Suspendu de la cote à la Bourse de Casablanca, le promoteur immobilier marocain CGI vit l’un des moments les plus difficiles de son histoire. Décryptage.
Le Conseil déontologique des valeurs mobilières a ordonné ce jeudi 16 octobre, au matin, la suspension du titre CGI de la cote à la Bourse de Casablanca. Objectif : « Empêcher les mouvements erratiques sur le titre, et éviter aux petits porteurs des pertes colossales », explique une source autorisée au sein de l’autorité du marché casablancais.
Cette décision fait suite à la comparution, mercredi 15 octobre, du directeur général du promoteur immobilier marocain, Ali Ghannam, devant le procureur du roi auprès de la cour d’appel de Fès, chargé des délits financiers. Anass Alami, le puissant patron de la Caisse de dépôt et de gestion CDG), maison mère du promoteur immobilier, ainsi qu’une vingtaine de cadres et d’employés du groupe ont également été auditionnés.
Les prévenus, 23 au total, sont poursuivis pour escroquerie, dilapidation de deniers publics et constitution de bande criminelle. De lourdes accusations qui font suite à l’enquête initiée par le roi en août dernier et confiée à la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ), à l’Inspection générale des finances et ) l’Inspection générale de l’administration territoriale.
Colère royale
À l’origine de cette affaire : des plaintes adressées au roi par des clients de la CGI dans la ville de Al Hoceima, dans le nord-est du Maroc. Le projet en question n’est autre que « Madinat Badès », un complexe résidentiel dont les travaux ont été lancés en 2003 et qui visait la construction de 2 100 logements.
« Il y avait plusieurs défaillances techniques. En plus du retard sur la livraison, la qualité des matériaux utilisés et des équipements ne respectait pas le cahier des charges de départ. Les clients ont épuisé tous les recours possibles avant de saisir directement le roi, qui se trouvait sur place pour ses vacances d’été », explique un élu local.
Mieux, l’enquête qui devait concerner initialement le seul pôle urbain de Madinat Badès a été étendue à tous les programmes de logement de la CGI dans le nord du pays, notamment à Tanger et à Nador. « Nous avons trouvé des irrégularités à la pelle, sans compter les dépassements budgétaires, souvent injustifiés. Mais nous ne pouvons rien dire de plus, pour ne pas violer le secret d’instruction », explique une source à la BNPJ.
Le dossier, aujourd’hui entre les mains du parquet général de Fès, devrait être transféré dans les prochains jours au juge d’instruction auprès de la Cour d’appel de la même ville. En attendant, « les 23 prévenus continueront de jouir de leur liberté », assure une source judiciaire.
Des têtes allaient tomber tomber
Perçue parfois comme une chasse aux sorcières au sein de la plus importante institution financière du pays, cette affaire choque les milieux des affaires, notamment ceux de la construction et de la promotion immobilière. « Les retards dans les livraisons et les défaillances techniques font partie du métier. Et des lois sont justement là pour réguler ce genre de problèmes. Notre crainte, c’est que cette affaire serve d’argument pour jeter à la vindicte populaire des gens connus pour leur sérieux et leur professionnalisme », signale le patron d’un grand groupe immobilier, membre de la Fédération marocaine des promoteurs immobiliers.
Une chose est sûre, quelle que soit l’issue de ce feuilleton judiciaire, des têtes vont tomber. À commencer par celle d’Anass Alami, 54 ans, DG de la CDG depuis juin 2009. Les noms de ses remplaçants circulent déjà. Certains évoquent Ahmed Reda Chami, ancien dirigeant du groupe Saham et ex-ministre du Commerce et de l’Industrie sous Abbas El Fassi, quand d’autres avancent le nom de Said Ibrahimi, l’actuel patron de Casablanca Finance City.