La lettre publiée par l’ancien Président Abdoulaye Wade, ce 29 mai, sur un ton pathétique et compromettant pour l’actuel locataire du Palais Macky Sall, en dit long sur le regain de tension qui anime les relations entre les deux hommes.
La manière dont le document a été écrit, le ton utilisé et les accusations graves qui y figurent et vite démenties et par les avocats de l’État et par l’huissier en question, montrent que la démarche de Wade a été fondamentalement politique.
Très remonté contre Macky qui s’acharne sur son fils au moment où le dossier semblait oublié, Wade n’a qu’un désir, porter l’estocade à Macky afin de ternir à jamais son image. Il sait que les Sénégalais sont particulièrement sensibles aux relations entre père et fils, et surtout sont réfractaires à toute forme d’injustice. Il souhaite ainsi les braquer contre celui qui lui doit tout et qui se braque aujourd’hui contre sa famille et lui.
Cela a au moins le mérite de montrer que le Parti démocratique sénégalais (Pds) va cracher sur toute velléité de rapprochement avec l’actuel Président. Les retrouvailles de la famille libérale se feront peut-être sans Macky. Wade le bannit et prend l’opinion à témoin. Les deux hommes semblent avoir atteint un point de non-retour.
Mais ce n’est tout. Il entend aussi le déshériter au point de lui ôter l’envie d’être son successeur politique.
Une situation qui va, peut-être, profiter à Idrissa Seck, le leader de Rewmi qui, depuis quelques temps, multiplient les déclarations favorables à son ancien mentor.
Certes le retour de Karim Wade est attendu par le Pds qui en a fait son candidat, mais là-dessus, point de certitude. Et c’est peut-être ce qui indispose vraiment le Pape du Sopi, le mettant même hors de lui.
Au regard en effet de la réactivation des procédures judiciaires, notamment en exécution et des menaces de contrainte par corps mais aussi des termes inconnus du « protocole » de Doha, il est fort peu probable que Karim soit de retour avant la présidentielle de 2019.
Tout indique d’ailleurs que Macky s’inscrit, toujours, dans la dynamique de liquidation politique de ses adversaires et cette situation déjoue les plans de Wade. Pourquoi en effet avoir attendu tout ce temps avant de réactiver les procédures contre Karim ? Pourquoi le Qatar après la grâce présidentielle dont il a bénéficiée ? Deux interrogations et bien d’autres qui démontrent, à loisir, le flou qui entoure ce dossier et la bataille politique qui le sous-tend.
Ce dernier riposte par les moyens qu’il a : La communication politique dont le but, ici, c’est de présenter son tombeur de 2012 comme un monstre.
Mais pour arriver au bout de Macky, il faudra plus qu’une lettre publique. Là-dessus, Wade n’a pas encore communiqué sauf à dire et à répéter que « Karim sera de retour ».
A défaut, quel sera le plan B du Pds ? Le parti aura-t-il un autre candidat ? Quelles sont les chances d’une alliance avec le leader de Rewmi ou avec d’autres leaders politiques ?
A coup sûr, Wade n’a pas encore dit son dernier mot.
En tout état de cause, les Sénégalais attendent de lui une communication franche sur les conditions de ce qui ressemble à un transfèrement de son fils à Doha au Qatar. Il est difficile pour l’opinion de ne pas croire à un deal. Et cette même opinion est en droit de se demander si les supposées négociations entre les deux leaders ont eu lieu ou pas.
Depuis l’Affaire Karim Wade, des zones d’ombre planent dans les rapports entre Wade et le locataire du Palais présidentiel.
Et pour convaincre les Sénégalais, il faudra commencer par le commencement et expliquer tout ce qui s’est passé et dérouler une stratégie politique digne de ce nom.
Mais pour le moment, c’est à peine si Wade ne pleurniche pas malgré le respect qu’on lui doit.
S’il est ce génie politique tant chanté, il doit faire face à la stratégie de ses adversaires qui consiste à organiser sa mort politique et celle de son fils.
Mais si Wade continue à communiquer de la sorte avec des sorties fracassantes suivies de longs silences, nous ne serons pas loin de penser qu’il y a, encore, anguille sous roche et que l’on ne nous dit pas tout.
Assane Samb