Connu et reconnu dans le milieu du marketing des affaires, Assane Mbengue est le nouveau Directeur général de la société de transport public Dakar Dem Dikk. À 44 ans, le responsable de Pastef/Yoff et ex-chargé de l’organisation et de la logistique de la « coalition Diomaye Président », est un homme de challenges. Il a réussi à faire ses preuves dans le privé en tant qu’entrepreneur. Qu’en sera-t-il dans l’une des sociétés publiques les plus tumultueuses ?
Il a les yeux qui brillent de bonheur et de fierté. Ce 2 avril 2024, à Diamniadio, Assane Mbengue éjecte de son cerveau, les souvenirs sur le long parcours parsemé d’embûches des responsables de Pastef. Dans un appartement privé à Yoff Virage où on le retrouve, le responsable de Pastef/Yoff se tait un moment, ferme les yeux et lâche: «Ce jour- là, il s’est passé dans ma tête énormément de choses. Ce sont des souvenirs de souffrance, de rêve…Des gens ont donné de leur vie pour ce projet, des vies ont été brisées… Au moment le plus difficile de la lutte, ils ont redoublé d’efforts ». Un mois plus tard, pile-poil, après l’investiture du Président Bassirou Diomaye Faye, le 2 mai 2024, Assane Mbengue est nommé Directeur général de la société de transport public Dakar Dem Dikk. Il est chargé de conduire les destinées d’un bus au trajet assez tumultueux. Une boîte où les syndicalistes peuvent faire et défaire des destins.
Mais Assane Mbengue, qui capitalise une dizaine d’années d’expérience sur le plan national et international, dans le domaine du marketing des services, est un homme de challenges. « Beaucoup de personnes m’assimilent à un organisateur des grands évènements de Pastef. C’est un background professionnel qui permet de réaliser toutes ces manifestations. Je suis un jeune entrepreneur, à la tête de la Société par actions simplifiée (Sas), où je suis actionnaire à 75% qui opère ici, mais qui est en train de se développer dans la sous-région », se présente-t-il, humblement.
Moustache bien arrangée, le visage rondelet, l’homme de près d’1m 80 fait partie des hommes de l’ombre de Pastef. Toute sa vie durant, Assane Mbengue, 44 ans, a su affronter le cours du destin pour se tracer une voie vers la réussite.
Malgré la Covid-19, la période difficile du parti Pastef, la disparition de sa mère, il a tenu bon pour avancer, pour se faire une place au soleil. Tel un phoenix, il a su renaître de ses cendres, chaque fois que les circonstances lui étaient défavorables. Il n’a pas la popularité d’un Ousmane Sonko, d’un Diomaye Faye ou d’un El Malick Ndiaye, mais il n’en demeure pas moins la plaque tournante de ce parti, en matière d’organisation et de logistique. Le dernier défi qui s’est dressé sur son chemin, a été la durée de la campagne électorale de l’élection présidentielle de 24 mars 2024. «On travaille toujours sur des formules de solution. Il fallait faire une campagne en 10 jours. L’idée de faire différentes caravanes, je l’ai proposée. Cela nous a permis de faire le meilleur taux de couverture. On avait deux équipes.
Chaque fois qu’il y avait le président Sonko ou le président Diomaye, il y avait des affluences. On n’avait pas le temps de se dire que ce n’est pas possible. Dans la vie, il faut être ingénieux», théorise-t-il.
Entrepreneur en marketing des services
Cette même ingéniosité, il va en falloir à ce Lébou désormais placé sous le feu des projecteurs, après des années dans l’ombre. « Je crois fermement que Dakar Dem Dikk a un très fort potentiel.
Si l’on veut remettre ce pays sur les rails, on ne peut le faire qu’avec les populations. On ne vient pas en guerre. On est avec eux pour trouver, de façon humble, les solutions pour le bien des usagers, mais ensuite, pour améliorer les conditions de travail de ces gens. Ce n’est pas impossible », expose-t-il.
Son histoire a débuté à Yoff, village traditionnel lébou où les préjugés prédisent un destin de pêcheur aux autochtones. « Je suis né à Yoff où j’ai d’abord fait mes classes primaires jusqu’à la classe de CE2. Ensuite, j’ai migré à Cambérène, où j’ai terminé l’élémentaire, parce que j’avais un grand frère qui était affecté là-bas», décline-t-il, crâne rasé, le sourire nostalgique.
