Au Sénégal, s’il faut le rappeler, le bilan est passé au bout de 4 mois, de 79 malades, 8 guéris, zéro décès et 71 patients sous traitement du simple au double voire plus du quintuple. À la date du 30 juin, journée au cours de laquelle le président Macky Sall décrétait la levée de l’état d’urgence, notre pays totalisait 6 698 personnes testées positives, dont 4 341 guéries, 108 décédées et 2 248 actuellement sous traitement et un malade évacué.
Ce samedi 25 juillet, le bilan affiche les 9 552 cas déclarés positifs, 6 364 patients rétablis, 187 décès, 49 cas graves et 3 000 patients sous traitement. La courbe toujours ascendante semble garder encore le cap pour longtemps au vu du comportement des populations. La situation au marché dit ‘’Eglise’’ des Parcelles Assainies, le vendredi jour de ‘’louma’’ (marché hebdomadaire), est tout ce qui illustre ce relâchement des populations. Sur les lieux, la foule est au rendez-vous, des bousculades également y sont notées. Dans cette allée qui passe devant le terminus des bus Tata des lignes 2, 5, 25, 26 et des taxis clandos, il faut même jouer des coudes pour passer. Point de respect des gestes barrières. Et dans ce monde compact, quelques rares personnes portaient des masques. Mais elles constituent une infime partie de cette foule mobile. Cette situation, les populations riveraines sont nombreuses à la dénoncer. M. Diallo, un des commerçants de ce marché, est de ceux-là. Lui, il a fustigé vivement ce relâchement en contactant Dakaractu pour le déplorer. Un autre regard sur la situation au marché Samedi, sur les deux voies de Front de terre, présente le même tableau.
‘’Les efforts de l’État risquent d’être annihilés à cause d’un certain nombre de comportements et d’attitudes’’
À la plage, comme dans les cérémonies familiales durant ces derniers jours, l’insouciance est la chose la mieux partagée. Dans certains coins de la ville, comme dans certaines localités du pays, quelques rares personnes continuent de porter le masque. Une situation qui constitue une menace réelle, un facteur de propagation de la maladie, quand on sait qu’il peut exister des cas asymptomatiques et des cas communautaires dans cette foule.
À moins d’une semaine de la célébration de la fête de Tabaski, les foirails et les marchés s’apprêtent à accueillir du monde. Des vendeurs et des personnes à la recherche d’un bélier sont attendus dans ces lieux de rencontre. Il en sera de même dans les marchés et les gares routières où des foules sont attendues. Que dire des mouvements de population dans les contrées les plus éloignées pour passer la fête en famille ? Quel est le risque encouru avec ce fameux ‘’ziaar’’ de ces populations habituées à aller rendre visite à leurs proches et voisins ? Un ensemble de situations malheureusement favorables à la propagation de la maladie dans le pays. Les populations semblent baisser la garde à propos des mesures barrières. Du côté de l’État, les appels au respect des mesures barrières continuent.
Dans une déclaration qu’elle a faite hier, le Dr Fatou Nar Mbaye Diouf, secrétaire exécutive adjointe du Conseil national de lutte contre le Sida (Cnls) a regretté cette situation qui fait qu’aujourd’hui le monde fait face à l’une des pandémies les plus graves et les plus meurtrières de son histoire. ‘’À cause de la Covid-19 tout à est l’arrêt, personne n’est à l’abri, aucun pays n’est épargné, le système sanitaire n’a jamais été aussi ébranlé. Le bilan est macabre plus d’un millier de personnes infectées et des décédées incalculables. Au Sénégal, le nombre de cas augmente chaque jour, avec son cortège de morts. Cette tendance risque de continuer surtout avec l’augmentation des cas de transmission communautaire facteurs, par excellence, de la propagation rapide de la pandémie’’.
