Référendum : Macky veut le beurre et l’argent du beurre. Laïcité oblige !
En 2012, le candidat Macky Sall déclara : « J’ai pris l’engagement que si je suis élu, ce mandat pour lequel je serai élu et qui est de sept ans, je le limiterai à cinq ans ». On s’écria : « Waa jaa ngi ! Voilà l’homme de la situation ! Voilà le Messie ! »
Une fois élu, le président Macky Sall rappelle : « Il est question de servir et non de se servir. Déjà, comme vous le savez, j’ai décidé de ramener à cinq ans le mandat de sept ans pour lequel je suis élu sous l’empire de l’actuelle Constitution. » « Pour revenir à une norme d’un mandat de cinq ans, j’ai décidé d’appliquer une réduction sur mon propre mandat ». On l’a cru. Ndeketeyoo ! Peu à peu, les « tànki buki » apparaissent. « Je me suis fixé comme horizon de réaliser un mandat de cinq ans, MAIS, comme j’ai été élu pour sept ans, il faut une réforme de la Constitution pour procéder à la réduction. » Une journaliste de Tv5 lui demande s’il va limiter son mandat actuel à cinq ans et il répond, dans son français à lui : « Je ne suis pas du tout obligé à le faire. J’ai voulu le faire pour donner l’exemple, mais mon prédécesseur lui-même était dans le même cas puisque il a été élu sur un régime de sept ans. En cours de mandat, il a fait adopter une Constitution de cinq ans, mais il a précisé que le mandat en cours devait aller jusqu’à son terme, donc au terme de sept ans. Puis, il a fait un mandat de cinq ans. Moi, je veux donner l’exemple que on peut renoncer, que le pouvoir n’est pas une fin en soi. » Non, Wade n’était pas dans le même cas. Wade n’avait pas, avant et après son élection, pris l’engagement, la décision de réduire son premier mandat de sept à cinq ans. Et puis, quel exemple veut donner Macky Sall en suivant et maladroitement les pas désastreux de son prédécesseur ?
En mars 2015, il déclare : « Je demanderai l’avis du Conseil constitutionnel et je soumettrai un référendum d’abord sur le mandat et puis sur quelques autres aspects pour consolider notre démocratie. (…) Si le peuple refuse, ça veut dire que le peuple a besoin que je fasse sept ans. S’ils disent « oui », ça veut dire qu’ils ont suivi ma proposition et en ce moment si c’est validé, c’est en février 2017 que se fera l’élection présidentielle, au lieu de 2019. » Tiens, il ne s’agit plus d’engagement, mais de proposition. Ça devient tortueux. Il a donc fallu trois années d’attente pour l’entendre dire que ce qui était sûr à 100% en 2012 ne l’était plus qu’à 50% en 2015. Dans son discours à la nation du 31 décembre 2015, il cite enfin les points sur lesquels porte la révision constitutionnelle. 15 points au total dont deux ont particulièrement retenu l’attention.
Le premier, tout le monde s’y attendait car c’était la principale, voire la seule raison d’être de ce référendum : « La restauration du quinquennat pour le mandat présidentiel, y compris la question de l’applicabilité immédiate de la réduction à cinq ans du mandat de sept ans en cours ». Sur ce point, il est évident que Macky devrait être le premier à voter « oui », suivi de tous ses partisans. Et il serait étonnant que ses opposants et une bonne couche de la population pour qui « dëkk bi daa Macky » votent « non ».
Le deuxième point, très flou, est « l’intangibilité des dispositions relatives à la forme républicaine, la laïcité, le caractère indivisible, démocratique et décentralisé de l’État, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ». Intangible, ça signifie qu’on n’y touchera plus jamais, que ça restera tel quel jusqu’à la fin des temps, sans aucune possibilité de modification, « ba abadan ». L’autre mot qui intrigue est « laïcité ». Qui d’entre nous peut traduire ce mot dont le sens varie sans cesse ? Nous sommes nombreux à croire que dans une république laïque, l’État assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion. Qu’il respecte toutes les croyances et garantie la liberté de culte. Mais n’oublions pas qu’à un moment de l’histoire française, la laïcité était une « conception et organisation de la société fondée sur la séparation de l’Église et de l’État et qui exclut les Églises de l’exercice de tout pouvoir politique ou administratif, et, en particulier, de l’organisation de l’enseignement. » Avant, c’était l’Église qui se chargeait de l’éducation des enfants jusqu’à l’université. La laïcité a chassé les hommes de Dieu. Résultat : la plupart des Français sont devenus athées.
