(Processus électoral) La lettre de l’opposition à Macky : “Nous savons que c’est un jeu de dupes”

opposition

Les membres de la coalition Wattu ont rencontré la presse ce mercredi pour dénoncer le processus électoral. Ils ont d’ailleurs adressé une lettre kilométrique au chef de l’Etat, Macky Sall.

« Excellence, Monsieur le Président de la République, comme vous le savez, nous considérons aujourd’hui que le consensus qui a toujours prévalu en matière électorale dans notre pays a été rompu avec le dépôt unilatéral, en procédure d’urgence, du projet de loi portant refonte partielle des listes électorales, son adoption et sa promulgation. Nous avions fait un effort important en participant majoritairement  à la commission technique de Revue du code électoral (Ctrce), mise en place après la rencontre du 28 mai 2016 entre les forces vives de la Nation et vous-même », écrivent Malick Gakou, le coordonnateur de ma coalition, et ses camarades. « Cette rupture du consensus en matière électorale bien établi depuis un quart de siècle nous mène vers des lendemains incertains pour notre pays et notre peuple. Le démarrage de la « révision exceptionnelle » et la publication des textes règlementaires organisant ladite révision en vue des élections législatives de 2017 nous interpellent tous. C’est pourquoi, nous avons décidé de tirer la sonnette d’alarme et de vous écrire pour vous soumettre, en urgence, certaines de nos préoccupations », notent-ils.

Refonte partielle des listes électorales

Parmi leurs préoccupations, les problèmes liés à l’application de la loi n° 2016-27 portant refonte partielle des listes électorales et son décret d’application. « Nous l’avions défendu et aujourd’hui les faits nous donnent raison. Aucun citoyen n’arrive à la commission administrative, souvent après plusieurs heures d’attente, pour infirmer son inscription et se radier des listes électorales. Le citoyen vient soit pour s’inscrire (nouvel inscrit), soit pour confirmer ou modifier son adresse électorale. Dans aucune commission, on ne demande au citoyen s’il vient pour confirmer ou infirmer son inscription sur les listes électorales. Nous ne comprenons pas pourquoi le Ministre de l’Intérieur a tant insisté sur la confirmation préalable qui nous semble être une hérésie.

Nous l’avons dit, nous le répétons. Nous le soupçonnons d’utiliser ce subterfuge pour un autre objectif : radier sciemment des électeurs illettrés habitant des zones hostiles au gouvernement et à sa politique, y compris dans sa propre circonscription électorale. La formalité de la confirmation à laquelle fait référence la loi portant refonte (article 3) est absurde. D’ailleurs, quand il ne souhaite pas modifier son adresse électorale, l’électeur doit pouvoir se présenter au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie et obtenir sa nouvelle carte d’identité. II s’agit plus d’une refonte totale des cartes nationales d’identité que d’une refonte partielle de listes électorales et l’article 2 du décret 2016-1536 portant application de la loi instituant une carte d’identité biométrique CEDEAO ne laisse de la place pour aucun doute : « Cette (nouvelle) carte (d’identité) fait office de carte d’électeur pour les citoyens inscrits sur les listes électorales ». La loi n’a pas mis à plat les listes électorales comme ce fut le cas en 2004 avec la loi 2004-32 du 25 août 2004 portant annulation de toutes les listes électorales et de toutes les inscriptions figurant dans le fichier général des électeurs et prescrivant l’établissement de nouvelles listes. Par conséquent, les électeurs déjà inscrits le restent. Il n’y a pas de radiation exceptionnelle des listes du fait de la loi.

Et la loi portant code électoral, modifiée, précise sans équivoque, en son article 42 : « Un électeur inscrit sur la liste électorale ne peut être radié sans une décision motivée et dûment notifiée. La commission administrative peut procéder à des radiations soit sur demande, soit d’office. La radiation sur demande intervient à la requête de l’électeur intéressé. La radiation d’office intervient dans les cas prévus par décret», et en son article 39 : « Les listes électorales sont permanentes. Elles font l’objet d’une révision annuelle initiée par l’Administration, et exécutée par les commissions administratives (…) Chaque élection est faite sur la base de la liste révisée pendant toute l’année qui suit la clôture de la liste. Avant chaque élection générale, une révision exceptionnelle est décidée par décret. Toutefois, elle peut être décidée dans la même forme en cas d’élection anticipée », note l’opposition dans sa lettre adressée au chef de l’Etat.