Après le Bac décroché en 2001, au Lycée des Parcelles assainies, Assane Mbengue a fait une pause d’une année. Puis, il s’inscrit en Gestion hôtelière et touristique à l’École nationale supérieure universitaire de technologie, actuelle École supérieure polytechnique (Esp). « J’ai arrêté au bout d’une année parce que je ne me sentais pas à l’aise. J’ai compris que ce n’était pas ce que je voulais faire », raconte-t-il.
La suite se passe entre Maroc, Dakar et Londres. Dans le royaume chérifien, il obtient le Diplôme de technicien supérieur en commerce international à Sup Management de Fès. Revenu au bercail, il obtient un Bachelor en Administration des affaires et un Master 2 en Marketing à l’Institut africain de management (lam). Cap sur la capitale anglaise, où il amasse des certifications liées aux domaines de la communication, du marketing, mais surtout, au marketing des services.
Doté d’une certaine expérience dans beaucoup de secteurs comme la communication et le commerce, Assane Mbengue fait du marketing des services, son domaine de prédilection. « On a une marque que nous sommes les seuls à développer en Afrique de l’Ouest. Il s’agit de Kolibri, la seule marque africaine spécialisée dans le marketing olfactif. C’est du marketing des services.
Si vous allez dans les grandes chaines hôtelières, vous verrez qu’il y a chaque fois des senteurs qui vous accueillent. Ce sont des signatures qu’on a créées en laboratoire », explique-t-il. Ses collaborations avec Samsung, Arla Food ou la Banque nationale pour le développement économique (Bnde), font de son entreprise, une incontournable dans le secteur. « Nous travaillons avec 90% des banques de la place et l’on a un pied à Abidjan, où nous avons des contrats avec des hôteliers», note-t-il.
Entré au Pastef en fin 2016
Alors qu’il menait tranquillement sa vie d’entrepreneur, loin des tumultes de la scène politique, Assane Mbengue est tombé sous le charme du discours de Ousmane Sonko. Le leader de Pastef, révoqué en août 2016, pour « manquement à l’obligation de discrétion professionnelle », séduit, par sa démarche, en nette rupture avec la classe politique traditionnelle. On est en fin 2016, Assane Mbengue, né le 12 décembre 1979, à Yoff, décide de s’engager avec les «Patriotes». Il appelle sur le numéro du siège qui se trouve justement à Yoff. Le rendez-vous est fixé pour rencontrer l’actuel Premier ministre. « J’ai posé un certain nombre de questions et le président Sonko a répondu humblement, avec une forte personnalité. J’ai trouvé quelqu’un qui croyait fermement à ses idées. Séance tenante, il m’a mis en relation avec El Malick Ndiaye. Depuis, on s’est engagé de manière active », narre-t-il.
Tour à tour, il est devenu un personnage central dans l’appareil Pastef. Du Mouvement national des cadres patriotes au secrétariat national à la communication, il avait la charge, lors de la campagne, de l’organisation et la logistique de la coalition « Diomaye Président ». « De 2017 au dernier meeting, tout ce qui s’est fait dans ce parti en termes d’évènements et de concepts, d’organisation et de logistique, j’ai été l’un des principaux artisans », rappelle- t-il. À Yoff, il aurait pu bomber le torse comme c’est le cas actuellement, en revendiquant le titre coutumier de son défunt père El Hadji Baida Mbengue, ancien « Saltigué » de Yoff et assesseur au Tribunal de Dakar. Si le pater était consulté par les Présidents Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf sur le rôle de la coutume pour la stabilité du pays, Assane qui a deux frères « Saltigué », a préféré un autre chemin. « Je respecte la coutume parce que je suis Lébou, mais je ne peux pas me satisfaire uniquement des titres de mon père pour vivre », objecte l’homme aux deux épouses comme le Président Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko.
En 2022, il a été investi comme candidat de Pastef à la mairie de Yoff par son parti, mais il a été éjecté au dernier moment, pour faire de la place à l’actuel maire, Seydina Issa Laye Samb, dans le cadre de la coalition « Yewwi askan wi». Quelques mois plus tard, Pastef le met sur la liste de Dakar pour les Législatives, mais il a été sacrifié à la dernière minute, au nom de l’inter coalition « Yewwi-Wallu ». « Je n’ai jamais contesté les décisions du parti. On ne m’a jamais entendu me plaindre », dit-il. Aujourd’hui, Directeur général de Dakar Dem Dikk, Assane Mbengue, frère du Saltigué Mamadou Mbengue, coordonnateur du collectif des 121 villages Lébou, illustre bien le propos de l’un des précurseurs de la Pléiade, en l’occurrence Clément Marot, à savoir « tout vient à point à qui sait attendre ».