Boko Haram, groupe jihadiste nigérian qui a prêté allégeance à l’organisation Etat islamique, a un nouveau chef selon Al Nabaa, hebdomadaire officiel de l’EI, qui relance les spéculations sur la disparition d’Abubakar Shekau à la tête du mouvement.
L’insaisissable chef de Boko Haram, plusieurs fois donné pour mort, avait pris la tête de la secte islamiste en 2009, après l’exécution de son fondateur Mohammed Yusuf par les forces de l’ordre.
Homme réputé radical et très violent, coutumier de déclarations médiatiques fracassantes, Shekau a fait de Boko Haram une des rébellions les plus terribles de la planète. L’insurrection – et sa répression par les forces de l’ordre – ont fait au moins 20.000 morts et 2,6 millions de réfugiés dans le nord-est du Nigeria et les régions frontalières des pays voisins, autour du lac Tchad.
« Dans son premier entretien avec le journal Al Nabaa après sa désignation comme Wali (chef) sur l’Afrique de l’Ouest, cheikh Abou Mosab Al Barnaoui parle de l’histoire du jihad dans cette région », annonce le journal de l’EI dans son numéro 41 daté de mardi.
Jusqu’à présent, même si le groupe jihadiste nigérian apparaît divisé, Abubakar Shekau n’a jamais été officiellement démis de ses fonctions de leader.
Mais dans son entretien avec Al Nabaa, Al Barnaoui ne fait aucune référence claire au sort du chef reconnu du mouvement, qui se fait appeler Jama’at Ahl al-Sunnah Lil Dawa Wal Jihad (la Province ouest africaine de l’Organisation de l’Etat Islamique) depuis son allégeance à l’EI en mars 2015.
Barnaoui est apparu à plusieurs reprises dans des vidéos relatant les attaques du groupe, ce qui lui valait d’être considéré comme le porte-parole de Boko Haram par les experts, ce qu’a toujours réfuté Shekau lui-même, affirmant « qu’il n’y a qu’un seul porte-parole », Abou Zinnira.
« Il (Barnaoui) est très expressif et précis sur l’organisation et sur ses objectifs », analyse Kyle Shideler du Center for Security Policy, basé à Washington. « Si Shekau est toujours vivant, ça montre que l’EI veut le remplacer » par Barnaoui.
– Un mouvement divisé et affaibli –
Les spéculations sur la disparition de Shekau sont monnaie courante. L’armée nigériane a prétendu plusieurs fois l’avoir tué. Sa dernière apparition date de mars, où il paraissait affaibli dans une vidéo postée sur Youtube et déclarait : « Pour +moi+ la fin est venue ».
Selon des sources locales proches de la mouvance jihadiste, Shekau était alors blessé à l’estomac. Il n’y a eu depuis aucune autre preuve de vie, ce qui laissait penser que le chef était soit dans l’incapacité de commander, soit mort.
Un expert nigérian proche de la mouvance islamiste, contacté par l’AFP mais qui souhaite rester anonyme, reste convaincu que Shekau est « toujours vivant ».
Romain Caillet, chercheur à l’Institut français du Proche-Orient et spécialiste des questions de jihad, va dans ce sens sur son compte twitter, déclarant qu' »aucun élément dans cette interview ne laisse penser qu’Abu (Bakar) Shekau a été tué, ce qui indiquerait qu’il a probablement été limogé ».
Il est « possible » qu’Al Barnaoui ait pris la succession de Shekau à la tête Boko Haram, explique Yan St Pierre, spécialiste des questions du jihadisme pour le Modern Security Consulting Group. Sous le leadership de Shekau, « Boko Haram a perdu son prestige et est devenu difficile à contrôler. Aujourd’hui, Boko Haram est divisé en plusieurs petits groupes », certains proches de l’EI, d’autres d’Ansaru et de la mouvance d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi).
Ba’na Bulachira, représentant du groupe dans le nord du Cameroun, avait été considéré également comme un leader potentiel pour succéder à Shekau. « Tous utilisent le même nom, mais Boko Haram est devenu un groupe très hétérogène », explique M. St Pierre.
Avec cet entretien, en suggérant eux-mêmes un nouveau leader, l’EI fait un nouveau pas en direction de Boko Haram, de plus en plus divisé et affaibli par les offensives de l’armée dans ses fiefs du nord-est.
Le mouvement, qui réclame l’instauration d’un Etat islamique dans le nord du Nigeria, avait atteint le faîte de sa puissance en 2014, en proclamant un « califat » dans le nord-est, et en perpétrant le kidnapping massif de plus de 200 lycéennes, un acte qui avait suscité une réprobation internationale.
La semaine dernière, la force armée régionale anti-Boko Haram a repris le contrôle de Damasak, ville stratégique à la frontière du Niger, où les jihadistes avaient tué plus de 200 personnes et kidnappé des centaines d’enfants il y a deux ans.
Tv5