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RÉCIT. « Je vais mourir, j’aurais tellement voulu vous embrasser une dernière fois » : la nuit de cauchemar des habitants de la tour Grenfell

Il y a une semaine, un incendie a complètement détruit une tour de logements sociaux à Londres. Le bilan, lourd de 79 victimes, pourrait encore s’aggraver. Retour sur une nuit infernale.

 

© Fournis par Francetv info « C’est injuste, j’avais toute la vie devant moi. » Au téléphone avec ses parents, Gloria Trevisan, 26 ans, est bloquée au 23e étage de la tour Grenfell, où un incendie sévit depuis plusieurs heures. La jeune

femme se sait condamnée, elle adresse à ses parents ces adieux déchirants : « Je vais mourir, j’aurais tellement voulu vous embrasser une dernière fois, j’aurais tellement voulu vous aider. Désormais, je vais aller au paradis et j’espère vous aider de là-haut. »

Ces bribes de conversation, transmises par les parents de Gloria Trevisan à la presse italienne, sont leurs derniers échanges, mercredi 14 juin, vers 4 heures du matin. Elles nous plongent dans l’enfer qu’ont vécu les habitants de la tour Grenfell, un immeuble de 24 étages au cœur de Londres qui logeait quelque 600 personnes. Le feu, qui a brûlé pendant plus de 24 heures, a coûté la vie, selon un dernier bilan provisoire, à 79 personnes, prises au piège dans le brasier. Franceinfo retrace cette nuit d’horreur.

Surpris dans leur sommeil

Le feu se déclare au 4e étage de la tour, peu avant 1 heure du matin. Les pompiers sont alertés à 1h29 et arrivent sur les lieux en moins de six minutes. Dans leur course à bord de leur camion, ils voient de loin la tour, déjà ravagée par les flammes. « Comment est-ce possible ? Comment est-ce que cela a pu se produire ? » Ils n’en croient pas leurs yeux. « Jésus-Christ, il y a des enfants là-dedans », lâche l’un d’eux, sûrement plus pour lui-même que pour ses collègues. Ils prennent alors tous conscience de l’ampleur de la catastrophe.

Ils savent que l’intervention va mettre à l’épreuve leur endurance et leur courage. L’un d’eux tweete une photo de son casque et ce message : « On sait que ça ne va pas être bon quand on nous dit de marquer nos noms sur nos casques. » Comme le présage du pire : cette inscription doit servir à reconnaître le corps du soldat du feu s’il lui arrive malheur.

Jessica Urbano, âgée de 12 ans, est l’une des enfants qui dormait dans la tour lorsque le feu s’est déclaré : « Jessica était endormie dans notre appartement quand quelque chose l’a réveillée – je ne sais pas si c’était la fumée ou l’alarme incendie –, donc elle m’a appelée à 1h39 alors que je rentrais du travail », raconte sa mère, Adriana Urbano, au Telegraph (lien en anglais). Inquiète, sa fille lui demande : « Maman, où es-tu ? Maman, viens me chercher. »

Je lui ai dit de sortir de là aussi vite qu’elle le pouvait. Je lui ai dit : ‘Cours aussi vite que possible.’ Mais la ligne a été coupée.

Adriana Urbano

au « Telegraph »

Michael Paramasivan a eu de la chance, lui ne dormait pas encore quand l’incendie s’est déclenché. Interrogé par une journaliste de Good Morning Britain (vidéo en anglais), il explique qu’il a commencé à sentir une odeur de plastique brûlé au moment d’aller se coucher. Après avoir vérifié les appareils branchés aux prises, il ouvre la fenêtre pour fumer une cigarette. Mais l’odeur est remplacée par les cris, qui viennent des étages inférieurs. Il se précipite alors vers sa porte. A travers l’œil-de-bœuf, il voit le couloir rempli de fumée. Il a juste le temps d’enfiler une robe de chambre, de réveiller sa compagne, sa fille de 5 ans et d’attraper une peluche au passage. Du 7e étage, ils auront le temps de s’extirper du bâtiment, indemnes.

Si les résidents des étages inférieurs peuvent évacuer le bâtiment, la tâche se révèle plus difficile pour les habitants du haut de la tour. Certaines familles se barricadent dans leur logement après en avoir reçu l’instruction par téléphone des services d’urgence et colmatent les embrasures de porte en attendant les secours. explique la BBC(lien en anglais). Cette technique est connue pour être efficace dans les bâtiments bien compartimentés, pour éviter l’évacuation inutile d’appartements et l’engorgement des sorties de secours. Mais l’incendie se propage à une vitesse incroyable, rappelle à la BBC Elfyn Edwards, un expert de la sécurité incendie. Incontrôlable, il atteint le sommet de l’immeuble en moins de deux heures et finit par piéger tous les résidents qui ne sont pas sortis à temps.