‘’Une deuxième contamination peut s’avérer très dangereuse’’
La secrétaire exécutive adjointe du Cnls a, par ailleurs, salué les efforts déployés par le gouvernement du Sénégal pour endiguer cette pandémie à travers le Ministère de la Santé et de l’Action sociale (Msas). Des efforts qui, selon elle, risquent d’être annihilés à cause d’un certain nombre de comportements et d’attitudes au sein des communautés dont certains membres semblent ne pas mesurer la gravité de la situation. ‘’Il s’agit notamment, entre autres, selon elle, ‘’de la discrimination dont sont victimes le plus souvent les personnes infectées de la Covid-19 et le déni de l’existence même de la maladie. Ces deux phénomènes qui prennent leur source dans la communauté doivent être combattus par une approche communautaire’’.
Les manifestations et autres rassemblements, jadis interdits pour prévenir la propagation de la maladie, ont repris le vendredi 17 juillet 2020. À la place de la Nation, ex-Obélisque, des structures comme Nio Lank, Aar Li Nu Bokk, Doy Na ont initié cette manifestation. Une manifestation autorisée et initiée pour dénoncer la problématique autour du foncier et des démolitions des maisons ; les cas de non-respect des droits des travailleurs ; le respect des droits et des citoyens, entre autres. Heureusement, la mobilisation attendue n’a pas été au rendez-vous. La foule n’a pas répondu à l’appel.
Au vu de ce que plus d’un qualifient de relâchement, tout porterait à croire que c’est l’allègement des mesures décrété par le président Macky Sall qui est à l’origine de cette situation. Celui-ci, dans son dernier message à la Nation avait pourtant clairement légitimé sa décision. Il avait annoncé que ‘’l’issue de notre lutte contre notre ennemi commun dépendra, en grande partie, de nos propres comportements individuels et collectifs’’. Et qu’il nous fallait, par conséquent, redoubler d’efforts dans les attitudes qui empêchent la propagation du virus : se laver fréquemment les mains, respecter la distanciation physique, éviter les rassemblements, non nécessaires, limiter les déplacements et porter correctement le masque’’. Des appels non suivis d’effet.
‘’Certains membres semblent ne pas mesurer la gravité de la situation’’
À preuve, ce discours prononcé pour recommander aux Sénégalais le port obligatoire du masque dans tous les espaces publics, les lieux de travail, publics et privés, les transports et les commerces afin de réduire considérablement la circulation du virus, est vite oublié. Dans ce front uni que tous, dans le monde entier, mènent contre ce terrible fléau, le port du masque est à la fois une mesure de protection de soi-même et de son prochain. Mais, il est aussi un acte de civisme et un engagement patriotique vis-à-vis de la Nation, avait rappelé le président Macky Sall qui, dans son message à la Nation, appelait à une mobilisation de toutes et de tous, pour le respect des gestes barrières et le port systématique et correct du masque.
Décidé à lever l’état d’urgence et le couvre-feu y afférent à la date du 30 juin 2020 à 23 heures, Macky Sall avait pourtant rappelé, en même temps, que l’urgence sanitaire est toujours là et nous impose un devoir : devoir de vigilance, devoir de responsabilité individuelle et devoir de responsabilité collective. Le péril est toujours là, et nous devons continuer la lutte’’.
‘’Le respect des gestes barrières est la meilleure solution pour freiner la propagation’’, a dit le Dr Ibou Guissé. Celui-ci représentait le directeur du Sneips (Service national de l’Education et de l’Information pour la Santé), lors d’une rencontre axée sur la stigmatisation de l’Association des journalistes en population, santé et développement (Ajspd) sur l’atelier sur la stigmatisation et le déni face à la Covid-19. Celui-ci prévient que même les malades guéris de la Covid-19 ne sont pas à l’abri. Et que ‘’la deuxième contamination peut s’avérer très dangereuse’’ pour une personne guérie de la Covid-19.
Les mesures vont être renforcées, on va continuer de sensibiliser et essayer de continuer avec les collectivités territoriales pour que les actions continuent. Dakar, Thiès et Diourbel constituent l’épicentre avec plus de 90 % des cas’’. Et avec ces mouvements de population (pour aller fêter la Tabaski), il y a un vrai risque de contamination. Nous allons continuer de travailler en étroite collaboration avec les collectivités territoriales’’.
Dakaractu