Ce mardi, jour de Magal de Touba, une ambiance de ville morte plane au centre-ville de Dakar. C’est le calme plat. Habituellement encombrées par une circulation intense, les rues désertes en pleine journée, constituent un paysage inédit. Les effets du Grand Magal de Touba, célébrant le départ d’exil de Cheikh Ahmadou Bamba, sont passés par là.
À l’avenue Peytavin complètement déserte, le seul vendeur qu’on y croise s’appelle Samba Ba. Nous l’avons trouvé en train de ranger les tableaux d’arts qu’il propose à ses potentiels clients. Vêtu d’un tee-shirt blanc d’une propreté douteuse, assorti d’un pantalon marron, le visage couvert d’un masque pour respecter l’une des mesures barrières en cette période du coronavirus, Samba Ba se nourrit d’espoir d’écouler sa marchandise. Car, à son avis, ses activités marchent quand le centre-ville est vide.
« En cette période que les étrangers qui logent aux alentours sortent pour acheter des objets d’art. Comme je ne suis pas allé à Touba, je préfère venir travailler que de rester à la maison », explique-t-il tout en continuant à superposer sur ses œuvres d’art dont le prix unitaire varie entre 1000 francs CFA et 15 000 francs CFA.
Au rond-point Sandaga, délimité par les avenues Lamine Gueye et Ponty c’est le même panorama qui se dessine. Jadis grouillant de monde et très animé, l’endroit est paisible en ce jour Magal. Les magasins sont presque tous fermés. Seuls quelques-uns sont ouvert et les clients se font désirer. La circulation est fluide. Des policiers, adossés sur leur véhicule, discutent au moment où un de leurs collègues contrôle les quelques rares voitures qui empruntent cet axe. Une poignée de vendeurs à la sauvette est présente sur place.
Mame Ass fait partie de ce lot. De forte corpulence, il vend des vêtements pour enfants. Assis sur un tabouret, il dévore un pain sandwich. Il respecte le petit déjeuner comme il respecte les cinq prières de la journée. C’est du moins ce qu’il a fait savoir dès l’entame de son propos. « Il faut manger pour vivre », dit-il sur un ton ironique avant de reprendre son sérieux. Résidant à Pikine, il dit être conscient que ses activités sont au ralenti en cette période de Magal mais, en bon père de famille qui a d’énormes charges, il n’ose pas rester chez lui. « Je sais que les clients se feront rares aujourd’hui d’autant plus que tout le monde est à Touba mais, on ne sait jamais. La chance, appartenant à ceux qui se lèvent tôt, peut nous sourire à tout moment », dit-il.
À quelques pas de lui, est assise Astou Yade, une dame sérère qui a quitté son Réfane natale à la recherche d’une vie meilleure dans la capitale sénégalaise. Elle vend des pains de singe, de l’oseille rouge, du gingembre. « Depuis que je suis là, je ne fais que tourner les pouces. Je n’ai vendu un seul franc. Je pense que je vais plier bagages et rentrer chez moi à Niarry, me reposer jusqu’à jeudi. Là, je perds mon temps pour rien », lâche-t-elle sur un air qui révèle toute sa désolation.
À l’image de l’avenue Lamine Gueye, du boulevard de la république et de l’avenue Peytavin, la place de l’indépendance s’ennuie sans les va et vient de ses envahisseurs. Les banquettes édifiées sur place sont quasi vides. Deux jeunes filles, vendeuses d’eau fraiche, se prélassent sur l’une d’elles après avoir beaucoup marché à la recherche de clients. Toutes les deux des élèves, elles sont venues passer les grandes vacances à Dakar afin d’avoir de quoi préparer la rentrée prochaine. Elles travaillent pour leur propre compte.
« En temps normal, à pareille heure (Ndlr :10h), on parvenait à écouler au moins, deux sacs de sachets d’eau. Mais, aujourd’hui on peine à vendre un sac. Mais c’est du au Magal. Tout le monde est à Touba, les commerces ne sont pas ouverts. Il n’y a pas d’acheteurs », regrette l’une d’elles sous le couvert de l’anonymat.