Procès Khalifa Sall : Me François Sarr retourne magistralement la situation en faveur du maire de Dakar

François Sarr. © Sylvain Cherkaoui pour JA

Le ténor du Barreau a réussi à confondre les deux percepteurs municipaux quant à l’existence de fonds politiques à la mairie de la capitale.

Jusqu’alors personne, y compris parmi ses plus chauds partisans — sauf, peut-être Le Témoin ! —, ne donnait cher de l’avenir judiciaire du maire de Dakar. De la manière dont le procureur du gouvernement, pardon de la République !, l’agent judiciaire de l’Etat et les avocats de la partie civile se pourléchaient les babines, tout le monde se disait que le sort de Khalifa Sall était scellé. Sans oser le reconnaître ouvertement, même des proches de l’actuel prisonnier le plus célèbre du Sénégal se demandaient mais comment diable a-t-il donc pu se faire prendre la main dans le sac avec cette histoire de livraisons fictives de sacs de riz et de mil, une affaire qui pue à des lieues le faux et usage de faux ?

Pour leur défense, Khalifa Sall et Mbaye Touré, le directeur administratif et financier (Daf) de la mairie ont toujours soutenu qu’il s’agissait là de fonds politiques qui, par nature, ne doivent pas être justifiés, les (fausses) factures de riz et de mil étant remis pour la forme au percepteur municipal. Lequel, nullement dupe, a décaissé chaque mois, et durant presque une décennie, 30 millions de francs tout en faisant semblant de ne pas savoir que les factures qu’on lui présentait étaient fictives. Cela a fonctionné comme ça depuis 1983 au moins.

Seulement voilà, quand on veut emprisonner son rival politique, on l’accuse de détournement de fonds. Ce, même si on a soi-même bénéficié de ces fonds. Jusque-là, la pièce essentielle de l’accusation, c’était le percepteur municipal Mamadou Oumar Bocoum. Retourné par le pouvoir, nommé régisseur des grands projets du président de la République après qu’il eut pris la carte de l’APR, Bocoum, malgré son rôle central dans le dispositif de la mairie de la ville de Dakar, avait curieusement échappé au mandat de dépôt ! Ce, pendant que des agents qui avaient des rôles subalternes se retrouvaient en prison.

Pour enfoncer Khalifa, donc, même s’il n’a jamais voulu le faire de gaité de cœur, on l’a contraint à jurer ses grands dieux, tout au long de la procédure, que les fonds politiques n’existent pas dans la nomenclature comptable de la mairie de Dakar. « Fonds politiques ? Jamais entendu parler ! » Voilà ce qu’a toujours soutenu jusque- là, et contre toute évidence, le brave homme. Lequel était la pièce maîtresse de l’accusation. Et voilà que cette pièce maîtresse s’est écroulée jeudi dernier ! Elle a été confondue par le grand avocat Me François Sarr dont nous révélions en exclusivité dans ce journal l’entrée en scène dans ce dossier tout en disant qu’avec lui, le traitement judiciaire de cette affaire allait prendre une autre tournure.

Jeudi, donc, Mamadou Oumar Bocoum, et son remplaçant, Ibrahima Touré, ont soutenu encore une fois n’avoir jamais eu connaissance de fonds politiques dans la nomenclature comptable de la ville de Dakar. C’est alors que, preuves écrites à l’appui, Me François Sarr leur a démontré le contraire ! Confus et bredouillant, nos deux percepteurs ont alors dû cracher le morceau et reconnaître l’évidence. Ce tout en prêchant soit l’ignorance, soit l’oubli ! Lesquels ont décidément bon dos.

Le procès venait alors de prendre une nouvelle tournure, extrêmement favorable au maire de Dakar cette fois-ci. en effet, quand la pièce maîtresse de l’accusation s’effondre aussi pitoyablement, car prise en flagrant délit de mensonge, que reste-t-il de l’accusation ? Le faux et l’usage de faux ? Mais les factures présentées sont superfétatoires dès lors qu’il s’agit de fonds politiques ! Lesquels, par essence, ne doivent jamais être justifiés. Dès lors, la cause était entendue puisque plus rien ne justifie plus le maintien en détention de Khalifa Ababacar Sall. Plus rien de pénalement responsable, s’entend. Plus rien sauf la volonté d’éliminer politiquement un sérieux rival à la présidentielle de février 2019.

Et si d’aventure un doute subsistait encore quant à la culpabilité du maire de la ville de Dakar dans cette affaire de détournement de deniers publics présumé, ou relativement à l’existence de fonds politiques à la mairie de Dakar, ce doute a été levé par la magistrale intervention de l’ancien édile de la capitale, M. Mamadou Diop.

Ancien ministre, l’un des premiers officiers de la gendarmerie nationale, ancien auditeur à la Cour suprême, avocat, auteur de plusieurs ouvrages sur les collectivités locales et le droit, homme politique et homme d’Etat, Mamadou Diop a expliqué avec brio au Tribunal les circonstances dans lesquelles, à la demande de la coordination socialiste de Dakar, le président Léopold Sédar Senghor avait autorisé la mise en place de fonds politiques à la mairie de Dakar. Une pratique qui s’est poursuivie sous diverses formes du bon Dr Samba Guèye à Khalifa Ababacar Sall en passant par Mamadou Diop et Pape Diop…

Christian SENE

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