« Nous sommes bloqués »

Gloria Trevisan et Marco Gottardi, jeune couple d’architectes italiens, sont au 23e étage de la tour, qui en compte 24. Ils restent en contact avec leurs proches par téléphone aux premières heures de l’incendie. Vers 2 heures du matin, Marco Gottardi est encore calme et tente de rassurer son père : « Il y a beaucoup de fumée, mais ne t’en fais pas, nous attendons les secours ». Une heure plus tard, le message de sa compagne est plus inquiétant : « D’ici nous ne pouvons pas sortir, nous sommes bloqués. »

C’est à cette heure-là, vers 3 heures du matin, que cinq étages plus bas, la famille Shawo et leurs voisins décident finalement de défier les instructions des services d’urgence et la fumée, épaisse, qui remplit l’escalier de secours.« C’était très dur de voir quoi que ce soit, très sombre, et il y avait de la fumée »,rapporte Genet Shawo à The Independent (lien en anglais).Son voisin tient alors la main de son fils Isaac, 5 ans.A la sortie de l’immeuble, elle se retrouve avec son mari et son fils Lucas. « J’ai dit : ‘Où est Isaac ?’ Mais [le voisin] m’a répondu : ‘Je l’ai perdu.' » Le petit garçon est toujours porté disparu.

A 4 heures du matin, Gloria Trevisan, dans son appartement du 23e étage, se sait condamnée. Elle rappelle ses parents : « C’est injuste, j’avais toute la vie devant moi. Je vais mourir, j’aurais tellement voulu vous embrasser une dernière fois, j’aurais tellement voulu vous aider. Désormais, je vais aller au paradis et j’espère vous aider de là-haut. »

Les personnes rassemblées en bas de la tour ne peuvent qu’assister, impuissants, à l’agonie de leurs voisins pris au piège, penchés à leurs fenêtres. « Là où le feu s’était propagé, les gens étaient à leur fenêtre pour essayer de respirer un peu d’air frais, d’inspirer, ils étaient en train de lutter », décrit un témoin à 5 News(vidéo en anglais). D’autres affirment ont aussi vu des habitants désespérés se jeter par les fenêtres du haut de l’immeuble, rapporte The Independent.

Je n’ai jamais rien vu de tel, ça m’a rappelé le 11-Septembre.

un témoin

à « The Guardian »

Une femme a même tenté l’impossible pour sauver son bébé des flammes en le lâchant par la fenêtre du 9e ou 10e étage. « Un homme a couru et a miraculeusement rattrapé l’enfant », raconte un témoin à 5 News (vidéo en anglais). Mais impossible de savoir ce que sont devenus l’enfant et sa mère.

Plus de 24 heures pour venir à bout des flammes

Alors que les pompiers continuaient à batailler contre les flammes, les rescapés, eux errent. Michael Paramasivan est au pied de la tour, hagard. Il parle aux journalistes toujours en robe de chambre et claquettes, l’enfant de sa compagne dans les bras et sa peluche sous le coude.

Beaucoup sont à la recherche de leurs proches. Des affiches sont distribuées avec la photo de la petite Jessica Urbano. A ce jour, elle est toujours portée disparue.

« J’ai envie que quelqu’un me pince pour que je puisse juste me réveiller, parce que j’ai l’impression d’être dans un rêve. […] Les gens se déplacent comme des zombies. Tout est parti, ils ont perdu leur famille, des amis, leur maison, leur identité », décrit la rescapée Aayla Moses, au bord des larmes, à Sky News.

Les pompiers viennent finalement à bout du feu jeudi à 1h14, plus de 24 heures après le début de l’incendie. « En vingt-neuf années de carrière chez les sapeurs-pompiers, je n’avais jamais rien vu de cette ampleur », a déclaré Dany Cotton, la cheffe des pompiers de Londres.

Une semaine plus tard, les recherches se poursuivent, en coopération avec les secours, pour retrouver les corps des victimes. Le bilan actuel est de 79 victimes, mais pourrait encore s’alourdir. Stuart Cundy, un chef de la police, a prévenu que certains corps pourraient ne jamais être identifiés.

Et pour les rescapés, un autre enfer commence : celui des batailles judiciaires pour être indemnisés et surtout comprendre pourquoi le feu s’est déclaré et a si rapidement détruit leur immeuble.

msn.com

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