Représentation des Partis politiques
Autre préoccupation de l’opposition, la question des représentants des partis politiques. « L’arrêté N° 2016-14898 du 03 Octobre 2016 du Ministre chargé des élections fixe la composition de la commission administrative et dispose en son quatrième tiret que les « …Représentants des partis politiques ou coalitions de partis politiques légalement constitués… » sont membres de la commission administrative. Cette reconnaissance et cette appartenance de droit des partis politiques et des coalitions de partis politiques légalement constitués à ces commissions administratives chargées de conduire la révision exceptionnelle des listes électorales en vue des élections législatives de 2017 devaient obliger le Ministre chargé des élections non seulement à faire figurer ces acteurs sur la liste des ampliataires de son arrêté, mais encore il doit engager toutes les diligences nécessaires pour que cet arrêté soit notifié ou tenu à la disposition de chaque parti politique ou de chaque coalition de partis politiques constituée à cet effet. Pour pouvoir inscrire un maximum de Sénégalais, certaines commissions administratives seront des commissions itinérantes et la présence des partis ainsi que de la CENA permet d’assurer la transparence des inscriptions. De ce point de vue, nous pensons que l’Etat doit assurer et prendre en charge financièrement la présence des partis dans toutes les commissions administratives selon des modalités rationnelles n’ouvrant pas la voie à l’anarchie et à des dépenses excessives », notent Gakou et Cie qui sont également inquiets sur la durée de la procédure et les silences de la loi. « Le décret portant application de la loi portant refonte partielle des listes électorales est peu explicite sur le nombre réel de commissions administratives disponibles, tout au plus note-t-il qu’il sera mis en place à l’intérieur du pays dans chaque préfecture et sous-préfecture une commission administrative au moins, et à l’extérieur dans chaque juridiction une commission au moins. Et avec un calcul rapide, en partant de la capacité réelle de traitement des commissions administratives et en supposant qu’au moins une commission est disponible dans chaque commune, nous arrivons à des résultats impossibles pour des élections qui doivent se dérouler dans 6 ou 7 mois. Tout le monde se dit que les délais ne seront pas respectés, ne peuvent pas être respectés, et que l’Etat le savait dès le départ et qu’il s’agit en fait d’un jeu de dupes », écrit l’opposition.

Contestation de l’arrêté du ministre de l’Intérieur

Malick Gakou et Cie pensent également que l’arrêté du Ministre de l’Intérieur est en porte-à-faux avec les lois et règlements en vigueur.

“L’arrêté du ministre chargé des élections exclut les électeurs non-inscrits et ne disposant pas de la carte nationale d’identité de la compétence des commissions administratives. L’article  5 de l’arrêté N° 2016-14898 du 03 Octobre 2016 du Ministre chargé des élections dispose : « …Seuls les électeurs figurant déjà dans le fichier général objet de la refonte partielle et les électeurs non-inscrits, mais titulaires de la carte d’identité, peuvent se présenter devant les commissions administratives… ». Or l’article 2 du décret portant application de la loi portant refonte partielle des listes électorales, dispose : « Sont concernés par les opérations : tous les électeurs inscrits soit sur la liste des électeurs, soit sur celle de l’étranger, tous les électeurs militaires et paramilitaires”, notent-il, dénonçant le fait que l’arrêté ne mentionne nulle part dans tous les articles qui le composent la date de clôture de l’opération de révision exceptionnelle des listes électorales pour les élections législatives de 2017.

Révision exceptionnelle des listes électorales

Malick Gakou et Cie expliquent également que les dates de démarrage annoncées dans l’arrêté ministériel n’ont pas été suivies d’effet. “La loi électorale oblige le Ministre chargé des élections à fixer la date de clôture de l’opération liée à la révision exceptionnelle des listes électorales. En effet, l’article 37 du code électoral, modifié, dispose que « …Sont également inscrits sur la liste électorale dans les communes les personnes qui, ne remplissant pas les conditions d’âge… lors de la formation de la liste, les rempliront avant la clôture définitive». Enfin l’article 8 du décret N° 2016-1535 du 29 Septembre 2016, qui a été soumis à votre signature par le Ministre chargé des élections, dispose que « …Les dates de démarrage et de clôture des commissions administratives sont fixées au niveau national par un arrêté du Ministre chargé des élections… ». En conséquence, le Ministre chargé des élections ne saurait se soustraire à cette obligation républicaine qui lui incombe à savoir : la fixation de la date de clôture des commissions administratives, en relation avec la période de la révision exceptionnelle des listes électorales en vue des élections législatives de 2017 que vous définissez pour ne pas pénaliser les électeurs qui auront 18 ans le jour de la clôture définitive de l’opération. Il est vrai que les dates de démarrage annoncées dans l’arrêté ministériel n’ont pas été suivies d’effet (par exemple 15 octobre 2016 : démarrage des commissions des préfectures et sous-préfectures des régions autres que Dakar), mais il reste de sa responsabilité de fixer les dates liées à la vie des commissions administratives.