Actuellement, dans cette France dont nous copions les lois ou qui nous les dicte peut-être, la laïcité a pris un sens bien inquiétant. Il est permis de croire en Dieu, mais interdit de Lui obéir comme Il l’ordonne. Ce n’est plus à Dieu de dire ce que les hommes doivent ou ne doivent pas faire. Seul l’État a ce droit et ce pouvoir. Dans certaines écoles où il y a beaucoup d’élèves qui ne mangent pas de porc pour des raisons religieuses, il y avait un plat de substitution à la cantine quand le porc était au menu. Ça a fonctionné pendant une trentaine d’années sans déranger personne. Maintenant, la laïcité exige que les plats de substitution soient supprimés. Quand c’est du porc, c’est du porc et rien d’autre. Une lycéenne musulmane a été renvoyée parce que sa jupe a été jugée « trop longue ». Une élue musulmane porte le voile, ça suscite un tollé, et ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d’autres. Au lieu de respecter les croyances et les protéger, la laïcité les attaque et les détruit. Il est par conséquent normal que l’intangibilité de la laïcité prônée par Macky pose problème dans la conscience de bon nombre d’électeurs.
En février 2016, ne voulant plus prendre de risque sur son mandat en cours, Macky déclare qu’il fera sept ans au lieu de cinq. Et voila ! La messe est dite ! Il a le beurre. A quoi bon donc organiser un référendum ? Eh bien, il veut aussi l’argent du beurre. Il tient à faire passer son point sur la laïcité et d’autres tout aussi obscurs. « Ah non ! entend-on dire. Macky ne voulait faire que cinq ans, mais la Constitution en a décidé autrement. C’est la volonté de Dieu. Masa, Macky ! Ndeysaan ! » Comment quelqu’un qui a été dans l’appareil étatique pendant longtemps, a été ministre, Premier ministre, président de l’Assemblée nationale, pouvait-il ignorer la position du Conseil constitutionnel sur cette question ? Comment peut-on prétendre au poste de « gardien de la Constitution » et puis l’occuper pendant quatre ans sans savoir ce que dit la Constitution sur la rétroactivité et la non-rétroactivité ?
Mais bon, il ne respectera pas son engagement et le peuple n’y peut rien. La pilule est passée. Il lance alors l’appel au « oui ». Certains de ses partisans, et pas des moindres, qui avaient décidé de voter « non » quand la réduction du mandat en cours était concernée, battent maintenant campagne pour le « oui », montrant ainsi que seul le pouvoir les intéresse et non l’intérêt de la nation. Mais au Sénégal, les croyants, musulmans et catholiques, sont très largement majoritaires et se soucient de leurs religions. L’intangibilité de la laïcité les inquiète et certains actes posés par le président Macky Sall ne les rassurent guère. Il a décidé de « moderniser » les « daara » sans inclure les maîtres coraniques dans les concertations. Il veut former ou formater les imams en leur apprenant la philosophie et la théologie, comme les dirigeants de la France laïque l’ont décidé chez eux. Des imams sont mis en prison parce que « soupçonnés de… » et des homosexuels pris la main dans le sac sont relâchés. Une mosquée a été fermée pendant que les loges maçonniques gagnent du terrain. Il se trouve aussi que Macky a choisi d’organiser son référendum le 20 mars qui correspond au dimanche des Rameaux. D’aucuns lui ont conseillé de reporter le référendum, ne serait-ce que par respect pour la communauté chrétienne. Hors de question. Face à la laïcité, c’est Dieu qui doit reculer. Cette pilule-ci ne passera pas.
Alors, Macky retire l’intangibilité de la laïcité, mais tient fébrilement à son référendum précipité et onéreux. Il a reculé, mais n’a cédé que la moitié de l’argent du beurre. Il a retiré l’intangibilité, mais la laïcité, avec toute son ambiguïté, reste dans la Constitution dont l’article premier commence par « La République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. » Nombreux sont ceux qui pensent qu’au lieu de songer à rendre intangible un mot dont on ne comprend pas forcément le sens, il faudrait plutôt le supprimer, d’autant plus que la phrase suivante, toujours dans cet article premier, dit clairement : « Elle (la République) assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes les croyances. » Ceci est accepté par tout le peuple et n’a jamais posé de problème. Pourquoi donc y maintenir ou vouloir y rajouter un mot de trop ?
Mieux vaut voter « non », laisser Macky rêver de rester 14 ou 17 ans au pouvoir, et attendre qu’un prochain président vienne proposer un référendum sur la réduction du mandat et mettre certains points de la Constitution en adéquation avec les réalités du pays et les aspirations du peuple.
Bathie Ngoye Thiam