L’article 37 du code électoral, modifié, stipule que « …Sont aussi inscrites sur la même liste électorale lors des révisions exceptionnelles, les personnes qui remplissent la condition d’âge au plus tard le jour du scrutin… ». Le gouvernement ayant décidé, conformément à l’article 2 du décret N° 2016-1535 du 29 Septembre 2016, que « …Les commissions administratives exécutent la révision exceptionnelle pour les élections législatives de 2017… », le Ministre chargé des élections doit prendre toutes les dispositions appropriées pour que la date des élections législatives de 2017 soit précisément connue et communiquée à toutes les commissions administratives opérant la refonte partielle couplée à l’instruction de la carte d’identité CEDEAO. Ce qui permettra à tous les citoyens qui auront 18 ans le jour du scrutin de s’inscrire en conséquence et en connaissance de cause”, écrivent-ils.
Les Sénégalais de l’extérieur

Dans le cadre de la révision exceptionnelle des listes électorales et en application des textes cités en référence et notamment de l’article 8 du décret N° 2016-1535 du 29 Septembre 2016 « …Le Ministre des Affaires Etrangères des Sénégalais de l’Extérieur fixe par arrêté les modalités de fonctionnement des commissions administratives ainsi que les dates de démarrage et de clôture… ». Jusqu’ici, note l’opposition, elle ne dispose pas de cet arrêté qui pourrait lui permettre, au Front, pour, d’une part, participer à l’information la plus large possible de nos concitoyens résidant à l’étranger et, d’autre part, engager nos responsables locaux à se faire représenter dans les commissions administratives créées à cet effet.

“Non seulement l’arrêté du Ministre des Affaires Etrangères et des Sénégalais de l’Extérieur doit être tenu à notre disposition, mais aussi il devra intégrer les redressements idoines à la lumière des manquements très graves enregistrés dans l’arrêté N° 2016-14898 du 03 Octobre 2016 du Ministre chargé des élections”, réclame l’opposition.

L’audit du fichier électoral
L’opposition rappelle également que le Président de la République s’était prononcé publiquement pour un audit préalable du fichier électoral. Il permettrait d’en mesurer les forces et faiblesses. “Des partenaires au développement avaient pris en charge cette préoccupation citoyenne en 2011. Après l’élection présidentielle de 2012, les élections législatives de 2012, les élections locales de 2014, le référendum de 2016, les élections au HCCT de 2016, il s’avère nécessaire d’auditer à nouveau le fichier d’autant plus que de nombreux cas de fraude ont été signalés ces dernières années. Cette doléance, maintes fois formulée, est d’autant plus valable que les listes électorales sont toujours en vigueur, la carte électorale, souvent dessinée sans la présence des partis de l’opposition, est contestée presque partout, les modes de scrutin et les bulletins de vote doivent être revisités après les recommandations du dernier audit du fichier, des propositions de différents organes et la prolifération des partis politiques dans le pays. Tous les régimes politiques du pays ont accepté les audits avant les élections générales. Nous attendons que le régime fasse de même que ses prédécesseurs.
L’organisation des élections par une autorité consensuelle

Comme il le font depuis toujours, l’opposition réclame à nouveau la mise à l’écart d’Abdoulaye Daouda Diallo du processus electoral. “L’expérience a démontré que les élections ayant entraîné une alternance paisible, saluée par toute la communauté tant nationale qu’internationales, ont toutes été organisées par une personnalité neutre, consensuelle et sur qui ne pèse aucun soupçon de partialité. Par contre, il ne fait aucun doute qu’une personnalité membre du parti présidentiel, exerçant au surplus des fonctions électives ne rassure pas puisqu’il n’est pas possible dans toutes les conditions visées ci-dessus d’être juge et partie. Il s’y ajoute qu’il est connu de tous, démontré et confirmé par l’organe de contrôle des élections que l’actuel ministre de l’intérieur ainsi que ses services et partisans sont impliqués dans des fraudes et tentatives grotesques de fraude confirmant les craintes de l’incapacité par une autorité politique d’organiser des élections transparentes dans le contexte actuel. L’arrêté n° 14898 du 3 octobre 2016 en est une autre démonstration”, soutiennent Malick Gakou et Cie.

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